Le chef d’entreprise ou un manager ne doit jamais négliger une alerte...


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Obligation de sécurité de résultat de l’employeur : attention à l’alerte lancée !
La faute inexcusable de l’employeur sera retenue, dès lors que le salarié victime d’un accident du travail l’avait préalablement averti du risque encouru...

JURISPRUDENCE SOCIALE

Cass. civ. 2, 8 juillet 2021, n° 19-25.550

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L’affaire...

Le salarié d’une entreprise a été victime d’une agression physique sur son lieu de travail quelques temps après avoir reçu une lettre de menaces envoyée de façon anonyme. Une fois l’accident du travail reconnu par la caisse primaire d’assurance maladie, la victime de l’agression a intenté une action en justice afin que soit reconnue la faute inexcusable de l’employeur.
Débouté en appel au motif que le fait d’avoir simplement transmis la lettre à l’employeur tout en recommandant de ne pas agir afin d’identifier ses auteurs ne constituait pas une alerte, le salarié a formé un pourvoi en cassation.

LA COUR DE CASSATION...

La minimisation du risque encouru par le salarié lanceur d’alerte est-elle de nature à justifier l’absence de mesures prises par l’employeur ?

Les juges du fond ayant rejeté la faute inexcusable de l’employeur ont vu leur décision cassée par la Cour de cassation.

Dès lors qu’il a été informé, l’employeur aurait dû faire une analyse circonstanciée de la situation car l’élément transmis est une lettre de menace dans un contexte de tensions sociales dans l’entreprise.

En rejetant le caractère d’alerte pour une menace portant sur l’intégrité physique d’un salarié, au motif que l’intéressé n’avait pas pris conscience du potentiel risque, les juges du fond ont méconnu les textes portant sur l’obligation de sécurité reposant sur l’employeur vis-à-vis de ses salariés.
Même si la décision est rendue sur le fondement de l’article L.4131-4 du Code du travail, il ressort de l’analyse de la Cour de cassation que celle-ci a fondé sa décision au regard du manquement particulièrement grave de l’employeur eu égard au contexte.
Cette motivation est étonnante car elle va au-delà de la lettre du texte. Mais cela s’explique sans doute par la conception qui est dorénavant la sienne s’agissant de l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur.

ECLAIRAGES

La faute inexcusable étant prononcée par le juge à l’encontre d’un employeur en cas de manquement avéré à son obligation dite de « sécurité de résultat », c’est sur ce terrain qu’il convient de recentrer le propos pour bien cerner l’arrêt.

On le sait, le juge judiciaire a fait évoluer les conditions de reconnaissance du manquement à l’obligation de sécurité reposant sur l’employeur.
Si la seule réalisation du risque était auparavant une condition suffisante pour permettre sa condamnation, il en va tout autrement aujourd’hui.
La faute inexcusable ne sera effectivement plus prononcée à son encontre, dès lors qu’il parviendra à démontrer avoir tout mis en œuvre pour empêcher la réalisation du risque, en matière de santé/sécurité des salariés de l’entreprise.

Il demeure néanmoins une survivance à cette reconnaissance automatique de la faute inexcusable. Les dispositions légales et notamment l’article L. 4131-4 du Code du travail prévoient que si un salarié est victime d’un accident du travail (ou d’une maladie professionnelle) alors que l’employeur a été préalablement prévenu de la réalisation du risque, celui-ci doit être condamné sur le fondement de la faute inexcusable.

Une fois ces éléments admis, logique que la décision de la Cour de cassation soit rendue en ce sens :

  • L’alerte faite par le salarié de risques sérieux dont il pouvait être potentiellement la victime directe aurait dû être de nature à faire réagir l’employeur. Il est débiteur de cette obligation et partant, il aurait dû évaluer le risque de réalisation et tout mettre en œuvre pour prévenir la réalisation du dommage.
  • La réalisation d’un risque dont il a été alerté et ayant entraîné un accident du travail entraîne nécessairement la reconnaissance d’une faute inexcusable.
    Survivance de l’obligation de résultat, la matérialisation du risque dans cette circonstance ne pourra faire l’objet d’une exonération de la responsabilité de l’employeur. Ici, peu important les moyens mis en œuvre.
    Par conséquent, l’employeur n’ayant entrepris aucune action alors qu’il a été alerté d’un risque par un salarié, quand bien même celui-ci a par la suite tempéré le risque encouru, ne pouvait échapper à la condamnation.

DROIT EN ACTIONS

  • Pour les représentants du personnel, l’article L.4131-4 précité est restrictif car il ne prévoit la caractérisation impérative de la faute inexcusable de l’employeur que dans la mesure où une alerte est donnée par le salarié soumis au risque ou par les représentants du CSE. Sont par conséquents exclues du champ du dispositif toutes autres formes de représentation du personnel, que ce soit les représentants de section syndicale, délégués syndicaux etc. A défaut, on sort du champ de l’application du champ de l’article et l’employeur pourra s’exonérer de sa responsabilité en démontrant avoir pris des mesures suffisantes en réaction.
  • Pour les salariés : dès lors que vous êtes placés dans une situation présentant un risque même potentiel, il est important d’en faire état à votre supérieur hiérarchique ou bien à votre employeur. Pour pouvoir être prouvée, l’alerte devra être faite par écrit ou, à défaut, en présence d’une tierce personne. En procédant ainsi, il ne pourra vous être reproché de ne pas avoir été suffisamment vigilant pour votre propre sécurité d’une part, et l’employeur étant tenu d’agir afin d’empêcher de façon impérative la survenance du risque, il ne pourra s’exonérer de toute responsabilité en cas d’échec.

Enfin, en cas de danger grave et imminent, le salarié peut également agir par l’exercice du droit de retrait sans attendre la confirmation de l’employeur. Dans ce contexte, il ne pourra pas faire l’objet d’une sanction.

Pour le responsable hiérarchique : ne pas sous-estimer les déclarations de ses collègues de travail ou éviter les situations alertantes, prendre plutôt le risque d’en faire trop que pas assez, de prévenir l’employeur…

Auteur, Michel PEPIN, Juriste, Service Juridique, Secteur Juridique National, Bagnolet.

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