Développement des compétences : les inégalités d’accès à la formation persistent


https://www.unsa.org/2916

L’étude* publiée en juillet dernier, « L’entreprise face à l’enjeu compétences : ce que nous enseigne les travaux du Cereq », pointe les manques de notre système de formation professionnelle qui pénalise toujours les moins qualifiés.

Que ce soit dans les stratégies « Ressources humaines » ou dans les politiques publiques liées à la formation et à l’emploi, les compétences ont supplanté la qualification.
Si le vocable a suscité de nombreuses controverses pendant ces deux dernières décennies, il semble aujourd’hui faire consensus tout du moins sur l’enjeu majeur du développement des compétences face aux transformations écologiques, numériques et aux évolutions des métiers qui en découlent.

Comme le souligne le Cereq, au cours de ces quinze dernières années, l’objectif de sécurisation des parcours professionnels a basculé de la logique qualification à une logique compétences.
Ainsi “ La compétence se voit ainsi érigée en protection sociale active du XXI siècle ” par la loi du 5 septembre 2018 et figure au cœur des accords et des dispositifs légaux qui encadre la formation professionnelle.

Des besoins en compétences non satisfaits
De manière répétée les entreprises n’ont cessé d’alerter voire de se plaindre du manque de main d’œuvre dans certains secteurs.
Les diverses analyses sur les besoins en qualifications et les métiers en tension réalisées par le Céreq montrent que tant sur la formation initiale que sur la formation continue, les entreprises ont un rôle important pour contrer les pénuries de compétences.
Selon cette étude, si l’on compare la trajectoire des jeunes par famille de métiers (enquête Génération : “interrogation 3 ans après leur sortie de formation initiale”), notamment dans les secteurs du BTP, des métiers de bouche et la métallurgie, on constate une forte hétérogénéité dans la façon dont les flux d’entrée de jeunes sur le marché du travail sont susceptibles de répondre aux métiers en tension.

La formation initiale : une réponse partielle aux problèmes de secteurs en tension
En analysant le lien entre formation et recrutement sur trois secteurs en tension (BTP, métiers de bouche, métallurgie, le Cereq pointe des disparités entre la formation suivie et son impact direct sur les métiers exercés.
Le BTP recrute sensiblement plus de jeunes issus de formations diverses que de jeunes proprement formés aux métiers du secteur : seuls 40 % des jeunes entrés dans le secteur ont suivi une formation en correspondance.
La solution « formation » n’est donc qu’une réponse partielle à la problématique des tensions.
En revanche, sur le secteur « métiers de bouche » 78% des jeunes ont reçu une formation en lien avec ces métiers.
La formation est ici très prégnante avec un lien étroit qualification -métier. Quant au secteur de la métallurgie, seuls 32% ont suivi une formation et 77% des jeunes formés n’ont jamais travaillé dans ce secteur.
Bien que ce secteur dispose d’une main d’œuvre jeune et qualifiée, le développement des compétences s’opère davantage en interne avec les salariés déjà intégrés.
Face à ces constats, les entreprises ne peuvent s’en remettre au système de formation initiale, supposé répondre à leurs besoins sans s’interroger sur ces logiques dont elles sont porteuses.
Aussi, une des pistes pour répondre à cet enjeu, est de promouvoir la construction école-entreprise des processus de professionnalisation.

Inégalités d’accès à la formation continue
Un autre enseignement porté par le Cereq est que si la formation continue des entreprises est un levier essentiel pour le développement des compétences et partagé par l’ensemble des salariés, l’appétit pour la formation ne se traduit pas par une demande effective de tous.
Le manque d’espace de dialogue entre le salarié et l’entreprise ne permet pas à inciter le salarié à formuler son désir d’évolution professionnelle.
Par ailleurs, le Cereq pointe la persistance d’inégalités d’accès à la formation continue.
La loi du 5 septembre 2018 ainsi que les outils déployés lors de la crise Covid ne sont pas venus contredire ce constat récurrent.
La moitié des cadres contre un tiers seulement des ouvriers ont déclaré avoir suivi au moins une formation entre mars 2020 et mars 2021. Une fois de plus ce sont les salariés des grandes entreprises, les CDI temps plein qui ont été les plus nombreux à se former.
Quant aux reconversions professionnelles, les inégalités sont encore plus fortes.
Bien que la cible ait été les salariés au bas de la hiérarchie sociale, à peine un salarié sur cinq réussit sa reconversion.

En 15 ans, la part d’entreprises formatrices n’a pas bougé
L’enquête EFE-e (Enquête formation employeurs – européenne), conduite par le Céreq, la Dares et France compétences, montre que l’investissement des entreprises dans la formation, entre 2005 et 2020, semble se heurter en France à un plafond de verre, qu’il s’agisse de la proportion d’entreprises formatrices ou de la proportion de salariés suivant une formation chaque année.
Si les ¾ des entreprises de 10 salariés et plus déclarent avoir formé au moins un de leur travailleurs (niveau similaire à 2005), les modalités de formation ont changé : recours à l’autoformation, activités de formation en situation de travail (AFEST), formations ouvertes à distances (FOAD) par rapport aux modalités « traditionnelles » (stages, cours…).
Si beaucoup de thèmes de négociation entrent dans le champ de la formation, peu d’obligations légales pèsent sur l’employeur en matière de formation continue et le plan de développement des compétences demeure à l’initiative de l’employeur.
Même si l’employeur peut être sanctionné s’il n’a pas mis en place aucune action de formation ou n’a pas conduit d’entretien professionnel, l’abondement au correctif CPF de 3000 euros, conforte l’idée que seul le salarié est responsable de son employabilité à travers la mobilisation de son CPF.

Pour autant, le volet formation manque de dynamisme dans le champ de la négociation d’entreprise.
En 2021, sur les 76 820 accords d’entreprise signés, seulement 680 (0.9%) accords concernaient la formation. De même dans les accords de branche, ce sujet a reculé, 185 accords de branches en 2021 contre 201 en 2020 (DGT-bilan de la négociation collective 2021).
Pour l’Unsa, face aux enjeux majeurs de la transformation écologique et numérique et de l’évolution des métiers, l’investissement dans les compétences doit être un sujet central du dialogue social dans les entreprises, les branches.

Afin que le volet formation ne demeure pas un supplément d’âme, l’UNSA revendique que le Plan de développement des compétences (PDC) soit un outil de réelle négociation partagée entre les employeurs et les représentants des salariés.

Il est urgent d’agir pour rompre enfin avec ce plafond de verre qui favorise toujours les mieux loties et les plus qualifiés.

*Céreq Etudes, n° 48, Août 2023 L’entreprise face à l’enjeu compétences : ce que nous enseignent les travaux du Céreq ICI

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