L’obligation de sécurité contre le harcèlement sexuel ? Il faut aller plus loin !


https://www.unsa.org/2592

Nouvel exemple de recours à la protection du respect de l’obligation de sécurité de l’employeur en cas de faits de harcèlement sexuel...

La Cour de cassation décide que l’employeur respecte son obligation de sécurité lorsque, averti de l’existence d’un harcèlement sexuel, il a informé l’inspection du travail et cessé de faire circuler dans la même voiture la salariée et son collègue "agresseur"...

JURISPRUDENCE SOCIALE

A propos de la décision de la chambre sociale de la Cour de cassation : Cass. soc. 18 janvier 2023, n° 21-23796

https://www.courdecassation.fr/decision/63c79f0bda31367c908eb918

Contexte de la saisine...

Il ressort des dispositions de l’article L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail, que l’employeur est tenu à une obligation de sécurité,à l’égard de ses salariés ; il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il engage sa responsabilité, sauf s’il démontre avoir pris les mesures générales de prévention nécessaires et suffisantes pour l’éviter, ce qui appartient aux juges du fonds de l’apprécier souverainement.

La présente décision donne un nouvel exemple du respect de l’obligation de sécurité en cas de harcèlement sexuel et déboute la salariée des dommages et intérêts qui en découle.

- PROCEDURE ET JUGEMENTS RENDUS...

Le Conseil de Prud’hommes...

  • FAITS : une salariée ambulancière est licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Elle décide de saisir le conseil de prud’hommes afin de reconnaître la nullité de son licenciement et l’obtention de dommages et intérêts, résultant, notamment, du non-respect de l’obligation de sécurité de son employeur. Pour la salariée, son inaptitude est la conséquence de faits de harcèlement sexuel de la part de l’un de ses collègues et de manquements de l’employeur à son obligation de sécurité.

La Cour d’appel...

La salariée obtient gain de cause devant la cour d’appel en paiement de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité. Pour la juridiction, l’employeur n’apporte aucun élément pour justifier qu’il a pris une quelconque mesure nécessaire, pour mettre un terme à la situation de harcèlement avérée subie par la salariée, alors qu’il en avait connaissance et que cette situation est à l’origine de la dégradation de son état de santé.

Quels éléments factuels l’employeur peut-il légitimement invoquer pour faire valoir le respect de l’obligation de sécurité vis-à-vis d’un salarié victime de harcèlement sexuel ?

° L’ANALYSE DE LA COUR DE CASSATION

La Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel reprochant à cette dernière de ne pas avoir examiné les motifs du jugement du conseil de prud’hommes qui avait retenus les débats et les pièces versées démontrent que :

  • la société a cessé de faire circuler dans la même voiture la salariée et son collègue dès qu’elle a été mise au courant de la situation de harcèlement sexuel alléguée ;
  • qu’elle a informé l’inspection du travail.

La chambre sociale en déduit que "l’entreprise a donc effectué tout ce qui était en son pouvoir pour respecter son obligation de sécurité".

° ECLAIRAGES

Cette décision rejoint la logique des décisions de ces derniers mois de la Cour de cassation (Cass. soc., 7 déc. 2022, n° 21-18.114) et (Cass. soc., 30 nov. 2022, n° 21-17.184), qui décidèrent que l’employeur respecte son obligation de sécurité quand :

  • en cas de harcèlement moral, il organise une réunion le jour même de la connaissance des faits de harcèlement par la directrice du magasin, en présence d’elle-même, de la salariée et d’un délégué du personnel pour évoquer les faits dénoncés, propose un changement de secteur et que, suite à un entretien entre la salariée et le responsable des ressources humaines, une enquête a été menée par le CHSCT ;
  • en cas de violences physiques au travail, alors qu’il n’était pas informé d’une particulière inimitié préexistante entre les deux salariées, il a pris toutes les mesures nécessaires pour prévenir une nouvelle altercation avant leur mise en échec par le seul comportement de l’intéressée.

° Droits en actions

On peut être déçu par ces décisions et motivations des décisions des juges qui excluent la recherche de pressions et renoncent à l’exercice d’actions beaucoup plus dures ou préventives à l’égard du harceleur... Les mesures d’organisation et d’aménagements des conditions de travail permettant d’éviter des "mises en contacts", c’est un début, mais c’est sans doute insuffisant et peu dissuasif d’un comportement déviant qui pourrait simplement changer de victime... Mais, il est vrai que cela évite aussi à l’entreprise de devoir se heurter à une contestation d’une sanction disciplinaire du "harceleur" qui ne manque pas dans ces situations à mettre en cause la preuve des faits ou de son comportement. Or, que l’on invoque l’obligation de sécurité ou la preuve du harcèlement, tout tourne toujours autour de la question de la preuve...

Cette jurisprudence traduit aussi sans doute un manque de considération des victimes qui seront finalement également impactées, au quotidien, par l’organisation des conditions de travail et d’éloignement de leurs harceleurs, alors qu’elles ne sont pour rien dans la cause première et déterminante de ses sujétions...

Des évolutions des "prétoires" sont attendues...


Sophie RIOLLET, juriste, Pôle service juridique du Secteur Juridique National de l’UNSA.

Pour tous commentaires ou question, juridique@unsa.org

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