Question d’égalité devant la loi : congé paternité d’un couple d’hommes accueillant un enfant...
Conseil Constitutionnel, décision de conformité n° 2025-1155 suite à une question prioritaire de constitutionnalité du 8 août 2025 :
Question relayée de recours de l’Association des parents et futurs parents gays et lesbiens, bénéficiaires du congé de paternité et d’accueil de l’enfant... Rappel de l’interrogation, rendu de la décision du Conseil Constitutionnel.
CONSEIL CONSTITUTIONNEL : DÉCISION DE CONFORMITÉ À LA CONSTITUTION
À propos de la décision de conformité n° 2025-1155 suite à une Q.P.C. du 8 août 2025.
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° L’ÉTAT DU DROIT EN MATIÈRE DE CONGÉ PATERNITÉ
L’article L. 1225-35 du code du travail, dans la rédaction résultant de la loi du 14 décembre 2020 mentionnée ci-dessus, prévoit qu’après la naissance de l’enfant, le père salarié ainsi que, le cas échéant, le conjoint ou concubin salarié de la mère ou la personne salariée liée à elle par un pacte civil de solidarité bénéficient d’un congé de paternité et d’accueil de l’enfant de vingt-cinq jours calendaires ou de trente-deux jours calendaires en cas de naissances multiples.
Le congé de paternité et d’accueil de l’enfant entraîne la suspension du contrat de travail.
Ce congé est composé d’une période de quatre jours calendaires consécutifs, faisant immédiatement suite au congé de naissance mentionné au 3 ° de l’article L. 3142-1, et d’une période de vingt et un jours calendaires, portée à vingt-huit jours calendaires en cas de naissances multiples.
° QUESTION POSÉE AU REGARD DE LA CONSTITUTIONNALITÉ DU DISPOSITIF MISE EN CAUSE
L’association requérante soutient, en premier lieu, que ces dispositions institueraient plusieurs différences de traitement qui seraient injustifiées.
Elle leur reproche d’abord de réserver le bénéfice du congé de paternité et d’accueil de l’enfant au père et à la personne qui vit avec la mère, sans ouvrir la même possibilité à la personne vivant avec le père de l’enfant. Elle fait ainsi valoir que, dans le cas d’un couple d’hommes accueillant un enfant, lorsque le lien de filiation avec cet enfant n’a été établi qu’à l’égard d’un seul d’entre eux, l’autre membre du couple ne peut bénéficier de ce congé.
° FONDEMENTS DE LA CONTESTATION DE CONSTITUTIONNALITÉ ET MOYENS DE DROIT (TEXTES) :
Selon l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ».
TOUTEFOIS : le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.
Concrètement : l’article L. 1225-35 du code du travail prévoit un congé de paternité et d’accueil de l’enfant pour les salariés, après la naissance d’un enfant, d’une durée d’au moins vingt-cinq jours. Le bénéfice de ce congé, qui entraîne la suspension du contrat de travail et pendant lequel le salarié reçoit une indemnité journalière de repos, est, aux termes des dispositions contestées, ouvert au père ainsi que, le cas échéant, au conjoint ou concubin de la mère ou à la personne liée à elle par un pacte civil de solidarité.
Le paragraphe II de l’article L. 623-1 du code de la sécurité sociale prévoit, à l’occasion de la naissance d’un enfant, le versement aux travailleurs indépendants d’indemnités journalières de même montant que celles accordées à la mère de l’enfant au titre du congé maternité, pendant une durée minimale d’indemnisation, s’ils cessent d’exercer leur activité professionnelle.
En application des dispositions contestées, peut bénéficier d’un tel versement le père et, le cas échéant, le conjoint de la mère ou la personne liée à elle par un pacte civil de solidarité ou son concubin.
° MOTIFS DE DROITS POUR RECONNAÎTRE LA CONFORMITÉ :
Le Constitution du Conseil Constitutionnel pose sa décision comme suit :
En premier lieu, ces dispositions instaurent une différence de traitement entre, d’une part, le conjoint, le concubin ou le partenaire de la mère de l’enfant, et, d’autre part, le conjoint, le concubin ou le partenaire du père de l’enfant, dès lors que ce dernier ne peut prétendre au bénéfice d’un tel congé, s’il n’a pas de lien de filiation avec l’enfant.
Cependant :
- d’une part, « il ressort des travaux préparatoires de la loi du 14 décembre 2020 qu’en adoptant les dispositions contestées, le législateur a souhaité, en particulier, éviter que la mère reste isolée après l’accouchement afin de la soutenir et de protéger sa santé, au cours d’une période pendant laquelle elle est particulièrement vulnérable.
- D’autre part, au regard de cet objectif, le législateur a pu considérer que le père n’est pas exposé, après la naissance de l’enfant, aux mêmes risques que la mère qui a accouché, et que la situation du conjoint, du concubin ou du partenaire du père de l’enfant se distingue ainsi de celle de la personne qui vit avec la mère.
Dès lors, la différence de traitement résultant des dispositions contestées, qui est fondée sur une différence de situation, est en rapport direct avec l’objet de la loi.
En deuxième lieu, en accordant au père le bénéfice d’un congé après la naissance de son enfant, le législateur a entendu permettre, dès les premiers jours suivant l’accouchement de la mère, la présence auprès de l’enfant de l’autre parent auquel le lien de filiation confère des droits et obligations à l’égard de cet enfant.
Dès lors, dans le cas d’un couple de femmes ayant eu recours à une assistance médicale à la procréation, les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître le principe d’égalité devant la loi, être interprétées comme excluant du bénéfice de ce congé la femme à l’égard de laquelle la filiation de l’enfant a été établie par reconnaissance conjointe.
En dernier lieu, il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation que les personnes transgenres ayant obtenu la modification de leur sexe à l’état civil ne peuvent avoir recours, pour faire reconnaître un lien de filiation avec leur enfant, qu’aux modes d’établissement de cette filiation correspondant à la réalité physiologique. Ainsi, lorsqu’elle accouche d’un enfant, cette personne a droit au bénéfice d’un congé de maternité dans les conditions prévues par l’article L. 1225-17 du code du travail ou, dans le cas des travailleurs indépendants, au versement d’indemnités journalières en application du paragraphe I de l’article L. 623-1 du code de la sécurité sociale.
En application des dispositions contestées, son conjoint, son concubin ou son partenaire a lui-même droit au bénéfice d’un congé de paternité et d’accueil de l’enfant, s’il justifie d’une communauté de vie avec cette personne ou d’un lien de filiation avec l’enfant.
Dès lors, les dispositions contestées n’instituent aucune différence de traitement entre les couples comportant une personne transgenre et les autres couples.
Par conséquent, le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi doit être écarté.
Secteur Juridique National