Ruptures conventionnelles : de nouveau dans le viseur du gouvernement
Une récente note de l’Unédic fait le point sur les ruptures conventionnelles et propose des pistes pour réduire leur coût. Pour l’UNSA, si ces chiffres montrent un recours croissant au dispositif, la vraie question reste le malaise social et les conditions de travail qui poussent les salarié·es à quitter leur emploi.
Fin septembre 2025, le Premier ministre Sébastien Lecornu a indiqué aux partenaires sociaux son souhait de poursuivre les discussions sur l’assurance chômage, notamment concernant les ruptures conventionnelles. Ce sujet revient régulièrement dans le débat public ces derniers mois et est présenté comme une piste d’économie possible pour les finances publiques.
Dans ce contexte, l’Unédic a publié récemment une note faisant le point sur les ruptures conventionnelles et proposant des pistes de réformes.
Un dispositif de plus en plus utilisé
Depuis leur création par la loi du 25 juin 2008, les ruptures conventionnelles se sont imposées comme un outil majeur de régulation du marché du travail français. Conçues pour sécuriser les ruptures amiables entre employeur·euse et salarié·e, elles sont devenues une modalité ordinaire de fin de contrat. Leur progression est continue, hormis l’interruption liée à la crise sanitaire, et a atteint en 2024 un volume inédit de 515 000 ruptures conventionnelles individuelles signées.
En parallèle, 375 000 droits à l’allocation de retour à l’emploi ont été ouverts à la suite d’une rupture conventionnelle, représentant près de 20% des nouvelles entrées dans l’assurance chômage. Les dépenses qui leur sont liées atteignent 9,4 milliards d’euros, soit plus d’un quart des dépenses totales d’indemnisation.
La question d’une réduction de ce dispositif à des fins budgétaires est revenue régulièrement dans le débat public ces dernières années. L’UNSA considère cependant que ces débats se concentrent excessivement sur une logique de restriction des droits, au détriment d’une analyse des conditions de travail qui motivent nombre de ruptures conventionnelles.
Qui utilise les ruptures conventionnelles ?
Les salarié·es concerné·es par ce dispositif sont majoritairement d’âge moyen et souvent plus diplômé·es que la moyenne. Les petites entreprises y recourent plus fréquemment, là où le dialogue social est parfois limité. Il est important de noter que la rupture conventionnelle ne remplace pas vraiment les licenciements conflictuels. Elle constitue surtout une alternative à la démission, avec environ 40 % des ruptures conventionnelles qui remplacent une démission et 25 % qui remplacent un licenciement pour motif personnel.
Propositions de l’Unédic
La première piste abordée dans l’étude concerne l’allongement du différé spécifique, c’est-à-dire le délai avant de percevoir l’allocation chômage, calculé, entre autres, en fonction des indemnités supérieures au minimum légal. Actuellement plafonné à 150 jours, le relèvement à 180 jours ou la suppression du plafond permettrait de faire des économies, mais toucherait peu de personnes (environ 3 % des allocataires ayant les allocations les plus élevées). L’UNSA considère que cette mesure serait surtout budgétaire et représenterait un recul des droits.
La deuxième piste étudiée était l’intégration de l’indemnité légale dans le calcul du différé. Cette option aurait un impact beaucoup plus large, touchant la majorité des allocataires après rupture conventionnelle. L’UNSA juge cette mesure injuste car elle pénaliserait surtout ceux qui n’ont pas négocié d’indemnités supérieures au minimum légal, soit environ 65 % des allocataires.
L’Unédic a également évalué les effets possibles sur le comportement des salarié·es. Certains pourraient renoncer à une rupture conventionnelle et rester dans leur poste ou démissionner, tandis que d’autres pourraient accélérer leur retour à l’emploi si leurs droits sont plus courts. Certaines ruptures conventionnelles pourraient être remplacées par un licenciement personnel, et d’autres par une démission-reconversion pour création d’entreprise ou formation professionnelle. Enfin, certains salariés pourraient reprendre un autre emploi après leur rupture, échappant ainsi à certaines règles. Ces comportements pourraient soit augmenter, soit diminuer les économies attendues pour l’assurance chômage. Pour l’UNSA, ces effets de comportements souligne la nécessité d’une étude d’impact plus approfondie et de dépasser des recommandations fondées uniquement sur une approche budgétaire.
Les ruptures conventionnelles constituent souvent un indicateur des tensions dans les entreprises
Pour l’UNSA, le recours croissant aux ruptures conventionnelles traduit souvent un malaise social au sein des entreprises. En effet, si la relation de travail se déroulait dans de bonnes conditions, le·la salarié·e n’aurait pas intérêt à quitter son emploi sans avoir préalablement retrouvé un poste.
Le dispositif de rupture conventionnelle a ainsi permis de fluidifier les mobilités professionnelles et d’éviter de nombreux conflits, contribuant ainsi à une forme de pacification des relations de travail.
Cependant, la banalisation du recours à ce dispositif interroge plus largement la qualité du travail et du management dans les organisations. Pour l’UNSA, il est indispensable de renforcer le dialogue professionnel, de développer un management participatif, de favoriser l’autonomie et la reconnaissance au travail, autant de leviers permettant de restaurer la confiance et d’améliorer durablement le climat social.
De plus, un dialogue social de qualité et un management attentif permettent d’éviter les situations de burn-out, de mal-être au travail et les conflits qui, faute d’issue, débouchent souvent sur une rupture conventionnelle.
Enfin, l’UNSA estime qu’une approche strictement budgétaire ne peut répondre aux enjeux structurels liés à la productivité et à la qualité de vie au travail. Seule une action sur les causes profondes du malaise au travail permettra de réduire durablement le recours aux ruptures conventionnelles.
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