Salarié représentant du personnel irrégulièrement licencié : veillez à bien demander toutes les indemnités correspondant à vos droits...


https://www.unsa.org/2374

Les salariés, représentants du personnel faisant l’objet de mesures de licenciement bénéficient d’un statut de salariés protégés requérant une autorisation administrative de licenciement. Mais aussi, un contrôle spécifique des caractères réels et sérieux du licenciement...
Ces décisions de l’employeur peuvent intervenir à l’occasion d’étapes-clés de la vie professionnelle et de la carrière du salarié...
Dans les faits de la décision de justice ici commentée, le salarié protégé s’apprêtait à partir à la retraite... La concomitance de cet évènement a impacté les conséquences désastreuses de l’irrégularité du licenciement intervenu... Le service juridique de l’UNSA vous décrypte ces conséquences et vous appelle à la vigilance sur la défense de l’ensemble de vos droits et demandes à l’occasion de la contestation de la rupture...

JURISPRUDENCE SOCIALE DE LA COUR DE CASSATION

A propos de l’arrêt de la Cour de cassation du 21 septembre 2022 n° 21-13.552.

Par cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation a été amenée à préciser sa jurisprudence en matière d’indemnité pour violation du statut protecteur due à un salarié protégé, s’agissant des congés payés éventuellement dûs sur cette indemnité. Cet arrêt s’inscrit dans le prolongement d’arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne du 25 juin 2020 (CJUE, 25 juin 2020, Varhoven kasatsionen sad na Republika Bulgaria, aff. C- 762/18 et Iccrea Banca, aff. C-37-19.)

DECISION DU JUGE

Dans le cas où un salarié est licencié en violation de son statut protecteur, que ce licenciement est jugé illégal et nul et que le salarié prend sa retraite, alors il est éligible à une indemnité compensatrice de congés payés pour la durée allant du licenciement à la date de la retraite.

FAITS...

Le directeur des opérations d’une société a été engagé en juillet 2015, et a demandé, en juillet 2016, la tenue d’une élection des délégués du personnel. Il l’a fait en informant l’employeur de sa candidature.

Un mois après il a été convoqué à un entretien préalable au licenciement, mise à pied puis licencié en septembre 2016 pour insuffisance professionnelle et faute grave, sans que l’employeur n’ait sollicité auprès de l’inspection du travail une autorisation de licenciement.

PROCEDURE

Le salarié a saisi les prud’hommes dans la foulée, pris sa retraite le 30 juin 2019. Il demande le paiement des heures supplémentaires accomplies, des contreparties obligatoires en repos, une indemnité pour travail dissimulé, une somme limitée à certaines sommes (condamnations de la société au titre de l’indemnité pour violation du statut protecteur), un rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, les congés payés afférents...

La Cour d’appel a rejeté sa demande par deux motifs :
1) le salarié n’a pas apporté d’éléments suffisamment précis pour étayer sa demande.

Pourtant, la Cour de cassation constatera qu’il avait produit des relevés quotidiens extraits de la pointeuse détaillant les heures de travail qu’il prétendait avoir effectuées entre juillet 2015 et juin 2016, des agendas reportant ses heures de travail, des notes de frais, des courriels faisant état d’un travail le week-end, des tableaux récapitulatifs de ses heures de travail semaine après semaine et plusieurs attestations de collègues. Donc la cour d’appel a violé les articles L 3171-2 et L 3171-4 CT.

2) Le salarié ne peut obtenir le paiement des congés payés au titre de la violation du statut protecteur
Or, le salarié dont le licenciement est annulé par une décision judiciaire en raison de la violation de son statut protecteur a droit à ses congés annuels payés.

Pour la Cour de cassation, la cour d’appel a violé les articles L 2411-6 et L 3141-1 CT.

Question : le licenciement d’un salarié désormais à la retraite, en violation de son statut protecteur, peut-il lui ouvrir droit à une indemnité de congés payés pour la période entre le licenciement et la retraite ?

ECLAIRAGES...

La Cour de cassation n’a pas eu d’autre possibilité que de casser l’arrêt.

Selon la jurisprudence de la chambre sociale (Cass. Soc, 13 février 2019 n° 16-25.764), le salarié qui a fait valoir ses droits à la retraite, rendant ainsi impossible sa réintégration, a droit, au titre de la violation du statut protecteur, à la rémunération qu’il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu’à celle de son départ à la retraite.
Ici, la question se posait de savoir si durant cette période d’éviction, le salarié avait acquis des congés payés et s’il était en droit, du fait de son départ à la retraite, de « monétiser » ses droits à congés payés (En application de l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003).

La Cour de cassation déduit de la directive et de la jurisprudence européenne que dans ce cas en effet, le salarié peut « monétiser » ses droits à congés payés.

FONDEMENTS JURIDIQUES DE LA DECISION ?

La Cour de cassation fonde sa décision sur l’interprétation donnée de l’article 7 de la directive 2003/88/CE par la Cour de justice de l’Union européenne dans l’arrêt du 25 juin 2020 (CJUE, 25 juin 2020, Varhoven kasatsionen sad na Republika Bulgaria, aff. C- 762/18 et Iccrea Banca, aff. C-37-19).

Selon cet arrêt, l’article 7, §1, de la directive doit s’opposer à une jurisprudence nationale qui jugerait qu’un travailleur illégalement licencié, puis réintégré dans son emploi à la suite de l’annulation de son licenciement par une décision judiciaire, n’a pas droit à des congés annuels payés pour la période comprise entre la date du licenciement et la date de sa réintégration dans son emploi, au motif que, pendant cette période, ce travailleur n’a pas accompli un travail effectif au service de l’employeur.

TEMPERAMENTS DE DROIT...

Pour accorder une indemnité de congés payés, la Cour de cassation fait tout de même la distinction entre deux cas de figure : si le salarié qui a pris sa retraite depuis le licenciement a occupé entre temps un nouvel emploi ou non. Dans l’hypothèse où le salarié a occupé un autre emploi au cours de la période comprise entre la date du licenciement illégal et celle de son départ à la retraite, il ne saurait donc prétendre, à l’égard de son premier employeur, aux droits au congé annuel correspondant à la période pendant laquelle il a occupé un autre emploi.

DROIT EN ACTIONS...

La Cour avait déjà amorcé ce type de solution lors d’un arrêt du 1er décembre 2021 (Cass. Soc, 1er décembre 2021 n°19-24.766, 19-26.269, 19-25.812), la chambre sociale a décidé qu’il y avait lieu de juger désormais que le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période.

On le voit, le pouvoir d’appréciation par les juges des situations via le contrôle de légalité semble élargi... Néanmoins, le résultat atteint et le sentiment que la jurisprudence s’affine au fil des décisions traduit aussi une certaine casuistique dans les évolutions de la jurisprudence, même si le juriste ne peut que se réjouir de la complétude de la construction jurisprudentielle en faveur du salarié protégé...

Les droits sont dûs si le salarié peut travailler, mais empêché de le faire par une mesure de licenciement irrégulière, il ne peut exercer tous ses droits...
Cet arrêt directement inspiré du droit européen et de la jurisprudence européenne, est dans cette lignée et confirme ce principe.

Il n’est pas sûr pour autant que cette décision amorce par analogie, un maintien des droits des salariés qui en raison d’une longue maladie ou d’une maladie de longue durée peuvent perdre leurs droits à congé, situation à l’égard de laquelle droit européen et régime des congés payés français divergent encore...

A suivre...

Auteur, Louis BERVICK, Juriste, Service Juridique, Secteur Juridique National UNSA

Pour toute question : juridique@unsa.org

Lien vers la décision : https://www.courdecassation.fr/deci...

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