Agents de La Poste, quel juge saisir ?


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Quelques timides éclairages donnés par le tribunal des conflits...

Procédures sociales, qui est juge ? Le tribunal des conflits du 6 juillet 2020 (N° C4188) précise pour les services publics industriels et commerciaux...

Par une loi du 2 juillet 1990, La Poste, auparavant service de l’administration de l’Etat, a été dotée de la personnalité juridique et qualifiée d’établissement public à caractère industriel et commercial (SPIC).

Après ce changement, elle a pu recruter des travailleurs de droit privé, sans que ne soient rendues applicables les dispositions du Code du travail relatives à la représentation salariale.

Les personnes employées antérieurement à la loi ont conservé leur statut d’agent public soumis à la loi du 13 juillet 1983 relative aux fonctionnaires.
La loi du 20 mai 2005 a permis La POSTE de négocier et conclure des accords collectifs avec les délégués syndicaux.

Questions de droits ?

Quelle est la juridiction compétente pour connaître des litiges portant sur le personnel d’un service industriel et commercial alors que ceux-ci ne disposent pas du même cadre d’emploi et spécifiquement s’agissant des règles d’exercice du droit syndical au sein du SPIC ?

Le juge des conflits répond...

Le Tribunal des conflits a opéré une répartition des compétences entre le juge administratif et le juge judiciaire selon des critères.

En matière individuelle, la répartition des compétences ne pose pas de difficultés, le juge s’est reporté au droit applicable à la relation de travail : « le juge administratif est seul compétent pour les litiges portant sur la situation des agents de droit public et le juge judiciaire seul compétent pour connaître des litiges de même nature intéressant les agents de droit privé ».

En matière collective, la situation est plus complexe :

En principe, le juge judiciaire est compétent pour les litiges portant sur les actes unilatéraux pris par La Poste. De même, il est compétent pour connaître des litiges portant sur les accords collectifs, quand bien même ceux-ci ne viseraient que des agents publics.

Ce principe est délimité par le domaine réservé du juge administratif. En effet, il a été énoncé que si le litige porte sur les actes ayant pour effet d’impacter la situation statutaire des fonctionnaires ou l’organisation du service public, alors le juge administratif est compétent.

En revanche, le Tribunal des conflits a estimé par cette décision que le contentieux relatif à un accord collectif inhérent aux règles d’exercice du droit syndical au sein de La Poste relevait de la compétence du juge administratif.

Sous réserve de la compétence en matière d’exercice du droit syndical, la solution retenue par le Tribunal des conflits est assez classique. La Poste est devenue depuis 1990 une personne morale de droit privé. Aussi, les actes établis par voie unilatérale ou concertée ont par principe une nature privée. Cela est vrai pour tout acte relatif à l’organisation du personnel, quand bien même il n’y aurait que des agents publics affectés par la mesure... CQFD.

En revanche, si l’acte juridique impacte le domaine du droit public administratif (différend individuel avec un fonctionnaire, situation statutaire ou organisation du service public) alors seul le juge administratif sera fondé à trancher le litige.

S’agissant de l’exercice du droit syndical, la solution paraît plus surprenante. Le requérant avait d’ailleurs considéré que l’exercice du droit syndical étant « étranger à l’organisation du service public », la compétence ne pouvait relever que du juge judiciaire. Sauf que si la loi du 2 juillet 1990 a introduit le recours aux contrats de droit privé, cela s’est fait sous réserve d’une unité dans les mécanismes de représentation des travailleurs.

En 1990 il y avait une majorité d’agents de la fonction publique, raison pour laquelle ce modèle a prévalu.

Si l’on s’en tient à cet argument la solution pourrait évoluer en faveur d’une représentation syndicale prise sur le modèle du droit privé. La part d’agent soumis au droit privé devenant majoritaire avec le temps, l’hypothèse a des chances de prospérer. Mais, cela ne pourrait se faire que par une modification législative de l’article 31 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990...

Quelles perspectives ?

En dépit de ce qui a été énoncé précédemment, le Tribunal des conflits n’exclut pas totalement, au regard du droit actuellement en vigueur, que le litige portant sur l’exercice du droit syndical ne puisse relever de la compétence du juge judiciaire.
La mention « hors le cas où elle ferait l’objet d’un accord conclu sur le fondement de l’article 31-2 de la loi du 2 juillet 1990 » doit retenir l’attention.

Dans ce texte, il a été institué deux commissions :

  • La commission d’échanges sur la stratégie, instance informative à destination des organisation professionnelles sur les perspectives d’évolution de la société La Poste.
  • La commission du dialogue social. Cette instance est dédiée à la concertation avec les organisations syndicales ayant au moins un siège dans les comités paritaires.

Si les organisations professionnelles ne souhaitent pas que leurs différends ne soient traités par le juge administratif, elles devront en l’état du droit, cantonner le champ de la négociation collective au sein de cette instance spécifique. Il s’agit actuellement du seul moyen d’y parvenir dans le domaine de l’exercice du droit syndical.

Tribunal des conflits du 6 juillet 2020 (N° C4188)

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta...

Service Juridique - SECTEUR JURIDIQUE NATIONAL UNSA, BAGNOLET

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Pour cette veille, personne contact UNSA :
Auteur, Michel PEPIN, Juriste, Service juridique.

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