Déclaration syndicale franco-allemande : Pour une relance européenne ambitieuse
Les organisations syndicales françaises et allemandes s’unissent pour revendiquer une réponse européenne, commune, durable et solidaire, à la hauteur de la crise sociale et économique inédite que nous vivons, consécutive à la crise sanitaire de Covid-19, et des enjeux technologiques et environnementaux auxquels nos sociétés sont confrontées.
Particulièrement touchée, l’Europe doit faire face comme le reste du monde à la pandémie du Covid-19.
Les mesures d’arrêt sévères mais nécessaires prises pour enrayer l’épidémie, ont mis nos sociétés et nos économies quasiment à l’arrêt. L’activité économique, la liberté de mouvement et de nombreuses autres activités ont été suspendues pour lutter contre la pandémie et certains continuent à l’être.
Pour nous, organisations syndicales allemande et françaises, la santé des citoyens et des travailleurs en Europe était notre préoccupation principale lors de la prise de mesures de confinement.
Aujourd’hui, alors qu’il s’agit d’assouplir ces mesures pour un retour progressif à l’activité économique la santé de nos concitoyens et des travailleurs demeure une priorité absolue.
Les premières réactions lors de l’apparition du virus en Europe ont été surtout nationales.
Les organisations syndicales DGB, CFDT, CGT, FO, CFTC et UNSA regrettent le manque de concertation entre les États-membres au début de la pandémie qui a pu mener à la prise de décisions non coordonnées voire au détriment les uns des autres.
Nous condamnons fermement les incidents xénophobes qui se sont produits à la frontière franco-allemande et qui nous rappellent avec effroi un des chapitres les plus sombres de notre histoire.
Dans les régions frontalières, le sentiment d’incertitude face au coronavirus est particulièrement prononcé. Et pour cause : en temps normal, 40.000 travailleurs transfrontaliers du Grand Est viennent travailler en Allemagne tous les jours. Cependant, ni la fermeture des frontières, ni les contrôles aux points de passages ne peuvent contenir la propagation du virus.
À l’heure actuelle, nous ne devons pas remettre en cause l’intégration économique et sociale des espaces frontaliers qui s’est créée au cours des dernières décennies.
Les conséquences des mesures prises par les États-membres pour enrayer cette épidémie, d’une ampleur inédite, nécessitent une réponse sociale de haut niveau. Pour le DGB, la CFDT, la CGT, FO, la CFTC et l’UNSA seule une réponse européenne ambitieuse pourra nous éviter des années de croissance morne voire de récession avec une propagation du chômage et de la pauvreté.
Dans ce cadre, l’initiative franco-allemande pour la relance européenne, présentée par le président français et la chancelière allemande le 18 mai, doit se concrétiser par la modernisation des modèles économiques européens, en plaçant la transition écologique au cœur de la nouvelle stratégie de croissance de l’UE.
C’est une revendication de longue date du syndicalisme européen, nous ne pouvons que nous en féliciter. Cela serait un pas lourd de sens qui acterait plus de solidarité entre les États-membres de l’UE avec la mutualisation de la dette supplémentaire liée à la crise du coronavirus, afin d’éviter de faire payer la dette aux salariés, dans le souci de plus d’Europe sociale. Avec la volonté de convergence sociale affichée, nos deux pays marqueraient la volonté d’approfondir l’Europe sociale.
Les organisations syndicales allemandes et françaises soulignent l’importance de convaincre les autres États-membre sous peine de vider ces propositions de leur sens. Nous mettons en garde contre toute tentation de continuer comme si cette crise n’était qu’une parenthèse.
Nous voulons un nouveau modèle économique et social pour l’Union européenne.
Le plan de relance annoncé par la Commission européenne doit s’appuyer sur l’initiative franco-allemande et ne doit rien délaisser des ambitions affichées avec le Green deal pour une transition écologique socialement juste et un modèle économique plus juste, plus durable et qui remette l’humain au centre.
La relance économique doit être solidaire et sociale avec en filigrane la nécessité d’une convergence économique, fiscale et budgétaire des États-membres de l’UE rompant finalement avec les politiques d’austérité.
L’Union européenne doit répondre aux défis de la relance en renforçant sa dimension sociale, repensant son modèle de production et en confortant sa place d’acteur mondial porteur d’un modèle économique plus durable.
Nous avons besoin d’une stratégie de relance efficace, qui doit aller au-delà des 500 milliards d’euros annoncés par la France et l’Allemagne. Le plan de relance doit être accompagné d’un nouveau cadre financier pluriannuel ambitieux porté à au moins 2% du PIB européen.
Le DGB, la CFDT, la CGT, FO, la CFTC et l’UNSA, comme la Confédération européenne des syndicats, plaident aussi pour un instrument d’emprunt commun garanti par l’UE pour augmenter considérablement les ressources propres qui lui font défaut. Les Etats-membres doivent emboîter le pas à cette proposition franco-allemande.
Si l’Allemagne et la France ont beaucoup œuvré pour l’intégration européenne, ils en ont aussi profité. Nous croyons fermement que nos deux pays ont désormais la responsabilité particulière de faire en sorte que l’Union européenne sorte de cette crise plus forte, plus juste socialement, plus démocratique, plus responsable et plus respectueuse de l’environnement.
La Conférence sur le futur de l’Europe sera aussi le cadre adéquat pour dessiner cette Europe de l’après covid-19 et pour un changement réel de paradigme. Dans ce contexte, il est pour nous plus que pertinent de convaincre les autres européens de tracer des pistes de sortie de crise et pour un projet de relance européen social, solidaire et durable.