Intelligence artificielle et code du travail ? Un colloque du Réseau APPUI UNSA et du Secteur Juridique National, transformation technologique pour vous outiller…

À un journaliste qui le suivait en tournée mondiale effectuée en 1931, Charlie Chaplin confie : « les machines devraient faire le bien de l’Humanité au lieu de provoquer tragédie et chômage ».
Cette citation qui lui inspirera le film « Les temps modernes » 5 ans plus tard, pourrait aisément être transposée à la question de la place de l’intelligence artificielle (IA) dans le monde du travail en 2025...
Focus des enjeux de l’IA : mieux comprendre les risques et les opportunités par un colloque UNSA...
Si son apport dans la recherche médicale notamment est indéniable, si elle peut être un levier de performance dans les modes de production elle devient aussi, de plus en plus souvent, un prétexte à des suppressions de postes. Selon l’OCDE, 14 % des emplois pourraient disparaître à cause de l’automatisation, et 32 % seraient profondément transformés.
Aujourd’hui, cette réflexion reste d’actualité. Il est donc crucial que les représentants du personnel décryptent les règles encadrant le recours à l’IA comme justification d’un licenciement, pour agir en amont. La présente brève propose un état des lieux entre l’importance croissante de l’IA et son articulation avec les dispositions du Code du travail et prépare les militants au colloque du 24 juin du réseau APPUI UNSA (ci-après).
° IA et licenciement : ce que dit le Code du travail
Avec la jurisprudence « Pages Jaunes » la Chambre Sociale accepte désormais que des licenciements par anticipation puissent être motivés économiquement, dans un but de sauvegarde l’entreprise et de mutations technologiques. En l’espèce les licenciements furent décidés pour permettre la bascule vers les nouvelles technologies de l’information marquant ainsi la fin du minitel et de la version papier de l’annuaire.
En 2023, c’est un nouveau cap qui est franchi lorsque la société de veille médias ONCLUSIVE France licencie 217 salariés pour les remplacer par un logiciel automatisant la plupart de leurs missions (corrections, calculs et facturations clients, etc…) ; la plateforme de paiement KLARNA lui emboite le pas en 2024 en se séparant de plus de 1800 salariés sur les 8000 originels, avant de faire machine arrière pour n’en licencier « que » 800 car c’était l’équivalent du nombre de postes que son chatbot pouvait remplacer selon les dirigeants de l’entreprise suédoise.
Que peut-on retenir de ces décisions ? que l’employeur peut invoquer l’IA pour justifier un licenciement économique, mais à condition de respecter les articles L. 1233-1 et suivants du Code du travail, en invoquant soit la mutation technologique, soit la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise.
Cependant, elles illustrent aussi l’idée que ces suppressions d’emplois sont loin d’être inévitables, si l’employeur agit, dans certaines situations, suffisamment en amont pour anticiper ces changements en y associant notamment les représentants du personnel dans les choix stratégiques et économiques.
Parmi le panel des actions et obligations, il est important de rappeler que l’employeur est tenu notamment d’une « obligation générale de formation à l’égard de ses salariés ».
Outil majeur dans le développement des compétences et du maintien dans le marché de l’emploi, les dispositifs de formation vont permettre d’anticiper les changements technologiques et pour le salarié d’acquérir de nouvelles compétences essentielles à l’entreprise et donc à sa compétitivité.
Et le meilleur moyen de continuer avec efficacité cette conduite du changement est d’inviter aux tables des négociations et de l’inscrire comme point à l’ordre du jour de nombreux CSE. Si l’employeur refuse d’en débattre avec les partenaires sociaux et/ou qu’il décide d’un déploiement même expérimental, même partiel d’une IA en se passant au moins de l’avis consultatif du CSE, il s’expose clairement à une sanction des juges comme le démontre la récente décision du TJ de Nanterre à propos d’une entreprise ayant entrepris une expérimentation d’une IA destinée à suppléer des postes à venir. Le CSE n’ayant pas été consulté, le juge des référés a décidé la suspension immédiate de l’expérimentation tant qu’une consultation du CSE n’avait pas été mise en place.
En tant qu’élu/e du personnel, il est primordial de :
• Demander l’expertise CSE : pour évaluer l’impact de l’IA.
• Refuser les décisions précipitées : même en phase de “test”.
• Veiller au respect des obligations de formation : sans cela, un plan est contestable.
• Proposer des alternatives : redéploiement, formations, montée en compétence.
En conclusion, le déploiement de l’IA dans l’entreprise ne doit pas être subi. Il peut cacher des décisions unilatérales, voire opportunistes. Il est urgent d’anticiper, de se faire accompagner (experts, avocats, fédérations), et de mobiliser les outils du dialogue social pour défendre les droits des salariés.
- Cf. perspectives de l’emploi : IA et marché du travail publication de l’OCDE juillet 2023.
- Cass. soc. 11 janvier 2006, n°05-40.977, F+P+B+R+I
- Articles L. 6111-6, L. 6311-1 et s du Code du travail.
- Ordonnance de référé du 14 février 2025 n° DB3W-W-B71-ZSDB.
RETROUVEZ CES ENJEUX ET PLUS ENCORE AU COLLOQUE DU RÉSEAU ’APPUI UNSA’ D’AVOCATS PARTENAIRES et le SECTEUR JURIDIQUE NATIONAL UNSA, MARDI 24 JUIN 2025 « L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE AU TRAVAIL : LE DÉFI DU DROIT ET DU DIALOGUE SOCIAL »
(Colloque réservé aux adhérents, militants, CSE, responsables syndicaux, délégués syndicaux, praticiens du droit, … UNSA)
Secteur Juridique National UNSA.