Meilleure indemnisation de tous les préjudices de la victime d’une maladie professionnelle : lorsque les contentieux "amiante" montrent la voie !


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La Cour de cassation élargit le périmètre de l’indemnisation des AT/MP en cas de faute inexcusable de l’employeur.

L’indemnisation du préjudice des victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle est élargie s’agissant de la rente forfaitaire prévue en cas d’incapacité découlant du déficit fonctionnel permanent.

JURISPRUDENCE SOCIALE

Cass. ass. plén. 20 janvier 2023, n°21-23.947 et n° 20-23.673

° CONTEXTE DE LA SAISINE

Dans les deux affaires à l’origine du contentieux, des salariés sont décédés des suites d’une maladie professionnelle liée à la manipulation de l’amiante dans le cadre de leur activité. Leurs ayants droit ont par suite engagé une action aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur...

Régime depuis 2009...

Cependant depuis 2009, les juges de la Cour de cassation considéraient qu’une rente perçue par les salariés placés dans cette situation avait pour objet de recouvrir l’indemnisation des pertes de gains professionnels ainsi que l’incapacité professionnelle découlant de l’accident ou de la maladie. Elle visait à recouvrir l’essentiel des préjudices du salarié.

Il restait néanmoins possible d’obtenir une indemnisation au titre des souffrances physiques et morales. Mais, une présomption étant établie d’une indemnisation réparant tout le préjudice, il fallait apporter la démonstration que la rente ne couvrait en réalité pas son intégralité (ou « déficit fonctionnel permanent » - cf. Cass. civ. 2, 28 février 2013, n° 11-21.015).

° L’ANALYSE DE LA COUR DE CASSATION

Par les arrêts du 20 janvier 2023, la Cour opère un revirement et inverse son raisonnement.
Les juges ont pris acte du fait qu’il est trop difficile pour les salariés victimes d’apporter la preuve que la rente prévue par le code de la sécurité sociale ne couvre pas déjà ces souffrances physiques et morales. En conséquence de quoi la présomption de couverture du déficit fonctionnel permanent est désormais écartée.
Cela a pour conséquence de permettre aux victimes (ou à leurs ayants droit) d’obtenir une réparation complémentaire pour les souffrances physiques et morales endurées après « consolidation » (définie comme étant l’état définitif des séquelles dont est victime une personne).

° ECLAIRAGES

La décision rendue par la Cour de cassation est rendue dans le cadre spécifique des victimes de l’amiante. Néanmoins, la formation de jugement et la formule utilisée permettent de considérer que cela est extensible à toute situation et affection de la santé d’origine professionnelle.

Cette question a effectivement été jugée par l’assemblé plénière de la Cour de cassation, la formation de jugement la plus solennelle.
On comprend dès lors l’importance que revêt cette décision et la volonté d’uniformisation du droit sur cette question.

Il est à noter que le Conseil d’Etat considère de longue date que la « rente d’accident du travail vise uniquement à réparer les préjudices subis par le salarié dans le cadre de sa vie professionnelle » (CE Contentieux, 8 mars 2013, n° 361273). Le Conseil d’Etat opèrait donc déjà, en effet, une distinction avec le préjudice moral et physique pouvant découler de l’accident (ou de la maladie professionnelle). Ce dernier pouvant faire l’objet d’une indemnisation spécifique...

Ces deux arrêts de janvier 2023 ne sont ainsi qu’un alignement de la pratique judiciaire dans la fonction publique en cours depuis dix ans déjà.

° DROIT EN ACTIONS

Dès lors que les organisations syndicales sont confrontées à la situation de salariés victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, il est raisonnablement permis d’envisager l’engagement de la responsabilité pour "faute inexcusable" de l’employeur.

Le fait que le salarié bénéficie ou non d’une rente versée par la caisse de sécurité sociale est aujourd’hui distinct du régime de la responsabilité de l’employeur.
L’important sera alors de démontrer l’existence d’un préjudice avéré (physique ou moral), en lien direct avec l’accident ou la maladie d’origine professionnelle définitivement reconnu.

Auteur Michel PEPIN, juriste, Pôle service juridique du Secteur Juridique National de l’UNSA.

Pour tous commentaires ou question, juridique@unsa.org

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