Pacte Dutreil : un avantage fiscal trop avantageux
La Cour des comptes et l’Institut des politiques publiques (IPP) ont récemment publié des rapports d’évaluation sur le pacte Dutreil. Bilan : il coûte de plus en plus cher aux finances publiques et son efficacité économique est faible. L’UNSA plaide pour une restriction de ses avantages.
Le pacte Dutreil est une niche fiscale de la fiscalité des successions et donations. Il permet une exonération, sous certaines conditions, de droits de donation ou de succession pour les transmissions de parts ou d’actions de sociétés à concurrence de 75 % de leur valeur.
De plus, en cas de donation en pleine propriété avant 70 ans, ce dispositif peut se cumuler avec une réduction de droits de 50 %, réservée aux transmissions d’entreprises.
Un avantage fiscal très concentré
Le taux maximal d’imposition, qui est de 45 % dans le cas d’une succession ou donation en ligne directe, est ainsi ramené à 11,25 % grâce à l’abattement Dutreil et même à 5,6 % en y ajoutant la réduction de droits.
Le pacte Dutreil est une dépense fiscale très concentrée. 65 % de son coût est imputable à 1 % des donataires et héritiers, soit 110 personnes. L’avantage est de 30 millions en moyenne pour ces derniers contre 500 000 euros pour l’ensemble des transmissions.
Croissance de son utilisation et du coût pour les finances publiques
Le nombre de pactes Dutreil signés a explosé ces dernières années. Près de 2 000 en 2016, ils s’élevaient à plus de 5 000 en 2024.
En parallèle, le coût pour les finances publiques a bondi, passant de plus d’1 milliard d’euros en 2020 à 5,5 milliards en 2024. C’est donc devenu l’une des plus importantes niches fiscales.
Des effets économiques très limités
Les objectifs du pacte Dutreil visent à la pérennité et au développement des entreprises ainsi qu’au soutien de la souveraineté économique de la France. Cependant, hors pacte Dutreil, la prise de contrôle par une entreprise étrangère n’intervient que dans 3 % des cas et ce sont pour la plupart des entreprises européennes.
L’IPP, dans son évaluation des effets économiques du Pacte Dutreil, montre que si celui-ci favorise la pérennité du contrôle familial et à la stabilité de l’actionnariat, il n’a pas d’effet notable sur l’investissement, l’emploi ou encore les revenus d’activité des salariées et salariés.
La Cour des comptes estime donc qu’une baisse de l’avantage fiscal accordé aux transmissions Dutreil pourrait être engagée au regard de son coût pour les finances publiques, tout en restant soutenable pour les bénéficiaires.
L’UNSA en faveur d’une réforme du Pacte Dutreil
L’UNSA partage le constat de la Cour des comptes. Au regard du faible impact du Pacte Dutreil et de son coût croissant pour les finances publiques, une réforme d’ampleur s’impose.
Les discussions parlementaires actuelles, dans le cadre du projet de loi de finances 2026, pourraient acter certaines modifications, notamment concernant l’exclusion de biens non affectés à l’activité opérationnelle de l’entreprise. - par exemple des résidences secondaires, des œuvres d’art ou des yachts peuvent bénéficier de l’abattement Dutreil - et l’augmentation de l’engagement individuel de conservation des titres, qui pourraient passer de 4 à 6 ans [1].
L’UNSA soutient les amendements qui vont dans ce sens, mais appuie également la piste d’un abattement dégressif, par exemple de 75 % à 50 %, afin de préserver les TPE-PME tout en réduisant l’avantage fiscal pour les plus grosses entreprises.
Crédits photo : Pressfoto, sur Freepik