Ruptures conventionnelles collectives, Plans de départs volontaires, avec ou sans PSE, comment s’y retrouver ?


https://www.unsa.org/2296

Créé en 2017 (1), l’accord d’entreprise portant ruptures conventionnelles collectives (RCC) est présenté comme une innovation, rompant avec la pratique jusque lors de la rupture conventionnelle individuelle. Grâce à son aspect collectif, elles s’en différencient par le contournement de la procédure jugée parfois trop contraignant. Sauf qu’en y regardant de plus près, c’est avec le plan de départs volontaires (PDV) que la comparaison doit être effectuée surtout lorsqu’il est question d’un PDV conventionnel...
Quelques pistes pour mieux décrypter l’état des lieux des dispositifs destinés à éviter d’emblée le plan de sauvegarde des emplois (ex-"plan social").

Articulation entre les ruptures d’un commun accord

S’agissant d’un accord RCC conclu de façon concomitante avec un PDV "autonome" (PDVA) alors que la situation économique de l’entreprise est préoccupante.

Qu’est-ce qui nous permet de distinguer l’un et l’autre des mécanismes ? Rien, si ce n’est l’intitulé des accords.
L’accord aura un objet unique : ce sont des accords portant ruptures volontaires de contrats de travail, à l’exclusion de tout licenciement, en l’absence, également, d’atteintes des objectifs.

En cas de mise en œuvre de façon simultanée des deux mécanismes, un tiers au second accord pourrait se prévaloir de la déloyauté des parties ayant conclu ce second accord ayant le même objet, alors même qu’il est encore en vigueur. Et le second accord d’être attaqué en nullité pour absence d’objet... On pourrait même alors considérer que le PDVA devrait être établi par voie unilatérale. Mais, cela ne ferait que reporter sur la tête du seul employeur l’engagement de responsabilité. Or, tant qu’à partager les risques d’exploitation autant passer par un accord...

S’agissant du PDV mixte, celui-ci est, en général, un volet du PSE prévoyant in fine de procéder à des licenciements. Il y a de ce fait incompatibilité avec les RCC. Ce dernier ne peut avoir pour finalité de procéder à des licenciements si le nombre de départ n’est pas atteint...

La rupture conventionnelle collective

C’est le dernier mécanisme de rupture du contrat de travail d’un commun accord. L’objet de cet accord est de prévoir la suppression de postes à l’exclusion de tout recours au licenciement. Il ne peut être mis en place que par accord et selon les conditions de droit commun en la matière. Pour y recourir, il n’y a pas à justifier d’un quelconque motif : peu importe le contexte économique de l’entreprise ou même sa taille.

Le plan de départs volontaires

On en connaît de deux sortes :
– Le PDV mixte qui est une des composantes du plan de sauvegarde de l’emploi. Préalablement à tout licenciement, l’employeur va en premier lieu rechercher par le PDV, combien de personnes sont volontaires pour partir. Ce n’est que dans un second temps qu’il pourra être amené à procéder à des licenciements pour motif économique, si le nombre de départ est inférieur aux suppressions d’emplois établies dans le PSE ;
– Les PDV autonomes pour lesquels l’entreprise s’engage à ne pas licencier si le nombre de personnes volontaires pour quitter l’entreprise est inférieur au nombre de suppressions d’emplois envisagées (2).
Il rappelons qu’il peut même faire partie d’une disposition d’un accord de gestion prévisionnelle (préventive) des emplois (des licenciements) et des compétences (de gestion des déqualifications) professionnelles.

Coexistence entre RCC et PDV mixte

Le PDV mixte étant introduit dans le cadre d’un PSE, il implique que l’employeur a nécessairement l’intention de procéder au licenciement d’au moins 10 personnes sur 30 jours en raison d’un contexte économique (3).

L’accord RCC, tel que prévu à l’article L 1237-19 c. trav., ne peut quant à lui être mis en place qu’à la condition, qu’il n’y ait aucun licenciement envisagé si les objectifs fixés par l’accord ne sont pas atteints.

Permettre la concordance de ces deux mécanismes reviendrait à neutraliser dans son principe l’accord RCC. C’est en substance ce qu’expose le gouvernement dans son « questions-réponses » de 2019 précité à l’article 6. Ils évoquent en effet le fait que la RCC « n’est pas liée à un motif économique ». Un mécanisme est déjà prévu, le PDV dans le cadre d’un PSE, ce qui implique deux phases : le départ volontaire suivi, le cas échéant, de licenciements pour atteindre des objectifs fixés.

Confirmant la différence entre ces deux dispositifs, une décision rendue par la CAA de Versailles (4) venant valider le fait qu’un écart raisonnable (12 mois dans les faits) entre ces deux dispositifs permettait de garantir que la procédure de licenciement économique était bien respectée. On peut supposer que le non-respect d’un délai raisonnable aurait pu s’apparenter comme un souhait de contourner la procédure.

Coexistence PDVA et RCC.

Juridiquement, il est difficile d’affirmer, a priori, que la RCC serait ou non compatible avec, en particulier, un PDV autonome. En cause, le fait que le dispositif « plan de départs volontaires » ne repose sur aucun dispositif légal. Le législateur ne consacre qu’une sous-section 3 dans le Code du travail aux « départs volontaires »… à la retraite.

En introduisant en 2017 la RCC sans consacrer l’existence du PDVA, on pourrait aller jusqu’à s’interroger sur l’intention du législateur. N’a-t-il pas souhaité remplacer le PDV par la RCC ? En tout état de cause est-il à ce jour encore possible d’envisager un PDVA de façon unilatérale là où les textes ne prévoient leur organisation que par accord collectif dans le cadre de la RCC ?
Si l’on se réfère « questions-réponse / la rupture conventionnelle », dans sa dernière version de novembre 2019, alors la RCC diffère du PDVA sur trois points :

  • La RCC repose nécessairement sur un accord collectif là où cela n’est pas exigé pour le PDVA,
  • Le motif économique n’est pas obligatoire,
  • La RCC ne repose pas sur une logique de seuil.

On pourrait espérer un éclaircissement judiciaire sur le PDVA. Mais une seule décision mentionne explicitement l’existence d’un « plan de départ volontaire autonome (5) » , et la décision rendue par une juridiction du fond date de 2015. En tant que telle, elle ne nous permet pas de comprendre si le PDVA peut aujourd’hui coexister ou non avec le RCC.

L’appellation consacrée par la doctrine n’a pas été reprise mais son principe a néanmoins été repris par la jurisprudence.

L’arrêt Renault de 2010 (6) a suscité beaucoup d’interrogations en ce qu’il consacre l’existence d’un PSE négocié dans lequel l’objet unique est un plan de départ volontaire sans qu’aucune mesure de reclassement n’ait été prévue. Sans entrer dans le détail, la Cour valide le concept tout en affirmant qu’il est bien question ici de PSE. Partant, nous sommes sous le coup de l’article L.1233-61 c. trav. applicable dès lors qu’il y a des projets de licenciements d’une certaine importance sur une période donnée.

Peu importe ici le débat découlant de l’affaire Renault sur la nécessité ou non de mettre en place un plan de reclassement dans ce contexte. La question de fond était à l’époque le risque sous-jacent de licenciements. Et, il en est de même pour la question qui nous occupe : est-ce que du seul fait qu’il y ait pour projet un certain nombre de licenciements suffit à empêcher l’établissement d’un accord RCC de façon concomitante ?

1. On sait que l’accord RCC peut par nature être négocié quelle que soit la situation de l’entreprise. Peu importe qu’il y ait ou non un motif économique sous-jacent (7). La décision de la CAA de Versailles de 2019 susmentionnée est venue entériner la mise en place d’un accord RCC en cas de difficultés économiques.

2. Découle de cette énième analogie avec l’arrêt Renault de 2010 que nous parlons dans les deux cas d’un accord collectif ayant un objet précis : le départ de salariés sur le principe de volontariat et à l’exclusion de licenciement en l’absence d’atteinte du résultat fixé au moins pour un temps. Dans ce contexte les deux mécanismes sont ainsi strictement identiques. Ce qui est d’ailleurs confirmé par la décision CAA de Versailles.

Il n’y a ainsi pas de raison qu’un PDVA et un RCC coexistent s’ils sont pris sous la forme d’un accord collectif car ils auront nécessairement le même objet. Se pose alors la question de l’articulation des dispositifs en fonction de l’instrumentum.

Articulation PDVA et RCC

Aucune règle ne régissant le PDVA, il ne semble, a priori, pas y avoir d’incompatibilité entre RCC et PDVA. Mais leur articulation est à prendre en compte car elle peut s’avérer contreproductive pour l’employeur.

  • PDVA par accord collectif. En cas de concours de normes de même valeur pour une situation donnée, le juge retiendra l’interprétation la plus favorable aux salariés (8). Ici on pourrait même douter de la régularité de la coexistence de deux accords collectifs sur la même période ayant le même objet eu égard au principe de loyauté pour les parties à un accord.
  • Dans le rapport PDVA par acte unilatéral et RCC, les stipulations de ce dernier vont nécessairement primer. Afin d’éviter qu’il ne prive d’effet l’acte unilatéral, il faudra veiller à ce que ses stipulations soient complémentaires et non contradictoires (9).

Avantages des dispositifs par rapport au PDV mixte

Il est vrai que dans le cadre des plans de départs volontaires « autonomes », le dispositif est moins contraignant que dans le cadre d’un PSE mixte. L’employeur est dispensé d’établir une lettre de licenciement (10) et d’appliquer les critères de l’ordre des licenciements (11). Il doit en revanche respecter les dispositions relatives à la priorité de réembauchage et à la consultation des représentants du personnel sur le projet de réduction des effectifs (12). A travers l’arrêt Renault, la Cour impose en outre à l’employeur d’élaborer un plan de sauvegarde de l’emploi.

L’accord RCC, quant à lui, impose de passer par le biais de la négociation collective et, d’informer l’administration du travail de l’ouverture des négociations.
Pris isolément ils sont donc moins contraignants que pour la procédure de licenciement pour motif économique. Mais ensemble ils perdraient ce bénéfice.

Pour conclure, on ne pourra que regretter cette démultiplication des plans de départs collectifs renforçant encore la "flexibilité" donnés aux employeurs de se séparer collectivement, puis individuellement, dans des conditions souvent moins contraignantes et, pour les salariés, moins protectrices de leurs droits... Et ce, dans un cadre où le lien de subordination ne favorise pas la défense par chacun de ses intérêts...

Chronique et focus rédigé par Michel PEPIN, Juriste, Pôle Service Juridique, Secteur Juridique National UNSA.

Références :
1. Ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 - art. 10
2. Cass., soc., 20 oct., 2010, n°09-15.187
3. Au sens de c. trav., L. 1233-61
4. CAA Versailles, 14 mars 2019, RG no 18VE04158
5. Cour d’appel de Basse-Terre, 30 novembre 2015, 14/01229
6. Cass., soc., 20 oct., 2010, n°09-15.187
7. Ce que ça nous indique éventuellement, c’est que l’accord a été prévu trop tardivement. S’inscrivant dans une logique GPEC il est davantage un mécanisme d’anticipation, à froid comme aiment à l’appeler un certain nombre d’auteurs, qu’en réaction.
8. Cass. soc. 5 avril 2018 n°16-26.740
9. Par exemple si une clause de non licenciement de 12 mois à compter du premier départ avait été introduite, comme c’est le cas dans la décision CAA Versailles, 14 mars 2019, RG no 18VE04158
10. Soc. 2 déc. 2003, n° 01-46.540
11. Soc. 10 mai 1999, n° 96-19.828
12. Soc. 13 sept. 2005, n° 04-40.135

L'Unsa à votre service

UNSA
Actualités Céfu
TPE Retraités
Abo UNSA-Info
Les parutions de l'UNSA Voir-Écouter
Contact Transition écologique
UNSA-Boutique CES
UNSA-Conseils Vos Droits