L’employeur commet une faute en me demandant de faire ce pour quoi je ne suis pas qualifié !


https://www.unsa.org/2148

Les tâches attribuées à un salarié doivent correspondre à son niveau de qualification, même lorsqu’elles doivent être exercées à titre accessoire...

JURISPRUDENCE SOCIALE

L’attribution de tâches inférieures au niveau de qualification prévu par le contrat et sans le consentement du salarié est une faute (contractuelle) de l’employeur justifiant la rupture aux torts de ce dernier.
Si le salarié est un représentant du personnel, alors la rupture produira les effets d’un licenciement nul...

Cass., soc., 5 janvier 2022, n°20-14.934

https://www.courdecassation.fr/deci...

CONTEXTE DE LA SAISINE

Le salarié protégé d’une entreprise a saisi le conseil de prud’hommes, après avoir démissionné, afin que la démission soit requalifiée en "licenciement".
Si le juge y faisait droit, l’autorisation administrative de licenciement d’un salarié protégé n’aura pu être respectée en raison de la reconnaissance, a posteriori, de ce licenciement en lieu et place de la démission. La sanction de cette irrégularité est, par extension, la nullité du licenciement.

L’ANALYSE DE LA COUR DE CASSATION

La Cour de cassation va confirmer la décision rendue par les juges de la Cour d’appel. Par-delà les tâches qui peuvent être énoncées dans un contrat de travail, l’employeur ne peut en imposer de nouvelles au salarié que dans la mesure où celles-ci sont en adéquation avec la nature et le niveau de la qualification. Dans le cas contraire, l’absence de sollicitation du consentement du salarié s’analyse en un manquement d’une gravité telle qu’il rend impossible la poursuite du contrat de travail...

L’argument avancé par l’employeur selon lequel, les tâches adjointes au salarié étaient dérisoires au regard de sa charge de travail (ou de simples missions de plus ou différentes ne réclamant pas une qualification professionnelle différente et requérant notamment une formation longue, ou un aménagement du poste... ). Cet argument a été jugé sans intérêt et pour cause : ce qui est reproché à l’employeur, dans les faits, c’est d’avoir porté atteinte à la qualification contractuellement convenue.

Que l’atteinte ait été majeure ou non ne pouvait en conséquence pas exonérer l’employeur de sa responsabilité.

ECLAIRAGES

Le mécanisme soulevé ici est celui de la prise d’acte.

Il est par conséquent demandé au juge de reconnaître que si c’est bien le salarié qui a demandé la rupture du contrat, c’est en raison d’éléments extérieurs à sa volonté. Ce serait parce que l’employeur à commis des manquements d’une gravité telle que le salarié n’avait d’autres solutions que de constater la rupture immédiate de la relation de travail.

Dans un second temps il a saisi le juge afin qu’il le rétablisse dans ses droits par la requalification en licenciement.

Le risque n’est pas négligeable dans pareille procédure. Si le salarié avait observé un préavis avant la saisine du conseil de prud’hommes, il lui aurait été difficile de faire admettre au juge l’impossibilité de poursuivre la relation de travail. Le revers, c’est que si le juge refuse de faire droit à sa demande, c’est juridiquement déqualifié comme une démission… sans préavis. Il s’agit d’un manquement à l’obligation contractuelle du salarié ouvrant même droit à des dommages et intérêts à l’employeur.

La mobilisation de la prise d’acte ne doit se faire que dans quelques situations et dès lors que le salarié est en mesure de démontrer la réalité de la situation. Cela est notamment possible en cas : de discrimination, de situation de harcèlement, de non-paiement du salaire, de modification unilatérale du contrat de travail là où il aurait été nécessaire que l’employeur ait obtenu le consentement du salarié...

POUR ALLER PLUS LOIN...

Dès lors qu’il y a incertitude quant à la capacité à démontrer la réalité de la situation, il pourrait être plus sécurisant pour le salarié de lui suggérer le recours à la résiliation judiciaire. Celle-ci n’a pas comme préalable l’obligation pour le salarié d’avoir démissionné et la relation de travail se poursuit le temps du jugement.

Si ce mécanisme peut sembler plus intéressant que la prise d’acte, il présente d’autres inconvénients. Le maintien de la relation de travail le temps du procès peut rendre la situation professionnelle délicate. L’employeur peut régulariser la situation le temps de la procédure, voire il pourra être opposé au salarié un fait fautif justifiant le licenciement avant le terme de la procédure...

Sachez vous informer avant de "jouer" de la prise d’acte, même si l’employeur vous semble demander l’impossible...

Auteur, Michel PEPIN, Juriste en droit social, Service Juridique, Secteur Juridique National UNSA.

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