Défaut de consultation du CSE : pas d’annulation par le juge d’un règlement intérieur...


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Un syndicat peut, au nom de la défense de l’intérêt collectif des salariés, suspendre le règlement intérieur d’une entreprise en cas de non-consultation du CSE... C’est l’une des dernières décisions rendues par la Cour de Cassation.

A propos de la décision de la chambre sociale de la Cour de cassation du 21 septembre 2022...

Cass. soc., 21 septembre 2022, n° 21-10.718, Publié au bulletin.

CONTEXTE ET FAITS :

La société Autoroute Paris Rhin Rhône (APRR) engage une procédure de modification de son règlement intérieur sans consulter les instances représentatives du personnel.

Le syndicat Sud Autoroute APRR saisit le tribunal judiciaire et demande l’annulation du règlement intérieur, qui devait entrer en vigueur quelques mois après. À titre subsidiaire, dans le cas où l’annulation est refusée, le syndicat demande au juge de déclarer le règlement inopposable aux salariés.

La Cour d’appel confirme le jugement du tribunal judiciaire en rejetant l’action du syndicat. Selon ces juges, le syndicat est « irrecevable à agir en contestation de la validité ou de l’opposabilité aux salariés du règlement intérieur modifié ».

Les juges du fond constatent que les instances représentatives de la société n’ont pas « elles-mêmes sollicité devant le juge judiciaire l’annulation ou l’inopposabilité du règlement intérieur modifié de l’entreprise APRR. Le syndicat SUD Autoroute APRR serait irrecevable à agir de manière autonome en contestation de la validité du règlement intérieur pour défaut de consultation préalable des institutions représentatives du personnel  ».

Le syndicat se pourvoit en cassation : un syndicat peut-il agir en nullité du règlement intérieur en raison du défaut de consultation du CSE ? Ce dernier peut-il suspendre par voie judiciaire le règlement intérieur d’une entreprise ? Ce défaut de consultation du CSE est-il une atteinte à l’intérêt collectif des salariés ?

ECLAIRAGES

La chambre sociale de la Cour de cassation rejette l’analyse des juges du fond. Un syndicat peut demander en référé les mesures de remise en l’état destinées à mettre fin au trouble manifestement illicite affectant l’intérêt collectif.
Aussi, le syndicat SUD est autorisé à demander en référé la suspension du règlement intérieur tant que l’employeur n’aura pas procédé aux informations et consultations obligatoires.

Dans sa notice explicative, la chambre sociale reconnaît ainsi un droit d’action au syndicat pour la défense de l’intérêt collectif des salariés, compte tenu de l’atteinte qui y est portée (défaut d’accomplissement par l’employeur de cette formalité substantielle). »

En revanche, un « syndicat n’est pas recevable à demander au tribunal judiciaire par voie d’action au fond la nullité de l’ensemble du règlement intérieur ou son inopposabilité à tous les salariés de l’entreprise, en raison du défaut d’accomplissement, par l’employeur, des formalités de consultation des institutions représentatives du personnel ».

FONDEMENTS JURIDIQUES

Un règlement intérieur non consulté par les institutions représentatives ne peut entrer en vigueur au sein de l’entreprise mais n’est pas nul : la Cour de cassation relève que l’article L. 1321-4 du Code du travail n’institue pas la consultation des institutions représentatives comme une condition de validité du règlement intérieur. A défaut de cette formalité, le règlement intérieur ne peut être introduit et ne peut s’appliquer dans l’entreprise. Le règlement n’est pas nul, il est valable mais inapplicable. Dans ce cas, l’employeur peut introduire le règlement intérieur après l’avoir soumis à la consultation du CSE.

La nullité ou l’inopposabilité sont, au contraire, des mesures définitives.

Le défaut de consultation du CSE suspend la décision de l’employeur ; sur le plan civil, le défaut de consultation régulière du CSE est susceptible de constituer un trouble manifestement illicite que le juge des référés peut faire cesser en ordonnant à l’employeur de suspendre la mise en oeuvre de sa décision dans l’attente d’une consultation régulière.

° En matière de santé, sécurité et conditions de travail et de la marche générale de l’entreprise, le CSE est obligatoirement consulté (article L. 2312-8).

Dans ce cadre, la Cour de cassation rejette la sanction de l’inopposabilité de la mesure adoptée sans consultation préalable (Cass. soc., 18 sept. 2019 concernant le CE au sujet de la mise en place d’une modulation du temps de travail). Elle admet en revanche la recevabilité d’une demande en suspension provisoire de l’application de la décision de l’entreprise dans l’attente de la régularisation de la procédure (Cass. soc., 10 juill. 2019, no 18-10.815).

° Dans la même lignée, en matière de licenciement économique collectif, le défaut de consultation du CE sur les orientations stratégiques n’invalide pas l’accord sur le PSE (CA Versailles, 14ème ch. 12 juill. 2018, no 18/04069).

Cette décision portant sur le règlement intérieur n’est pas surprenante car elle s’aligne sur le raisonnement de la jurisprudence actuelle. Le règlement n’est pas nul, son application est suspendue en raison du défaut de consultation des IRP.

° Le défaut de consultation d’une IRP lors d’une modification du règlement intérieur est une atteinte portée à l’intérêt collectif de la profession : l’action en justice du syndicat est conditionnée par l’atteinte à l’intérêt collectif de la profession.

L’article L.2132-3 du Code du travail dispose que «  Les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent. »
De jurisprudence constante, le défaut de consultation d’une IRP porte atteinte à l’intérêt collectif de la profession (Cass. soc., 24 juin 2008, no 07-11.411).
En ce sens, l’action du syndicat Sud Autoroute est légitime. La Cour de cassation a posé une limite : le syndicat ne peut agir en lieu et place de l’institution et bénéficie des informations qui lui sont destinées.

DROITS EN ACTION

Une organisation syndicale peut agir en référé pour demander une mesure provisoire de suspension du règlement intérieur de l’entreprise tant que le CSE ne sera pas consulté. Cette possibilité offerte aux organisations permet de contraindre l’employeur à respecter son obligation légale de soumettre le règlement intérieur à la consultation du CSE.
En revanche, si la demande de suspension est valable, l’annulation du règlement ou une demande d’inopposabilité aux salariés serait irrecevable...

Les positions restent donc différentes et à faire converger par la haute juridiction...

Auteur Sophie Riollet, juriste, Service Juridique National de l’UNSA.
Pour tous commentaires ou question, juridique@unsa.org

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