Interviews croisées : l’UNSA dans la nouvelle gouvernance territoriale pour l’emploi


https://www.unsa.org/4197

La loi pour le plein emploi de décembre 2023 a mis en place un réseau pour l’emploi déployé avec de nouvelles instances au niveau local, départemental et régional.

A l’échelon régional, le choix était donné de préserver le CREFOP ou de créer une nouvelle instance le Comité régional pour l’emploi (CRPE). Nos secrétaires régionaux UNSA Ile-de-France et Nouvelle Aquitaine nous éclairent sur les enjeux de cette reconfiguration dans leur territoire où 2 configurations différentes ont été mises en place avec le remplacement du CREFOP par le CRPE en Ile de France et le maintien du CREFOP en Nouvelle Aquitaine (voir schéma ci-dessous).

1. Quels sont les éléments qui ont guidé selon vous le choix, par la Région et l’Etat, entre la mise en place du Comité régional pour l’emploi (CRPE) ou le maintien du CREFOP ?

Pauline Laby-Le Clercq, Secrétaire générale de l’URIF UNSA : En Ile-de-France, l’exécutif régional et l’Etat ont choisi d’un commun accord de privilégier la nouvelle instance CRPE en lieu et place du CREFOP. Les organisations patronales ont également validé ce choix.

Pour se justifier, l’État comme la Région ont mis en avant l’ « inefficacité » de l’ex CREFOP alors qu’ils avaient pourtant tout mis en œuvre pour « étouffer » cette instance de concertation depuis plusieurs années : absence de réunions des Commissions, parfois de Bureau voire de Plénier. Les organisations syndicales franciliennes regroupées en intersyndicale ont quant à elles essayé en vain de peser contre cette option du CRPE.

Nous sommes en effet inquiets par la réduction du nombre de commissions à deux contre cinq auparavant, avec le risque de minorer le poids dans les débats, de questions essentielles comme le lien entre la formation initiale et professionnelle, l’orientation, le handicap, ou le suivi du Contrat de plan régional de développement de la formation et de l’orientation professionnelles (CPRDFOP).

Nous restons dubitatifs sur la nouvelle formule du CRPE, sa gouvernance recentrée aux mains de la Région et de l’Etat, sa feuille de route.
Nous sommes échaudés et craintifs de voir se poursuivre ce mépris pour les espaces d’échanges et d’information entre les acteurs de l’emploi et de la formation.

Joël Roy, Secrétaire général de l’Union régionale Nouvelle-Aquitaine : Le Président du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine s’est exprimé pour une mise en place du CRPE en s’appuyant sur le CREFOP.

De par son engagement en faveur de la décentralisation et de la stabilité des services publics, il considère davantage un CREFOP, instance stratégique régionale qui encadre le CRPE, qu’un CRPE instauré comme une plateforme opérationnelle dont l’architecture valorise l’approche partenariale à l’équilibre complexe.

Acteur central dans l’élaboration et la signature du CPRDFOP voté en octobre 2024, le président de Région avait déjà manifesté son intention de jouer un rôle clé. D’autant que le CREFOP joue un rôle stratégique dans la coordination des actions en matière d’emploi, de formation et d’orientation.

2. Quelles sont les priorités affichées dans la feuille de route du CRPE ?

Pauline Laby-Le Clercq : La feuille de route comporte plusieurs axes, notamment :

  • La construction d’une offre de formation de proximité pour répondre aux enjeux économiques des territoires et aux besoins des franciliens ;
  • Le développement de l’accès à l’emploi de ceux qui en sont le plus éloignés, notamment les personnes en situation de handicap.

La démarche adéquationniste est par ailleurs assumée avec une priorité donnée aux besoins de recrutement des entreprises. C’est pour l’UNSA un vrai problème, déjà identifié lors de la mise en place de France Travail et du Réseau National pour l’Emploi. Sans nier les difficultés de recrutement dans certains secteurs, la formation initiale, professionnelle ou l’orientation ne peuvent être des politiques uniquement dédiées à la satisfaction des seuls besoins des employeurs.

Joël Roy : Avant de parler de la mise en œuvre des orientations stratégiques arrêtées par le Comité régional pour l’emploi, il faut dire deux mots sur notre région. C’est la plus vaste région française avec une superficie supérieure à celle de l’Autriche. Elle résulte de la fusion de 3 anciennes régions administratives et fédère plusieurs aires culturelles très différentes même si elles montrent un même attachement au rugby ; 12 départements dont les 3 plus grands de France métropolitaine, 53 territoires de projet identifiés… La Nouvelle-Aquitaine est une région hétérogène. Elle se distingue par des contrastes de peuplement importants, des territoires tantôt dynamiques, tantôt enclavés et compte de nombreuses lignes de fractures parmi lesquelles l’opposition entre la façade maritime et l’intérieur des terres, ou celle entre les aires urbaines dynamiques et les espaces ruraux fragiles.

Deux ambitions ont été affichées d’emblée par la DREETS concernant le CRPE : diminuer le chômage et répondre aux besoins des entreprises en tension, notamment en accompagnant les transitions professionnelles et en anticipant les mutations. L’objectif était donc d’élaborer une feuille de route à partir de l’analyse de chaque territoire avec une déclinaison en plans d’actions des enjeux environnementaux, économiques et sociaux, pour outiller les Comités locaux pour l’emploi (CLE).

3. Comment s’est déroulée l’installation de ces nouvelles structures, quelle place y occupe l’UNSA ?

Pauline Laby-Le Clercq : L’installation du CRPE s’est faite lors d’un Plénier qui a donné lieu à plusieurs interventions des organisations syndicales mettant en avant les désaccords que je viens de formuler dans mes deux premières réponses. Opposée à la réduction du nombre de Commissions et face au déséquilibre dans la gouvernance au détriment des organisations syndicales, l’UNSA a voté contre le projet de règlement intérieur. Elle s’est abstenue sur la feuille de route.

Comme cela est prévu par la loi, l’UNSA sera logiquement absente du bureau du CRPE, réservé comme le bureau de l’ex CREFOP aux seules organisations représentatives.
Nous serons par contre présents dans les commissions et groupes de travail, l’Etat et la Région s’y étant engagés en séance plénière, accédant aux demandes de l’intersyndicale. C’était déjà le cas lors de l’ex CREFOP.

Joël Roy : Sortie par la porte avec l’extinction de la Commission emploi, l’UNSA est revenue dans le jeu par la baie vitrée.

Malgré nos contestations et courriers aux exécutifs locaux, la dernière réunion de la Commission emploi, fin septembre 2024, laissait peu de doutes : les règles de représentativité retenues dans la loi excluaient l’UNSA du CRPE. Cependant, dès mars 2025, l’UNSA était présente, en sa qualité de partenaire social au CREFOP, à la journée de co-construction de la feuille de route du CRPE de Nouvelle-Aquitaine et y a pris une part active et remarquée par la DREETS.

Comme l’a laissé entendre le directeur régional de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités que nous avons rencontré dans la foulée de cet événement, notre participation aux groupes de travail et autres ateliers permettra à l’UNSA de rester dans le jeu. De plus, par l’entremise de nos camarades qui siègent au sein des Observatoires départementaux du dialogue social (ODDS), nous pourrons obtenir des informations sur les actions des Comités locaux pour l’emploi (43 CLE répartis sur les 12 départements de Nouvelle-Aquitaine).

4. Que portera l’UNSA dans cette nouvelle instance ?

Pauline Laby-Le Clercq : Dans une région touchée actuellement par les défaillances d’entreprises, par la persistance d’un niveau élevé du chômage notamment des jeunes (22,1%), du nombre de décrocheurs et de NEETS [1] , d’inégalités très fortes, la problématique de l’emploi et de la formation reste pour l’URIF UNSA une des priorités.

Nous allons poursuivre notre investissement militant et politique dans cette nouvelle instance comme nous le faisions dans « feu » le CREFOP, en lien avec le CESER, dans les commissions emploi et développement économique dans lesquelles nous siégeons.

Forts de notre implantation dans l’enseignement général et professionnel nous continuerons à travailler à une meilleure articulation des politiques d’emploi avec la formation initiale.

A notre place, nous défendrons dans le CRPE les intérêts des salariés, dans une région où les freins à l’emploi et à la qualité du travail comme le coût des transports, du logement, des dépenses de base, sont très élevés.
A l’heure où des coupes budgétaires importantes sont annoncées par la Présidente de Région dans les dépenses d’emploi et de formation, où de nouvelles contraintes pèsent sur les demandeurs d’emploi, nous revendiquerons sans relâche des politiques publiques plus ambitieuses, mieux coordonnées pour l’accompagnement de l’ensemble des actives et actifs ainsi que pour la lutte contre les fractures territoriales insupportables dans notre Région.

Joël Roy : D’une part, même s’il est probable que son fonctionnement soit affecté par la création d’une nouvelle commission (CRPE), le CREFOP continue d’exister ainsi que les commissions Formation, Orientation et besoins des publics et Prospective. L’UNSA y joue un rôle actif.

D’autre part, à défaut des chiffres, notre organisation est reconnue dans un certain nombre d’instances et sa parole porte, grâce notamment au relais de nos 5 militants siégeant au Conseil économique, social et environnemental régional (CESER).

L’UNSA participe également aux discussions sur les métiers en tension, la prospection des besoins en compétences. De plus, nous sommes vigilants au respect des objectifs que se donne la Région en matière d’équilibre et d’égalité des territoires, d’implantation des différentes infrastructures d’intérêt régional, d’intermodalité et de développement des transports de personnes et de marchandises, de transitions énergétiques, économiques et sociales qui vont entraîner des mutations au niveau de l’emploi et de la formation.

L’UNSA continuera de veiller à la mise en œuvre concrète des politiques de formation, d’emploi et d’orientation et défendra les intérêts des salariés en participant aux travaux prospectifs.

Notes

[1NEET : Not in Education, Employment or Training. Il s’agit des jeunes âgés de 16 à 25 ans ne sont ni en études, ni en emploi, ni en formation, selon la définition d’Eurostat.

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