Ancienneté d’une salariée : bulletin de salaire ou montant d’une prime d’ancienneté versée ?


https://www.unsa.org/4277

Un salarié ne peut se prévaloir, pour déterminer son ancienneté, d’un montant de prime d’ancienneté versée après 10 ans révolus, dès lors qu’une ancienneté de deux ans, figure clairement sur ses bulletins de paie.

JURISPRUDENCE SOCIALE :

À propos de : Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 juillet 2025, 24-16.281, Inédit

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CASSATION ET RENVOI : " En statuant ainsi sans répondre aux conclusions de l’employeur qui faisait valoir que les bulletins de paie de la salariée mentionnaient une date d’embauche au 18 février 2019 (2 ans, faits de 2021) et qu’ils ne mentionnaient aucune autre date qui pourrait faire remonter l’ancienneté de la salariée au-delà, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé... "

 EN BREF

La preuve en droit et, particulièrement en droit du travail, doit être maitrisée par tout justiciable qui intente une action en justice, en vue de se prévaloir de droits.

Depuis 1975, le principe général est fondement de l’article 9 du Code de procédure civile qui prévoit qu’« il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. »

Sur cette base, des aménagements en droit du travail se sont construits et la preuve du salarié s’est affinée en fonction de la nature des droits invoqués et/ou des dommages et intérêts réclamés.

Ces derniers peuvent dépendre de l’ancienneté acquise dans la structure par le salarié. L’ancienneté est une question souvent débattue en justice : employeur et salarié en contestent son point de départ, sa continuité ou la fin de celle-ci...

Ainsi, lorsqu’une décision combine la charge de la preuve et l’ancienneté du salarié, il mérite toute notre attention.

Dans l’arrêt du 9 juillet 2025, la Cour de cassation a retenu que, si les bulletins de paie du salarié mentionnent une date d’embauche précise et qu’ils ne mentionnent aucune autre date qui pourrait faire remonter l’ancienneté du salarié au-delà, cette date d’ancienneté du bulletin sera valable jusqu’à preuve contraire.

 CONTEXTE DE LA SAISINE

En l’espèce, une salariée est embauchée en qualité d’ambulancière à compter du 18 février 2019.

Placée en arrêt maladie à compter de janvier 2021, elle a saisi le conseil de prud’hommes de plusieurs demandes en paiement de rappels de salaires en avril 2022. Elle a notamment demandé une somme à titre de rappel de salaire pour la période de janvier à juillet 2021 inclus, dans le cadre de la garantie de maintien de salaire prévue par la convention collective.

La Cour d’appel de Nancy accède aux demandes de la salariée en avril 2024.
Pour rendre sa décision, elle se fonde sur les articles L. 3243-1 et R. 3243-1 du Code du travail, précisant que la date d’ancienneté figurant sur le bulletin de paie vaut présomption de reprise d’ancienneté sauf à l’employeur à apporter la preuve contraire.

La convention collective applicable prévoit une majoration de la rémunération de 6 % après 10 années de présence dans l’entreprise.

Les bulletins de salaire de la salariée faisaient bien mention d’une prime d’ancienneté de 6 % mais sans donner d’autres précisions.

La Cour d’appel relève que le contrat de travail précise quant à lui que cette prime ne serait versée qu’aux salariés ayant acquis 10 ans d’ancienneté dans l’entreprise depuis leur date d’embauche.

Cette mention dans le contrat de travail relative au bénéfice de la prime d’ancienneté et, sous-entendu, l’absence d’une autre mention relative à l’ancienneté « ne démontrait pas que les parties ne se soient pas entendues à l’embauche sur une reprise d’ancienneté au bénéfice de la salariée ».

L’employeur conteste l’arrêt d’appel et forme un pourvoi en cassation.

Il est reproché notamment à la Cour d’appel de ne pas avoir répondu si les parties s’étaient accordées sur le principe d’une prime d’ancienneté dans le contrat de travail.

La mention d’une prime d’ancienneté dans le contrat de travail constitue-t-elle un élément suffisant pour définir l’ancienneté du salarié dès lors que celle-ci est expressément indiquée sur le bulletin de paie ?

 L’ANALYSE DE LA COUR DE CASSATION

La Cour de cassation casse et annule le raisonnement de la Cour d’appel.

Elle rend sa décision au visa de l’article 455 du Code de procédure civile, en soulignant que selon ce texte « tout jugement doit être motivé, à peine de nullité et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ».

Dans ses conclusions, l’employeur faisait valoir, une fois encore, que «  les bulletins de paie de la salariée mentionnaient une date d’embauche au 18 février 2019 et qu’ils ne mentionnaient aucune autre date qui pourrait faire remonter l’ancienneté de la salariée au-delà », à une date antérieure.

Pour la Cour de cassation, aucune réponse n’a été donné aux conclusions de l’employeur sur ce point.

Pour la Haute juridiction, les éléments avancés ne permettent pas de démontrer une entente des parties sur une reprise de l’ancienneté acquise par la salariée auprès d’autres employeurs.

La date d’embauche mentionnée sur les bulletins de paie qui est la seule à y figurer permet d’écarter la présomption de reprise d’ancienneté.

La Cour de cassation retient que l’employeur a bien apporté la preuve qu’il n’y avait pas lieu d’effectuer une reprise d’ancienneté au bénéfice de la salariée dès lors que les bulletins de paie mentionnaient une date d’embauche précise au 18 février 2019 et qu’ils ne mentionnaient aucune autre date qui auraient pu faire remonter l’ancienneté de la salariée au-delà, à une date antérieure.

En conséquence, l’ancienneté réelle de la salariée était de deux ans en 2021 et elle ne pouvait bénéficier pour sa période d’arrêt maladie de janvier à juillet 2021 du maintien de salaire revalorisé prévu par la CCN pour les salariés ayant plus de dix ans d’ancienneté au sein de l’entreprise.

 ÉCLAIRAGES

La mention de la date d’embauche sur le bulletin sans mention est valable jusqu’à preuve contraire.

Le fait que le salarié bénéficie d’une prime d’ancienneté conventionnelle versée aux salariés ayant acquis dix ans d’ancienneté ne démontre pas qu’il y a reprise d’ancienneté.

La preuve de l’ancienneté par la mention sur les bulletins de paie est le plus souvent avancée par les salariés. L’originalité de cet arrêt tient au fait que c’est ici l’employeur qui se prévaut de cette mention.

  • L’ancienneté ne se présume pas par l’obtention d’une prime.
  • Les conditions d’acquisition de celles-ci ne se présument pas par l’obtention d’une prime.

Bien qu’étant défavorable au salarié, le parfait raisonnement de la Cour de cassation est à souligner. La date d’ancienneté figurant sur le bulletin de paie vaut présomption d’ancienneté.

Inversement, une reprise d’ancienneté est acquise si le bulletin de paie mentionne une durée d’ancienneté plus importante que la date d’embauche et ne peut être écartée par le simple fait que le contrat de travail du salarié ne la mentionne pas.

C’est la solution à l’instant où la Cour de Cassation statue. Mais, elle renvoie au fond à un nouvelle appréciation des faits de l’espèce et cette fois-ci, la nouvelle Cour d’appel de renvoi sera amenée à mieux analyser la situation.

Certes, les conclusions de l’employeur posait une question à laquelle la Cour d’appel n’avait pas totalement répondue. Mais, il peut encore y être répondu lors du renvoi...

Comme toujours en matière "d’ancienneté", les mêmes questions : quelle ancienneté, un calcul d’ancienneté pour quoi faire et pour quels droits à satisfaire ?
Donner plus de droits en quotité ne signifie pas de convertir un taux, un pourcentage ou une valeur de droits en année d’ancienneté... Et, ce même si parfois le doute peut profiter à une salariée, mais pas sans condition ni fondement... La preuve reste de mise et son contradictoire.

À suivre...

Secteur Juridique National UNSA.

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