Avis d’inaptitude, recherche de reclassement, quand faut-il resolliciter le médecin du travail ?


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Par un arrêt en date du 22 octobre 2025, n° 24-14.641, la Chambre sociale de la Cour de cassation se prononce sur l’opportunité de solliciter un nouvel avis du médecin du travail, lorsque le salarié conteste la compatibilité de l’emploi proposé avec les recommandations figurant dans l’avis d’inaptitude du médecin, afin d’apprécier si l’obligation de reclassement peut être considérée comme satisfaite... L’arrêt va plus loin.

JURISPRUDENCE DE LA COUR DE CASSATION EN MATIÈRE DE GESTION DE L’INAPTITUDE

À propos de l’arrêt Cour de cassation du 22 octobre 2025, n°24-14.641

° CARACTÈRE DÉTERMINANT DE L’AVIS DU MÉDECIN DU TRAVAIL

L’article L. 1226-10 du code du travail énonce que :

  • «  Lorsque le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel". (...)

" Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté. […] ».

L’alinéa 3 de l’article L. 1226-12 du code du travail prévoit que :

  • «  L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail ».

° EN BREF

Dans cette décision, la Chambre sociale de la Cour de cassation précise que lorsque le salarié conteste la compatibilité du poste proposé avec les recommandations du médecin du travail, il appartient à l’employeur de solliciter un nouvel avis du médecin du travail, s’il souhaite ensuite bénéficier de la présomption de respect de l’obligation de reclassement.

° CONTEXTE DE LA SAISINE

Un salarié occupant un poste de monteur vendeur, placé en arrêt de travail à la suite d’une maladie professionnelle, a été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail, avant d’être licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Afin de contester ce licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud’homale.

Par un jugement en date du 19 mai 2021, le conseil de prud’hommes du Mans a retenu que l’employeur avait manqué à son obligation de recherche de reclassement et que de ce fait, le licenciement du salarié repose sur une cause qui n’est ni réelle, ni sérieuse.

La cour d’appel d’Angers, dans son arrêt du 7 mars 2024 n°21/00318, a également statué en ce sens, ce qui a conduit l’employeur à se pourvoir en cassation.

° L’ANALYSE DE LA COUR DE CASSATION

Tout d’abord, la Chambre sociale rappelle que lorsque l’employeur propose un poste au salarié déclaré inapte, conformément aux dispositions légales, en tenant compte de l’avis et des indications du médecin du travail, il satisfait à son obligation de recherche de reclassement.

Elle rajoute que si le salarié conteste la compatibilité de l’emploi proposé avec les recommandations du médecin du travail émises dans l’avis d’inaptitude, l’employeur doit solliciter de nouveau l’avis du médecin du travail.

La Chambre sociale mentionne ensuite que la cour d’appel d’Angers a constaté que le médecin du travail avait reconnu le salarié inapte à son poste, tout en le jugeant apte à occuper un poste de vendeur et apte à occuper un poste excluant des gestes répétitifs des membres supérieurs et des gestes amenant à placer le bras au-dessus de la ligne des épaules.

La cour d’appel a bien relevé que le salarié a refusé un poste de vendeur, parce qu’il estimait qu’il n’était pas compatible avec les limitations physiques préconisées par le médecin du travail.

Elle a aussi remarqué que le médecin du travail n’a pas validé le poste de vendeur au regard d’un descriptif précis des tâches à accomplir et ce, même s’il a échangé avec l’employeur et qu’une lettre de l’employeur, lui étant adressée, assure que le poste de vendeur était conforme à ses recommandations, sans plus de précisions sur les tâches du vendeur.

Ainsi, la Chambre sociale approuve le raisonnement de la cour d’appel qui a expliqué que puisque le médecin du travail n’avait pas préalablement validé le poste de vendeur proposé au salarié, l’employeur était tenu de solliciter de nouveau l’avis du médecin du travail face aux contestations du salarié.

La Chambre sociale confirme que la cour d’appel a valablement motivé sa décision en retenant que l’obligation de reclassement n’avait pas été satisfaite.

° ÉCLAIRAGES

La Chambre sociale de la Cour de cassation précise sa jurisprudence relative à l’application de la présomption d’accomplissement de l’obligation de reclassement.

Elle estime qu’il ne suffit pas de proposer un poste auquel est apte le salarié pour que la présomption fonctionne, le contenu du poste doit aussi être approprié.

L’employeur doit analyser si les tâches confiées sont compatibles avec l’état de santé du salarié sous le prisme des recommandations du médecin du travail. En cas de contestation du salarié ou même de doutes de l’employeur, il est indispensable que l’employeur demande un nouvel avis au médecin du travail sur la base d’un descriptif précis des tâches à accomplir, sauf si le poste a déjà été validé par le médecin du travail sur la base de ce descriptif.

La Chambre sociale insiste sur le fait qu’un simple échange avec le médecin du travail ou une lettre assurant de la compatibilité du poste n’est pas suffisant pour approuver la présomption et libérer l’employeur de son obligation de reclassement.

La validation du poste par le médecin du travail sécurise ensuite le licenciement pour inaptitude, dans la situation où le salarié refuse le poste proposé.

Si l’employeur n’effectue pas correctement la procédure, outre le questionnement de sa loyauté, le licenciement pour inaptitude pourra être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l’employeur à son obligation de recherche de reclassement, ce qui aboutira au versement d’indemnités.

Cet arrêt s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence constante de la Chambre sociale de la Cour de cassation, dégagée avant l’entrée en vigueur de la présomption légale du respect de l’obligation de reclassement (Cass. soc., 6 févr. 2008, n°06-44.413).


° DROIT EN ACTIONS

Dans le cadre de la recherche de reclassement du salarié reconnu inapte à son poste, lorsqu’un nouveau poste est proposé au salarié, ce dernier doit se projeter afin d’identifier si toutes les tâches du poste lui sont accessibles et respectent les recommandations du médecin du travail.

Si le salarié estime que le poste proposé ne correspond pas aux recommandations du médecin du travail, il est conseillé qu’il en informe le plus rapidement possible l’employeur pour qu’il accepte d’adapter le poste pour qu’il soit compatible avec les recommandations du médecin du travail, qu’il lui propose un nouveau poste compatible avec les recommandations du médecin du travail ou qu’il demande un nouvel avis au médecin du travail.

Secteur Juridique National UNSA.
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Crédits photo : REDGREYSTOCK sur Freepik

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