Discrimination syndicale pour défaut de communication d’un programme de formation !?
Par un arrêt du 11 décembre 2024, n°22-23.302, la Chambre sociale de la Cour de cassation se prononce sur le fait qu’une absence de transmission de programmes de formation puisse laisser supposer une discrimination syndicale...
JURISPRUDENCE DE LA COUR DE CASSATION RELATIVE À LA DISCRIMINATION SYNDICALE
Par un arrêt en date du 11 décembre 2024, n°22-23.302, la Chambre sociale de la Cour de cassation se prononce sur le fait qu’une absence de transmission de programmes de formation puisse laisser supposer une discrimination syndicale.
PRINCIPE DE "NON-DISCRIMINATION"
L’article L.1132-1 du code du travail, dans sa version en vigueur depuis le 1er septembre 2022, prévoit qu’aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte […] en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d’un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de sa qualité de lanceur d’alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d’alerte, au sens, respectivement, du I de l’article 6 et des 1° et 2° de l’article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
° EN BREF
Dans cette décision, la Chambre sociale de la Cour de cassation déclare que l’absence de transmission des programmes de formation des membres d’une institution représentative du personnel à un salarié, également membre de cette institution, laisse supposer une discrimination syndicale.
° CONTEXTE DE LA SAISINE
Un salarié a été élu en tant que titulaire de la délégation unique du personnel pour une durée de quatre ans. Cependant, durant cette période, il estime être victime de discrimination en raison de ses activités syndicales.
Dans ce contexte, il saisit la juridiction prud’homale, afin d’obtenir des dommages-intérêts pour discrimination syndicale.
° L’ANALYSE DE LA COUR DE CASSATION
La Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule partiellement l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 22 septembre 2022 (n° 19/04387), qui refuse les demandes du salarié relatives à la discrimination syndicale.
La Chambre sociale rappelle, tout d’abord, que lorsque le salarié estime être victime d’une discrimination, il doit présenter des éléments de fait au sujet de celle-ci. Il appartient ensuite au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’une telle discrimination.
Si l’existence d’une telle discrimination est supposée, l’employeur devra prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En l’espèce, la cour d’appel a rejeté les demandes du salarié au titre de la discrimination syndicale, alors que le salarié a pourtant rapporté comme élément de fait l’absence de transmission de programmes de formation des membres du CHSCT.
En effet, le salarié a produit un courriel du 11 août 2014, envoyé à l’ensemble des supérieurs hiérarchiques des salariés élus, dont il a été le seul à qui le courrier n’a pas été adressé. La cour d’appel a considéré qu’il s’agissait de faits relevant du délit d’entrave et non de la discrimination.
A l’inverse de la cour d’appel, la Chambre sociale estime que l’absence de transmission des programmes de formation des membres du CHSCT à un salarié, membre de cette institution, laisse bien supposer une discrimination syndicale.
Ainsi, le salarié, s’estimant victime d’une discrimination, peut présenter comme élément de fait solide l’absence de transmission de programmes de formation.
° ÉCLAIRAGES
La Chambre sociale de la Cour de cassation précise à nouveau grâce à sa jurisprudence quel élément de fait peut produire intelligemment un salarié pour dénoncer une discrimination syndicale.
Ainsi, elle admet donc raisonnablement que lorsqu’un membre d’une institution représentative du personnel ne reçoit pas des programmes de formation destinés à ces membres alors que les autres les ont reçus, une discrimination syndicale est supposée.
La Chambre sociale a aussi admis qu’une discrimination syndicale est supposée face :
– à l’absence de proposition de formation à un salarié, en raison de ses activités syndicales (Cass. soc., 1er juin 2004, n°01-47.239) ;
- au refus de l’employeur de formations, en raison des absences d’un salarié, liées à ses activités syndicales et électives (Cass. soc., 27 févr. 2013, n°11-20.739) ;
- à la contestation par l’employeur de formations au management, alors que le salarié ayant des activités syndicales disposait d’une ancienneté importante et avait fait l’objet d’appréciations toujours élogieuses (Cass. soc., 5 juillet 2018, n°16-19.895).
° DROIT EN ACTIONS
Un salarié, qui se sent victime d’une discrimination syndicale, doit donc regrouper des éléments de fait, afin de fonder sa demande en justice.
Toutefois, au regard de la jurisprudence, le salarié peut être rassuré car il n’est pas forcément indispensable qu’il rapporte des éléments de fait très précis et complexes. Des éléments généraux et simples peuvent suffire à laisser supposer une discrimination aux yeux du juge. Ces éléments peuvent reposer sur une comparaison avec d’autres salariés et/ou sur les agissements de l’employeur.
Tout est bon pour convaincre le juge : courriers, comptes rendus, enregistrements sonores, témoignages de salariés et d’anciens salariés, rapports d’enquête, rapports de l’Inspection du travail …
Il demeure conseillé au salarié de se faire aider lors du regroupement des éléments de fait, notamment par d’autres salariés et sa section syndicale.
La lutte contre la discrimination syndicale nécessite une vigilance constante, afin de détecter les situations discriminantes. Dès lors, en tant que salarié soyez attentif à votre situation ainsi qu’à celles de vos collègues.
Auteure, Jade EL MARBOUH, Pôle Service Juridique, Secteur Juridique National UNSA.
Pour toute remarque, juridique@unsa.org.