Employeurs, vous avez à justifier du choix des salariés à licencier !


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L’employeur doit apporter des éléments objectifs pour expliquer son choix à propos des critères d’ordre des licenciements, dans les cas de licenciements collectifs de salariés pour motif économique...

JURISPRUDENCE SOCIALE DE LA COUR DE CASSATION :

A propos des arrêts de la Cour de cassation du 18 janvier 2023 n° 21-19.675 et n° 21-19.633
(Liens de téléchargement, ci-après)

Par deux arrêts inédits en date du 18 janvier 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle que s’il y a une contestation dans le cas d’un licenciement économique sur les critères d’ordre de celui-ci, alors l’employeur doit communiquer au juge les éléments objectifs sur lesquels il s’est appuyé pour arrêter son choix.

DECISION DU JUGE :

A défaut de pouvoir substituer son appréciation des qualités professionnelles du salarié à celle de l’employeur, il appartient au juge en cas de contestation, de vérifier que l’appréciation portée sur les aptitudes professionnelles du salarié ne procède pas d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir.

FAITS :

Deux salariées travaillant pour la comptabilité d’associations ont été licenciées pour motif économique, en février et octobre 2017, et ont contesté ces licenciements devant le Conseil de prud’hommes.

PROCEDURE :

Dans les deux cas, la Cour d’appel de Grenoble a donné raison aux salariés le 18 mai 2021, et l’employeur a saisi la Cour de cassation en reprochant à la Cour de ne pas avoir appliqué loyalement les critères d’ordre de licenciement.

Pour la Cour, l’employeur a fait une application déloyale des critères d’ordre par des pondérations « non pertinentes aux motifs erronés et inopérants ». Pour l’employeur de son côté, son appréciation repose sur des « données objectives, précises et vérifiables ». Il considère qu’il peut pondérer l’un ou l’autre des critères légaux à prendre en considération pour fixer l’ordre des licenciements en attribuant, au titre de l’un d’entre eux, le même nombre de points pertinents au regard des situations personnelle et professionnelle des salariés par exemple.

Également pour l’employeur, il est le seul juge des qualités professionnelles des salariés et de leurs critères d’appréciation, et doit seulement communiquer au juge les données objectives, précises et vérifiables sur lesquelles il s’est appuyé pour arrêter l’ordre des licenciements selon les critères définis, pour que le juge n’ait qu’à vérifier le respect des critères en question.

L’enjeu pour la Cour était donc de trancher le fait de savoir si le juge n’a qu’un rôle de vérification du respect des critères de fixation de l’ordre des licenciements en question, ou s’il doit s’immiscer directement dans l’opportunité pour l’employeur d’avoir choisi tel ou tel critère ?

ECLAIRAGES :

Dans les deux cas la Cour de cassation a conforté les juridictions d’appel dans leurs appréciations respectives.

Pour la Cour de cassation, en effet, si le juge ne peut pas substituer son appréciation des qualités professionnelles du salarié à celle de l’employeur pour la mise en œuvre de l’ordre des licenciements, il doit, s’il y a une contestation, vérifier que l’appréciation que l’employeur porte sur les aptitudes professionnelles du salarié ne résulte pas d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir. Pour cela, l’employeur doit communiquer au juge les éléments objectifs sur lesquels il s’est appuyé pour arrêter son choix.

Dans les cas d’espèce : une salariée avait été notée en fonction du niveau de diplôme et non sur ses qualités professionnelles alors que cet élément ne permettait pas de déterminer objectivement laquelle des deux salariées était la plus apte à occuper le seul poste restant du service, d’autant que l’argument permettant de faire la différence était, selon l’employeur, qu’elle était linguiste espagnole.

Pour une autre, l’employeur avait pondéré le critère des charges de famille par tranches d’âge, sans apporter la raison pour laquelle cette différence selon l’âge était pertinente et objectivement justifiée

FONDEMENTS JURIDIQUES DE LA DECISION ?

Peu important le nombre de licenciements économiques envisagés, dès lors qu’il doit effectuer un choix parmi les salariés, l’employeur doit respecter les règles relatives aux critères d’ordre des licenciements.

Les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements sont définis par accord collectif ou, à défaut, par comité social et économique.

L’employeur doit prendre en compte tous les critères énumérés par le Code du travail (cf. art. L. 1233-5 CT), et les critères retenus doivent être définis soit par accord collectif, soit par l’employeur après consultation du CSE.

Ces deux arrêts permettent à la Cour de rappeler qu’en cas de litige il appartient à l’employeur de communiquer au juge les éléments objectifs sur lesquels il s’est appuyé pour arrêter son choix, sous peine de se voir infliger une condamnation à verser au salarié des dommages et intérêts.

DROIT EN ACTIONS :

Cet arrêt est un élément de plus vers la précision de la jurisprudence sur les critères de licenciement pour motif économique.

Jurisprudence déjà bien fournie selon laquelle si l’employeur est libre de retenir d’autres critères en plus de ceux visés par le code du travail, il doit impérativement prendre en compte la totalité de ces critères (cf. Cass. soc, 14 janvier 1997 n° 95-44.366). Les critères ne devant pas être discriminatoires, par exemple lié à la nationalité du salarié (cf. Cass. soc, 10 février 1998 n° 95-42.315), ou encore à la qualité de salarié à temps partiel (cf. Cass. soc, 19 octobre 2010, n° 08-45.254).

L’employeur lui se basait sur la possibilité qu’il a de pouvoir privilégier des critères (cf. Cass. soc, 2 mars 2004 n° 01-44.084), notamment en se basant sur les qualités professionnelles des salariés concernés (cf. Cass. soc, 18 mai 1993 n° 90-41.776).

Enfin pour rappel, s’il y a non-respect des critères d’ordre, le salarié peut prétendre à des dommages et intérêts distincts, pour violation de ceux-ci (cf. Cass. soc, 14 novembre 1995 n° 92-41.599).

Revue de jurisprudence établie par Louis BERVICK, Juriste en Droit Social, Pôle Service Juridique, Secteur Juridique National UNSA

LIENS DES DECISIONS :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri...

https://www.legifrance.gouv.fr/juri...

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