Fusion d’entreprises, tout est perdu sauf la représentativité de l’UNSA jusqu’à l’échéance du cycle électoral !?


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Fusion, rien ne se perd mais tout se transforme ? Pas si sûr... La fusion-absorption d’un établissement est sans effet sur la représentativité d’un syndicat, au moins jusqu’au terme du cycle électoral en cours... En découle que le syndicat représentatif de l’établissement absorbant ne deviendra pas nécessairement plus représentatif, au cours du même cycle électoral, dans l’établissement absorbé.

FUSION ET REPRESENTATIVITE...

Cass., soc., 5 janvier 2022, n°21-13.141

L’histoire...

A la suite de l’absorption d’un établissement par un autre de la même entreprise, un syndicat a procédé à la désignation d’un délégué syndical dans l’établissement objet de la fusion. Etant représentatif au sein de l’absorbant, il a pu considérer que l’extension du périmètre de l’établissement entraînait, de plein droit, l’extension de son champ de représentativité.
La direction de la société ayant une autre analyse de la situation, elle a saisi le juge judiciaire en contestation de cette désignation. Le syndicat n’étant pas représentatif dans l’établissement absorbé, il ne devrait pas pouvoir désigner un délégué syndical au sein de l’absorbé sur le seul motif de la fusion... Ainsi, la genèse d’une affaire qui tournez court...

Une analyse déjà vue de la Cour de cassation...

Ayant vu sa désignation annulée par les juges du fond, le syndicat a formé un pourvoi. Il a également posé une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel sur l’interprétation faite par la Cour de cassation des articles relatifs aux prérogatives conférées aux syndicats représentatifs dans l’entreprise.

Le syndicat considérait, en effet, que la lecture des textes avait pour effet d’enfermer la représentativité dans un périmètre donné, au cours d’un cycle électoral. Et ce, indépendamment de l’évolution de ce même périmètre... Au terme de son analyse, ce même syndicat s’interrogeait sur l’inconstitutionnalité de l’interprétation, en ce qu’elle porterait atteinte à la liberté syndicale ainsi qu’au droit à la participation des salariés.

Mais, la Cour de cassation s’est finalement opposée à transmettre la QPC, considérant la question dépourvue de caractère sérieux… dont acte, le processus judiciaire suiverait donc son cours...

C’est dons sans trop de surprise, qu’après un rejet de la demande QPC, la Cour de cassation rejetait le pourvoi du syndicat. Venant préciser sa jurisprudence antérieure, elle dispose que la "représentativité des organisations syndicales est "établie pour toute la durée du cycle électoral y compris en cas de modification du périmètre de l’entreprise".

Eclairage, en "clair - obscur"...

Cette décision s’inscrit dans le sillage d’une volonté jurisprudentielle de figer la représentativité syndicale dans le cycle électoral en cours.

Initialement, la jurisprudence avait pourtant pris le soin de préciser, que la représentativité était figée au cours d’un même cycle "pour un périmètre donné". Peut-être était-il envisagé le risque d’inconstitutionnalité d’une position ?

Quoi qu’il en soit, la Cour était déjà revenue sur ce point depuis 2014 et avait déjà supprimé cette mention de « périmètre donné »...

Aussi, l’action du syndicat s’inscrivant dans une tendance inverse de celle de la jurisprudence, il ne pouvait vraisemblablement pas s’attendre à obtenir gain de cause.

Un positionnement des juges tout aussi attendu que souhaitable...

L’objet de ce positionnement est la protection de la volonté des travailleurs, exprimée lors des élections professionnelles. Certes, il y avait bien dans cette circonstance fusion entre deux entités, afin qu’il n’y ait plus qu’un seul "périmètre", celui de l’absorbante. Malgré tout, les élections professionnelles ont bien lieu de façon cyclique et les salariés de chacune des entités ont préalablement l’occasion d’élire leurs représentants, véhiculant ou non des couleurs syndicales...

Si les juges avaient fait droit à la demande du syndicat, cela reviendrait à faire prévaloir certains intérêts au détriment d’autres :

  • Si l’employeur pouvait modifier le périmètre d’une société sans respect du cycle électoral, il pourrait rendre "nulle" chaque élection professionnelle qui ne lui conviendrait pas, par la création d’entités, fusion etc.
  • La volonté exprimée des salariés de l’établissement absorbant primerait sur celle des salariés absorbés, si l’on étendait le seul résultat des élections antérieurs du premier établissement, sans prise en considération du second.

Cette analyse des juges reste donc, pour l’heure, le compromis prenant le plus en considération les intérêts des toutes les communautés d’intérêts en présence.

A suivre...

Auteur Michel PEPIN, juriste, Pôle service juridique du Secteur Juridique National de l’UNSA.

Pour tous commentaires ou question, juridique@unsa.org

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