IA et monde du travail : l’urgence d’un dialogue social renforcé
L’impact de l’intelligence artificielle sur le monde du travail n’équivaut pas à une destruction massive d’emplois. Il s’inscrit avant tout dans une transformation profonde des environnements de travail. L’intelligence artificielle générative (IAG), en particulier, provoque une réorganisation des tâches, des responsabilités et des méthodes de travail, plus qu’une disparition des postes eux-mêmes.
Du fait des changements qu’elle implique, l’UNSA a fait de l’IA un objet de réflexion. Pour nourrir les débats, Arno Amabile, co-rédacteur du rapport présenté lors du Sommet de l’IA de février 2025, est intervenu lors du bureau national du mois de mai.
Lors de son intervention, il a souligné que si 41 % des emplois sont exposés à l’IA, seuls 6 % sont réellement menacés par une automatisation complète, écartant le scénario d’un remplacement massif des travailleur·euses. L’IA peut représenter un levier de croissance considérable, tant dans sa production que dans sa diffusion. Elle pourrait générer d’ici 10 ans un gain de PIB de 250 à 420 milliards d’euros, soit l’équivalent du poids actuel de l’industrie française. Pour concrétiser ce potentiel, il est essentiel d’inventer des usages positifs dans tous les secteurs, de maîtriser les risques et surtout de renforcer l’appropriation de l’IA par une formation initiale et continue. Arno Amabile insiste sur le rôle central du dialogue social, qui doit permettre aux salarié·es de devenir de véritables acteur.rices de la transformation de leur métier, en expérimentant, en jugeant et en participant à la création de nouvelles organisations du travail. Cette dynamique collective soulève des questions cruciales : Quelles tâches doit-on faire effectuer par l’IA ? Quel rôle doit avoir l’humain dans le « jugement » de l’IA ? Comment former les « juniors » ?
Cependant, pour l’UNSA, il faut nuancer la perception par les entreprises de l’IA comme levier d’optimisation. En effet, le coût de développement de l’IA pour les entreprises est absent des projections actuelles. Pour le moment aucune réelle donnée n’existe sur cet aspect alors qu’il va fortement affecter son adoption. De plus, compte tenu des besoins en eau et en énergie des centres de données, l’impact écologique ne doit pas être sous-estimé.
L’incidence de l’IA générative réside donc principalement dans la substitution de certaines tâches et non dans la suppression d’emplois. Pour 19 emplois sur 20, il existe des pans d’activité impossibles à automatiser [1]. Toutefois, cette transformation n’est pas sans risque pour les travailleur·euses. Un mauvais usage peut entraîner une surcharge cognitive importante. S’il est mal redistribué, le temps libéré par l’utilisation de l’IA peut se traduire par de nouvelles tâches plus complexes, une pression accrue et un épuisement mental [2] . Ce constat appelle à une redistribution équitable des gains permis par l’automatisation : réduction du temps de travail, amélioration de la qualité de vie, meilleur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle et réflexion sur le sens du travail.
D’après les données de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria), une grande majorité des projets d’intégration de l’IA entre 2020 et 2023 n’ont pas abouti à un déploiement opérationnel. En cause : l’absence d’intégration des salarié·es dès les premières phases du projet. Ainsi, près de 70 % des programmes de transformation digitale ont échoué. Le dialogue social est donc essentiel pour permettre une co-construction de ces outils dans les entreprises et institutions.
Dans ce contexte, l’appropriation des outils d’intelligence artificielle repose sur l’implication directe du collectif de travail.
Ainsi, pour l’UNSA, l’IA au travail doit faire partie intégrante du dialogue social. Elle nécessite une formation de l’ensemble des parties prenantes tant sur ses aspects techniques qu’éthiques.
L’UNSA propose de :
● Négocier des accords sur le déploiement de l’IA au niveau national, mais aussi au niveau des branches et de l’entreprise
● Obligatoirement mettre en place un plan de développement des compétences des salariés lorsqu’un système d’IA est déployé dans l’entreprise
● Former les salarié·es et les managers à l’utilisation de l’IA dans leur entreprise et à son impact dans les organisations de travail
● Inclure le sujet de l’IA lors des négociations de la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP).
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