L’image "voilée" de l’entreprise ?


https://www.unsa.org/1872

La seule préservation de "l’image de l’entreprise" ne justifie pas l’interdiction du port du voile...

JURISPRUDENCE SOCIALE

Une grande enseigne d’habillement avait interdit le port du voile à une de ses vendeuses alors qu’aucune clause de neutralité n’était prévue dans le règlement intérieur. Pour la Cour de cassation, l’image de l’entreprise et sa politique commerciale pour justifier l’interdiction faite à la salariée rend le licenciement nul.
Pièces jointes

QUESTIONS DE DROITS

En l’espèce, une salariée, après son congé parental se présente à son poste de travail avec un foulard dissimulant ses cheveux, ses oreilles et son cou. L’employeur lui a demandé de retirer son foulard et à la suite du refus opposé par la salariée, a placé celle-ci en dispense d’activité le 6 août 2015, puis l’a licenciée pour cause réelle et sérieuse le 9 septembre suivant. Estimant être victime de discrimination en raison de ses convictions religieuses, la salariée a saisi la juridiction prud’hommale, le 4 février 2016, de demandes tendant à la nullité de son licenciement et au paiement de diverses sommes.

Dans le cas où le règlement intérieur de l’entreprise ne contient pas de clause de neutralité, un employeur peut-il licencier une salariée pour avoir refusé de retirer son voile en se fondant sur l’image de l’entreprise ?

ÉCLAIRAGES

La Cour de cassation décide que le licenciement de la salariée est nul.
Elle fonde sa décision sur plusieurs étapes :

- le constat d’une restriction à la liberté religieuse : les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché ;

  • la possibilité pour l’employeur de prévoir une restriction sous conditions : l’employeur peut prévoir dans le règlement intérieur de l’entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur, en application de l’article L. 1321-5 du code du travail, une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette clause générale et indifférenciée n’est appliquée qu’aux salariés se trouvant en contact avec les clients ;
  • le constat de l’absence de clause de neutralité dans l’entreprise : en l’espèce qu’aucune clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail n’était prévue dans le règlement intérieur de l’entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur. Elle constate ainsi que l’interdiction faite à la salariée de porter un foulard islamique caractérisait l’existence d’une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses de l’intéressée .
  • une justification de l’employeur non recevable : la justification de l’employeur était explicitement placée sur le terrain de l’image de l’entreprise au regard de l’atteinte à sa politique commerciale, laquelle serait selon lui susceptible d’être contrariée au préjudice de l’entreprise par le port du foulard islamique par l’une de ses vendeuses. L’attente alléguée des clients sur l’apparence physique des vendeuses d’un commerce de détail d’habillement ne saurait constituer une exigence professionnelle essentielle et déterminante .

FONDEMENT JURIDIQUE

Cette décision n’est pas surprenante et confirme la position des juges de la Haute juridiction. La Cour de cassation, avait en effet déjà précisé que l’interdiction faite oralement à une salariée de porter le foulard islamique dans ses contacts avec les clients constitue une discrimination directe fondée sur les convictions religieuses dans la mesure où elle vise un signe religieux déterminé (cass. soc. 22 novembre 2017, n° 13-19855, BC V n° 200).

Seule une exigence professionnelle essentielle et déterminante peut justifier une telle différence de traitement (art. L. 1133-1 du Code du travail et directive 2000/78 du 27 novembre 2000, 4 § 1 ; CJUE, 14 mars 2017, aff. C-188/15).

DROITS EN ACTIONS

Aux défenseurs syndicaux, conseillers du salariés, conseillers prud’hommes : si la restriction à la liberté religieuse n’est pas prévue par une clause régulière et discutée (avis du CSE) dans le règlement intérieur, en aucun cas, l’image de l’entreprise doit justifier l’interdiction du port du voile des salariées.

La Cour de cassation nous démontre une fois de plus que le règlement intérieur encadre le pouvoir disciplinaire et de direction de l’employeur.

Ce qui ne signifie que les règlements intérieurs feront demain l’objet de contestations sur le bien fondé des restrictions de droits et l’obligation de se "dévoiler"... Ce n’est donc que partie remise...

Cass. soc. 14 avril 2021, n° 19-24079 FSP
https://www.courdecassation.fr/juri...

Service Juridique - SECTEUR JURIDIQUE NATIONAL UNSA, BAGNOLET

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Sophie RIOLLET, auteure, Juriste, Service juridique

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