Le numérique à l’épreuve du confinement
Dans le confinement actuel, les outils numériques occupent une place importante (télétravail, classe virtuelle...). Mais nombre de Français, notamment les plus précaires, sont isolés du numérique. Pour l’UNSA, la numérisation de l’économie et la dématérialisation de l’administration nécessitent infrastructures, équipements, contenus compréhensibles et compétences.
La fracture numérique recouvre plusieurs réalités - la qualité de nos infrastructures technologiques, l’accessibilité aux réseaux mais aussi à celle des outils, la compréhension de ces outils parfois compliqués, la protection des données et des personnes - alors même que ce confinement accélère les usages numériques, comme la téléconsultation médicale fortement encouragée, et creuse encore un peu plus les inégalités économiques et sociales.
Une digitalisation de la société renforçant les inégalités et le sentiment d’exclusion
Du jour au lendemain, le télétravail, jusque-là pratique disparate selon les entreprises, est devenu une solution essentielle pour maintenir la continuité d’activité des organisations. Il permet dans beaucoup de cas d’éviter l’activité partielle et la perte de salaire.
Les différents outils (ordinateurs portables, tablettes, smartphones, connexion à distance aux réseaux d’entreprise) permettent le travail connecté au collectif de l’entreprise.
Cependant, ces nouveaux modes peuvent aussi devenir très intrusifs et porter atteinte à la santé et à la vie privée des travailleur·euses si les conditions d’utilisation n’en sont pas déterminées clairement par un accord négocié avec les organisations syndicales.
De nouveaux outils peu utilisés jusqu’à présent l’ont été massivement, tels que les outils de visioconférence, dont certains ont été pointés du doigt pour stockage de données personnelles.
Du jour au lendemain, l’école numérique s’est imposée à tous les élèves (et leurs parents) mais n’est pas sans poser problème : difficultés de connexion et disparités de débit suivant le territoire, manque d’équipement (un ordinateur par famille et pas d’imprimante), pas d’abonnement internet pour certains…
Entre 5 et 8 % des élèves ne pourraient être joints par les professeurs depuis le début du confinement, selon l’estimation donnée par le ministère de l’Éducation nationale le 31 mars dernier.
Du jour au lendemain, les démarches administratives essentielles se sont avérées encore plus inaccessibles pour toutes celles et ceux qui sont exclus ou en difficulté avec les usages du numérique.
Comment continuer à faire les déclarations nécessaires à l’octroi des prestations sociales sans l’aide apportée par les travailleurs sociaux ou les structures d’accueil ?
La peur de mal comprendre, mal répondre ou mal faire qui pourrait diminuer, voire suspendre les prestations reste entière.
À l’heure du confinement, des millions de Français ont dû faire leur déclaration d’arrêt maladie uniquement sur internet.
Les attestations de déplacement dérogatoire ne sont accessibles que sur internet…
Si communiquer avec ses proches en EHPAD ou à l’hôpital a été rendu possible par la visioconférence, et si nombre de commerçants ont réussi à survivre par la vente à distance, beaucoup de citoyens rencontrent des difficultés par manque d’équipement ou de connaissance.
Des équipements aux compétences numériques
Selon le dernier baromètre annuel du numérique (2019), les Français n’ont jamais été autant équipés. 94 % d’entre eux utilisent un téléphone mobile, 75 % possèdent un smartphone, 98 % des 18-24 ans, 78 % des Français possèdent un ordinateur.
Pourtant cette période de confinement amplifie les insuffisances constatées par une enquête récente de l’INSEE (décembre 2019) :
• 15 % de la population parmi les plus âgés, les moins diplômés et les ménages aux revenus modestes n’a jamais utilisé internet ;
• 2 % de ceux qui ont un équipement ne savent pas l’utiliser ;
• 38 % des usagers manquent d’une compétence numérique ;
• 21 % de la population de plus de 15 ans ne dispose pas de la capacité de communiquer ;
• 17 % de la population, en particulier les plus fragiles, sont touchés par l’illectronisme (illettrisme numérique).
Par ailleurs, le manque de sensibilisation aux enjeux de la société numérique est quasi généralisé.
Comprendre pourquoi il faut maîtriser ses traces laissées sur Internet, son identité numérique, protéger sa confidentialité, et être ensuite capable de le faire, sont autant d’actions dont les citoyens ne mesurent pas l’importance en matière de libertés publiques, alors même que leurs pratiques numériques ne cessent de se diversifier et de se développer, notamment pendant ce confinement.
Pour un numérique inclusif et une transition technologique et sociale
La période de confinement modifie notre relation au numérique. Ses pratiques, qui pouvaient être jusque-là secondaires, vont se développer, voire se généraliser, aussi bien dans la sphère professionnelle que personnelle. Dans cette perspective, nous ne pouvons pas laisser de côté 25 % de la population, quelle que soit l’insuffisance qui touche chacun d’eux.
L’UNSA, signataire en avril 2016 de la charte « ANLCI, Pour que le numérique profite à tous ! », défend un numérique inclusif.
L’UNSA, à l’aune de l’enquête de l’INSEE, et des préconisations de l’Union européenne, souhaite un plan massif et coordonné sur les questions numériques :
- encadrement du développement du télétravail dans les entreprises ;
- accompagnement des populations qui en sont les plus éloignées ;
- amélioration des infrastructures et des outils ;
- lutte contre l’illectronisme.