Pas d’invisibilité de la vidéosurveillance !
Une entreprise peut-elle masquer des caméras de surveillance permettant d’observer les comportements de ses salariés ? La C.N.I.L. dit non ! Des caméras ne se cachent pas dans la détection incendie. Et, n’espérez pas "l’écran de fumée"...
Dissimulation d’un système de vidéosurveillance des salariés : la CNIL garante des principes de licéité, loyauté et transparence
À propos de la décision de la C.N.I.L. du 18 septembre 2025 :
https://www.legifrance.gouv.fr/cnil...
FAITS : le 28 novembre 2023, la CNIL a été saisie d’une plainte d’un salarié du magasin « La Samaritaine » dénonçant l’installation en août 2023 de caméras dissimulées dans des faux capteurs de fumée dans les réserves du magasin.
Ces dispositifs, dotés de micros traitaient, à l’insu des salariés, des données à caractère personnel de ces derniers.
Le 18 septembre 2025, la CNIL a condamné la société la SAMARITAINE SAS, qui exploite le magasin, pour plusieurs manquements graves au R.G.P.D., malgré les justifications avancées par cette dernière : selon elle, l’objetctif était d’identifier les faiblesses de la surveillance existante et à déterminer les emplacements les plus adaptés pour de futures caméras (Cnil, délib. nº SAN-2025-008, 18 sept. 2025).
Piéger les salariés et surveillance déloyale...
Les caméras de surveillance dissimulées, un mode de preuve déloyal ! Tout enregistrement d’images ou de paroles à l’insu des salariés) constitue bien un mode de preuve illicite.
Dans notre espèce, la C.N.I.L. a relevé divers manquements au RGPD, notamment, à son article 5-1-a, en vertu duquel « les données à caractère personnel doivent être traitées de manière licite, loyale et transparente au regard de la personne concernée » , mais aussi, au "principe de responsabilité énoncé à l’article 5-2 selon lequel il appartient au responsable de traitement de démontrer le respect de ces exigences. Par ces manquement"s, la CNIL relève naturellement le caractère déloyal de la preuve
….qui peut être recevable !?
Toutefois, le caractère illicite de la preuve ne la rend plus pour autant irrecevable en justice. La CEDH considère que des circonstances particulières (telles que, par exemple, "l’existence de soupçons d’irrégularités graves commises dans l’entreprise") peuvent justifier une absence d’information préalable des salariés sur la mise en place de caméras de vidéosurveillance dans l’entreprise (CEDH, 17 oct. 2019, aff. 1874/13).
Compte tenu de cette position européenne, la chambre sociale avait consacré, en matière civile, un droit à la preuve permettant de déclarer recevable une preuve illicite (obtenue en violation de la loi ou en portant atteinte à certains droits) si, à l’issue d’une mise en balance des droits en cause, celle-ci s’avérait être indispensable au succès de la prétention de celui qui s’en prévalait et si l’atteinte qui en résultait était strictement proportionnée au but poursuivi (Cass. soc., 25 nov. 2020, n° 17-19.523).
... en raison des circonstances exceptionnelles et temporaires .
La CNIL, considérant que ce type de preuve est déloyal admet leur recevabilité « que dans des circonstances exceptionnelles et à condition de ménager un juste équilibre entre l’objectif poursuivi par le responsable de traitement et la protection de la vie privée des salariés. La conciliation proportionnée de ces objectifs implique, en principe, qu’un tel dispositif dissimulé devrait généralement rester temporaire ».
Il importe donc pour l’employeur de documenter le caractère temporaire de l’installation, dont il doit être en mesure de rendre compte à tout moment. Or, dans l’espèce, « faute pour la société d’avoir apporté un élément permettant d’attester du caractère temporaire du dispositif », le traitement de données permis par ces caméras constituait un traitement déloyal et irrecevable.
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