Plateforme R.S.E. : les ambitions du rapport : Responsabilité sociale des entreprises et objectifs de développement durable
Le constat réalisé par l’ONU à l’occasion du mi-parcours de l’Agenda 2030 est alarmant : à peine 20 % des cibles des Objectifs de Développement Durable (ODD) seront atteintes d’ici 2030 si la trajectoire actuelle est maintenue. Les ODD constituent des engagements des États mais la réalisation des ODD implique tous les acteurs économiques.
RAPPELS :
- la responsabilité sociétale des entreprises ou responsabilité sociale des entreprises désigne la prise en compte par les entreprises, sur une base volontaire, et juridique, des enjeux environnementaux, sociaux, économiques et éthiques dans leurs activités. C’est la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la société.
RSE désigne la contribution des entreprises aux enjeux du développement durable.
Une entreprise qui pratique la RSE va donc chercher à avoir un impact positif sur la société tout en étant économiquement viable.
La norme ISO 26000,
https://www.iso.org/fr/iso-26000-so...
standard international, définit le périmètre de la RSE autour de sept thématiques centrales : la gouvernance de l’organisation, les droits de l’homme, les relations et conditions de travail, l’environnement, la loyauté des pratiques, les questions relatives aux consommateurs, les communautés et le développement local.
- Les objectifs de développement durable donnent la marche à suivre pour parvenir à un avenir meilleur et plus durable pour tous. Ils répondent aux défis mondiaux auxquels l’Humanité est confrontée, notamment ceux liés à la pauvreté, aux inégalités, au climat, à la dégradation de l’environnement, à la prospérité, à la paix et à la justice. Les objectifs sont interconnectés.
Le 2 août 2015, 193 pays ont approuvé les 17 objectifs de développement durable : éradication de la pauvreté, lutte contre la faim ; accès à la santé, accès à une éducation de qualité ; égalité entre les sexes, accès à l’eau salubre et à l’assainissement, énergie propre et d’un coût abordable, accès à des emplois décents ; industrie, innovation et infrastructure, réduction des inégalités, villes et communautés durables, consommation et production responsables, lutte contre les changements climatiques, vie aquatique, vie terrestre, justice et paix, partenariats pour la réalisation des objectifs (*) .
(*) « Open Working Group proposal for Sustainable Development Goals [archive] », sur UN Sustainable Development Knowledge Platform (consulté le 1er mai 2015).
(en) « Consensus Reached on New Sustainable Development Agenda to be adopted by World Leaders in September [archive] » (consulté le 5 août 2015).
https://www.un.org/sustainabledevel...
POSITIONS DE LA "PLATEFORME R.S.E." :
Le rapport se décompose en deux parties :
1 - L’ÉTAT DES LIEUX À MI-PARCOURS DE L’AGENDA 2030 :
Il en ressort que 41 % des Français ont déjà entendu parler des objectifs de développement durable des Nations unies, dont 12 % voyant précisément de quoi il s’agit. Une très large majorité estime que les pouvoirs publics doivent agir davantage pour lutter contre le changement climatique (88 %) ainsi que contre les inégalités sociales dans le monde (86 %).
La prise en compte des ODD relève de démarches d’engagement des entreprises au sein des stratégies RSE. Que ce soit par des obligations en matière ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance) et un engagement volontaire en faveur des ODD.
Au niveau international, un projet en cours d’élaboration prévoit deux textes, traités séparément :
- la norme ISO 53 001, document comportant des exigences (Requirements), avec pour objectif, à terme, de permettre la mise en place d’un mécanisme de reconnaissance avec une certification ; la phase d’élaboration devrait se clôturer fin 2025.
- le document ISO 53 002, comportant des lignes directrices (Guidelines).
Le projet en cours d’élaboration d’une norme de système de management durable – ISO 53 001 – pourrait constituer une réponse au besoin d’une normalisation universelle des ODD destinée aux entreprises.
Ce projet viendrait compléter la norme ISO 26 000 axée sur une démarche RSE.
Selon un rapport dit « Provendier », les ODD peuvent constituer « un avantage compétitif sur des marchés existants, qui de manière croissante confèrent plus de valeur au développement durable », mais également « l’opportunité d’identifier et de développer de nouveaux marchés ».
Une étude internationale réalisée en 2015 montre que deux tiers des consommateurs répondants (mais seulement 51 % en Europe et 44 % en France) sont disposés à payer plus cher des produits d’entreprises engagées dans le développement durable (73 % des 21-34 ans de cet échantillon international).
Une autre étude de 2012 montre que 70 % des consommateurs sont disposés à payer 5 % plus cher un produit « plus écologique » (dans des secteurs tels que l’automobile, le bâtiment, l’électronique, l’ameublement et le conditionnement) seulement si ce produit offre le même niveau de performance technique que l’équivalent « moins écologique ».
Chez les PME, la conviction personnelle du dirigeant est un des principaux moteurs d’engagement en faveur des ODD.
Il y a deux types d’ODD :
- les ODD priorisés par les entreprises :
International : mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques, travail décent et croissance économique, consommation et production responsable, égalité entre les sexes, bonne santé et bien-être.
Les entreprises internationales contribuent positivement aux ODD éducation de qualité, énergie propre et d’un coût abordable, travail décent et croissance économique, industrie, innovation et infrastructure et villes et communautés durables.
France : mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques, consommation et production responsable, bonne santé et bien-être, travail décent et croissance économique, puis égalité entre les sexes.
- les ODD omis par les entreprises :
International : les entreprises internationales ont un impact négatif sur les ODD eau propre et assainissement, consommation et production responsables, mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques, vie aquatique et vie terrestre.
France : il s’agit des ODD pas de pauvreté, zéro faim, eau propre et assainissement, vie aquatique, paix, justice et institutions efficaces.
2 - FREINS ET LEVIERS À L’INTÉGRATION DES ODD AU SEIN DES STRATÉGIES DES ENTREPRISES
FREINS :
- la nécessité d’une meilleure articulation entre ODD et politiques publiques
Malgré des évolutions positives dans le cadre législatif européen et français (la loi Climat et Résilience 2021, loi AGEC 2020, l’article 61 de la loi Pacte 2019, la loi relative à l’énergie et au climat 2019 et la loi pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes 2018), les ODD n’apparaissent pas au sein de ces différentes lois et règlements.
Il est pointé un portage politique inégal selon les administrations, et il est attendu de la puissance publique (État, collectivités territoriales, etc.) par l’animation politique et la planification de long terme.
- la nécessité d’une meilleure intégration des enjeux RSE et ODD au sein des programmes d’enseignement.
Développement des ODD dans l’enseignement secondaire et nécessité de généraliser l’enseignement des ODD et de la RSE dans l’enseignement supérieur.
Trois axes : renforcer l’enseignement pratiqué dans les filières formant les futurs professionnels du développement durable et de la RSE, étendre cette démarche à l’ensemble des programmes universitaires pour former les étudiants qui se dirigent vers des secteurs autres que le développement durable et la RSE, et l’orientation des recherches effectuées qui peuvent influencer la société sur toutes les dimensions du développement durable.
- la nécessité d’une meilleure prise en compte des ODD par les instances décisionnelles entrepreneuriales.
Que ce soit dans le processus décisionnel, et au plus haut niveau de gouvernance de l’entreprise, les ODD doivent apparaître comme levier de transformation stratégique au sein de l’entreprise (reconnaissance sociale du travail effectué (salaires décents, effectifs adéquats, management RH, etc.) ainsi que le respect des droits reconnus (IRP, etc.) et de la négociation sociale), ce qui risque de créer de nouvelles obligations du conseil en matière de durabilité.
- la nécessité d’une meilleure connaissance de la contribution des stratégies RSE aux ODD. Quelle soit positive ou négative.
- la nécessité d’une meilleure mobilisation des ressources internes aux entreprises. Car il y a en général un manque de moyens humains dédiés à la RSE, des faibles budgets alloués et une méconnaissance des dispositifs de soutien disponibles
Face à tous ces freins, des leviers peuvent être mobilisés :
- Premier levier : le dialogue social
- Deuxième levier : les secteurs d’activité et le rôle des fédérations professionnelles.
La dimension sectorielle des ODD est la première étape à l’appropriation de ceux-ci, en particulier pour les PME.
Exemple : l’association UEE propose ainsi à ses membres deux démarches d’amélioration continue : Cap environnement, spécifique aux industries extractives. La démarche repose sur un référentiel de progrès environnemental. Puis le label RSE UEE, proposé aux industries extractives et aux producteurs de bétons.
Les interactions entre les ODD jouent aussi un rôle important.
Exemple : l’ODD 12 « Consommation et production responsables » invite les producteurs, les consommateurs, les communautés et les gouvernements à réfléchir sur leurs habitudes et usages en termes de consommation, de production de déchets, à l’impact environnemental et social de l’ensemble de la chaîne de valeur des produits.
- troisième levier : la déclinaison territoriale des ODD
Les objectifs de la territorialisation sont notamment de partager une vision commune, mobiliser les acteurs, servir de cadre pour les projets territoriaux de développement durable et développer des actions transversales et coordonnées, à multiples échelles, ou encore l’intégration des ODD dans le budget des collectivités territoriales.
- quatrième levier : la mobilisation des financements
Car le déficit d’investissement dans les ODD s’accentue malgré la croissance de la finance durable. Par des investissements privés et publics.
- cinquième levier : la formation initiale et continue : levier de transformation et de sensibilisation
Avec la nécessité de les adapter, aujourd’hui pour répondre aux défis de demain, avec une approche systémique de la formation et la formation aux nouvelles technologies et à l’Intelligence Artificielle (IA) en faveur.
En conclusion au niveau des recommandations :
La Plateforme RSE recommande à l’ensemble des acteurs :
- d’adopter les ODD comme une boussole commune dans leurs rapports, de se les approprier pour en faire un outil de langage commun ;
- de toujours considérer les ODD au nombre de 17 comme un ensemble interconnecté, avec leurs 169 cibles et 244 indicateurs mondiaux (dimension holistique des ODD) ;
- de considérer l’atteinte des ODD comme une réponse à l’urgence d’une transition juste et à la mise en œuvre des Accords de Paris et de l’Agenda 2030.
Sur "mesurer, évaluer et suivre" :
La Plateforme RSE recommande au gouvernement :
- d’établir une cohérence avec les indicateurs de reporting obligatoires existants, notamment ceux définis dans le cadre de la directive CSRD, cela afin de disposer d’une même batterie d’indicateurs sur la durée ; de travailler avec les parties prenantes à ce que les indicateurs ODD de l’Insee permettent de mieux apprécier et évaluer les contributions réelles des entreprises aux ODD ; de réaliser une évaluation annuelle de l’évolution des impacts ODD au niveau des entreprises par un organisme de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
RECOMMANDATIONS :
La Plateforme RSE recommande aux entreprises :
- de prendre en compte les impacts tant positifs que négatifs de leur activité sur les ODD (de type analyses de matérialité) lorsqu’elles définissent leurs priorités et stratégies d’action en matière de durabilité ;
- de préciser et publier les critères/indicateurs pertinents et évaluables en rapport avec les cibles ODD sur lesquels elles s’engagent dans la durée.
Sur financer :
Au gouvernement :
- de poursuivre ses actions majeures engagées par la France dans le cadre de la réforme de l’architecture financière mondiale et de mobiliser davantage les fonds privés conformément à la cible 17 de l’ODD 17 ;
- de veiller à mieux orienter les financements et achats publics vers les entreprises dont les actions contribuent de façon attestée à la réalisation des ODD.
Sur sectoriser, former et accompagner :
- de mettre en cohérence les programmes d’enseignement avec les enjeux de la RSE et des ODD ; pour ce faire, de s’appuyer sur la recherche publique. La Plateforme RSE recommande aux fédérations professionnelles :
- d’intégrer dans la formation professionnelle le développement des compétences nécessaires à la mise en œuvre des actions RSE en cohérence avec les ODD ;
- d’accompagner les entreprises par la déclinaison et l’intégration des cibles et indicateurs ODD dans leur stratégie, tout en prenant en compte la dimension holistique des ODD ; de mettre en place un accompagnement spécifique pour les TPE et PME afin de rendre les ODD plus opérationnels.
Sur mobiliser et fédérer aux différentes échelles :
La Plateforme RSE recommande aux partenaires sociaux :
- d’accélérer l’intégration des ODD, de leurs cibles et indicateurs associés, dans les négociations d’accords de branche et d’accords-cadres transnationaux.
La Plateforme RSE recommande aux collectivités territoriales : - de fédérer l’ensemble des acteurs locaux autour des ODD, y compris les entreprises ; d’orienter, renforcer et dynamiser les projets territoriaux de développement durable par les ODD afin de créer un effet d’entraînement sur les territoires.
La Plateforme RSE recommande aux entreprises :
- d’utiliser leur rôle d’acteur de la chaîne de valeur et leur sphère d’influence comme levier pour l’intégration de cibles relevant des ODD dans leurs modèles d’affaires afin d’entraîner et d’accompagner leurs partenaires, notamment en prenant en compte les difficultés des TPE et PME.
La Plateforme RSE recommande au gouvernement :
- d’intégrer les ODD à la planification écologique, nationale et territoriale, pour que les cibles relevant des ODD puissent apporter plus de cohérence à l’action publique, et puissent orienter et stabiliser les stratégies d’avenir des entreprises, y compris en matière d’investissements, notamment sur leur Recherche et Développement.
Louis BERVICK, Juriste, Secteur Juridique National UNSA
juridique@unsa.org