Retraite progressive pour les forfaits jours en 2022...


https://www.unsa.org/1860

En privant les salariés en forfait jours de toute possibilité d’accès à la retraite progressive, quel que soit le nombre de jours travaillés dans l’année, les dispositions contestées instituent une différence de traitement contraire au principe d’égalité (constitutionnel) entre les salariés.

DECISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL, QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Décision n° 2020-885 QPC du 26 février 2021

° FAITS

La Cour de cassation avait établi en 2016 que le bénéfice de la retraite progressive prévue par la loi n’était pas ouvert à l’assuré soumis à une convention de forfait en jours. Ce dispositif est subordonné à la justification de l’exercice d’une activité dont la durée, exprimée en heures, est inférieure à la durée normale du travail (Cass. civ. 2-3/11/2016, n° 15-26.275). Le forfait annuel inférieur à 218 jours, n’est pas du « temps partiel » (également : Cass. soc., 27 mars 2019, n° 16-23.800).

Le Conseil constitutionnel, saisi d’une QPC, qualifie cette position d’inconstitutionnelle, contraire au principe constitutionnel d’égalité des salariés devant la loi.

° QUESTIONS

Parce que la loi peut être incomplète, comporter des vides juridiques, un salarié peut-il être exclu de droits à préretraite progressive parce que le régime du temps de travail salarié prévu par la loi ne le lui permet pas techniquement  ?

° ECLAIRAGES

Tout l’intérêt et l’opérationnalité de la question prioritaire de constitutionnalité dans la défense et l’évolution des droits…

A l’heure, où les juristes, constatent, au fil des réformes, les lacunes et imperfections des textes légaux et règlementaires, la QPC devient un outil majeur d’amendements (certains la nomme la "voiture balai" de la République) et de progrès du Droit, pour les défenseurs syndicaux, les avocats et les conseillers du salarié… Le justiciable dans une procédure de jugement, par une QPC, intervient donc plus ou moins directement dans l’évolution même des règles qu’on cherche à lui appliquer… Belle victoire, belles opportunités pour l’UNSA…

° FONDEMENTS JURIDIQUES

La question prioritaire de constitutionnalité (QPC) est, en droit français, une procédure de contrôle de constitutionnalité sur les lois déjà promulguées (dit « contrôle de constitutionnalité a posteriori »). La QPC permet à tout justiciable de contester la constitutionnalité d’une disposition législative, dans le procès, devant une juridiction administrative ou judiciaire, si un texte porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution lui garantit (loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009).

Le principe d’égalité devant la loi de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 met à mal l’incomplétude de l’article L. 351-15 du code de la sécurité sociale sur lequel se fondait les juges pour exclure le titulaire du forfait jours de la préretraite progressive.

Le forfait jours ne peut légalement, dans les textes (ce n’est pas prévu) être mis en œuvre « à temps partiel ». Lorsque les forfaits font moins des 210 jours annuels (parfois beaucoup moins), la loi et la jurisprudence ne traitent pas juridiquement ces forfaits comme des « temps partiels ». Les juges en l’absence de règles prévues pour les salariés en forfait jours ne pouvaient, en application stricte de la loi, qu’exclure le bénéfice d’une préretraite progressive, dès lors que les conditions du passage d’une préretraite à temps partiel à une retraite à temps plein n’était pas prévu dans les textes (L. 3123-1 du C. trav. ne s’appliquant qu’aux salariés à temps partiel soumis à un décompte d’heures travaillées). Mais, il était créé une inégalité entre justiciables devant la loi, ouvrant à certains des droits à une retraite progressive que ces mêmes juges refusaient à d’autres. En instaurant la retraite progressive, le législateur avait entendu permettre aux travailleurs exerçant une activité réduite de bénéficier d’une fraction de leur pension de retraite en vue d’organiser la cessation graduelle de leur activité…

° TEMPERAMENTS DE DROIT

  • Une logique de jugement en « équité », source de droits, qui peut être très relative d’une question de droit à une autre ;
  • les textes de loi et les règlements s’appliquent strictement ;
  • le délai mis pour « valoir ce que de droit » (qu’en 2022) et la non rétroactivité de la décision du conseil constitutionnel.
  • Le régime du forfait annuel en jours, déjà fortement bousculé depuis sa création (entretien vie personnelle/vie professionnelle, démonstration du temps réellement travaillé, autonomie d’organisation des temps restreinte, requalification et exclusion de salariés du régime, traitements des proratas en paies sans règles précises, etc.) sera-t-il lui-même réformé en raison des contentieux générés par ses imprécisions règlementaires ?
  • Au-delà du principe, quelle organisation de la retraite progressive pour un salarié en forfait jours ou sans référence d’heures et de jours (forfaits « tous horaires » des cadres dirigeants salariés) ? A suivre…

° DROIT EN ACTIONS

  • Sensibiliser les négociateurs des accords collectifs de branches, de secteurs ou d’entreprise à veiller, à ne pas faire perdre des droits constitutionnels aux salariés tributaires de modalités différentes d’organisations de leur contrat de travail.
  • Vérifier à chaque fois, en application d’une règle, si celle-ci ne s’oppose pas au bon sens, s’il n’y aurait pas une inégalité de traitement, de « plein droit » et inconstitutionnelle. Vérifier les analogies d’application du droit et s’interroger si le justiciable ne pourrait finalement pas également en bénéficier, même si le droit est d’application stricte, parce que ce droit exclurait injustement...
  • La QPC, sésame et panacée de l’équité et d’une égalité de traitement des salariés ? Pas sûr... Attention aux conditions et à l’exigence d’un texte de droit dont le champ d’application est contestable ou lacunaire...

https://www.conseil-constitutionnel...

Service Juridique - SECTEUR JURIDIQUE NATIONAL UNSA,BAGNOLET.

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Pour cette veille, auteur, Christian HERGES, Responsable Juridique

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