Salarié protégé : régulariser une demande d’autorisation administrative de licenciement formulée par une personne n’ayant pas qualité


https://www.unsa.org/3306

La représentation des salariés dans l’entreprise, principe fondamental de notre droit du travail est garanti par un "statut protecteur" des salariés investis d’une fonction ou d’un mandat.
Il s’agit d’assurer l’indépendance de la mission de représentation.
Dès lors, le licenciement d’un salarié protégé ne peut se concrétiser sans l’autorisation de l’inspecteur du travail.
La jurisprudence du Conseil d’Etat fait évoluer ces garanties...

CONSEIL D’ETAT ET STATUT PROTECTEUR DES MEMBRES DU CSE ET DES DÉLÉGUÉS SYNDICAUX

A propos de la décision du Conseil d’Etat en date du 3 avril 2024, n° 470440.

Selon une étude de la DARES de mars 2017, le nombre de demandes d’autorisation de licenciements et de ruptures conventionnelles des contrats de salariés protégés étaient d’environ 20 000 en 2014, dont 13 100 demandes de licenciement. En moyenne, à cette période, plus des trois-quarts des demandes de licenciement étaient autorisées l’inspection du travail.

La jurisprudence continue de préciser les contours du régime de l’autorisation de licenciement des salariés protégés, afin d’éclaircir la procédure et les moyens de l’assurer.

En bref...

Dans cette décision du 3 avril 2024 n° 470440, le Conseil d’État admet qu’il est possible de régulariser une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé, lorsque cette demande a été formulée par une personne n’ayant pas qualité pour la réaliser.

° CONTEXTE DE LA SAISINE

Un salarié protégé, en qualité de cadre, s’est vu licencié pour faute par l’association Ligue de Bretagne de Football, après l’autorisation de licenciement de l’inspectrice du travail.

Le salarié conteste cette décision de l’inspectrice du travail par la saisine du juge administratif, en demandant l’annulation de l’autorisation de l’inspectrice du travail, notamment en arguant que la demande avait été faite par le directeur général de l’association qui n’avait pas la qualité pour l’effectuer.

° L’ANALYSE DU CONSEIL D’ÉTAT

Le Conseil d’État confirme l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes, en rejetant le pourvoi de l’association Ligue de Bretagne de Football, donnant ainsi gain de cause au salarié.

Il rappelle que le licenciement d’un salarié protégé ne peut intervenir que sur autorisation de l’inspecteur du travail. Ce licenciement ne doit pas être en lien avec les fonctions représentatives du salarié, ni avec son appartenance syndicale. L’inspecteur du travail doit vérifier, dans le cadre d’un motif disciplinaire, si les faits reprochés au salarié présentent une gravité suffisante pour justifier le licenciement.

Lors de ce contrôle, l’inspecteur du travail doit s’assurer que la qualité de l’auteur de la demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé est l’employeur ou une personne ayant qualité pour agir en son nom et habilitée à mettre en œuvre la procédure de licenciement.

Si une personne n’ayant pas la qualité pour demander une telle autorisation la demande quand même, cette dernière pourra être régularisée au cours de son instruction, avant que l’inspecteur ne statue. Il faudra alors produire tout acte ou document donnant pouvoir au signataire de la demande d’autorisation pour mettre en œuvre la procédure en cause.

En l’espèce, la demande d’autorisation de licencier le salarié protégé a été formulée par le directeur général de l’association, personne n’ayant pas la qualité afin d’effectuer cette demande, car il n’avait pas le pouvoir d’engager une procédure disciplinaire tendant au licenciement d’un salarié. Lors de l’instruction, l’association Ligue de Bretagne de Football n’a pas rapporté de document, qui donnait ce pouvoir à l’auteur de la demande.

Dès lors, l’inspectrice du travail a, à bon droit, décidé de ne pas autoriser le licenciement du salarié, puisque la demande d’autorisation de licenciement n’avait pas été régularisée avant qu’elle ne statue.

Le Conseil d’État conclut que l’association Ligue de Bretagne de Football n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes, qu’elle attaque, qui valide la décision de l’inspectrice du travail.

° ÉCLAIRAGES

Le Conseil d’État souligne que l’inspecteur du travail doit bien vérifier la qualité de l’auteur de la demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé, qui peut être soit l’employeur ou une personne ayant qualité pour agir en son nom et habilitée à mettre en œuvre la procédure de licenciement.

Le Conseil d’État déclare que si la saisine de l’inspecteur du travail d’une demande d’autorisation de licencier un salarié protégé est faite par une personne n’ayant pas qualité à agir, il est possible de régulariser de manière rétroactive cette demande au cours de l’instruction avant que l’inspecteur ne statue.

Cependant, si la régularisation n’est pas effectuée, l’inspecteur du travail n’autorisera pas le licenciement du salarié protégé.

Cette possibilité de régularisation a été également émise, dans une décision du Conseil d’État du même jour, n°465582, qui concernait la qualité de signataire pour le compte de l’employeur d’un accord collectif majoritaire portant plan de sauvegarde de l’emploi. Il est ainsi possible de régulariser cette condition avec effet rétroactif, par la voie d’une ratification expresse ou tacite de cet accord par l’organe habilité et ce, même si la ratification intervient postérieurement à la décision de l’autorité administrative validant l’accord, sauf règles statutaires de la personne morale employeur contraires.

° DROIT EN ACTIONS

Le salarié protégé, à qui il est notifié l’autorisation de licenciement par l’inspecteur du travail, peut contester cette décision. En effet, cette décision de l’inspecteur du travail peut faire l’objet d’un recours administratif, engagé dans un délai de deux mois à compter de cette décision.

Tout d’abord, la contestation peut prendre la forme d’un recours gracieux ou bien d’un recours hiérarchique auprès du ministre en charge du Travail.
Le recours contentieux reste possible par la saisine du tribunal administratif.
Il est autorisé de former concomitamment ou successivement un recours gracieux et un recours contentieux, dans le respect des délais de prescription.

Auteure, Jade EL MARBOUH, Pôle Service Juridique, Secteur Juridique National UNSA.

Pour toute information, juridique@unsa.org

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