Temps partiel subi : agir pour réduire la précarité de l’emploi

Fin mai, le séminaire « Politiques de l’emploi » organisé au ministère de l’Économie et des Finances traitait du temps partiel subi. Face à un phénomène encore massif et afin de réduire cette forme de précarité de l’emploi, l’UNSA suggère de nouvelles mesures.
En 2023, 17,4 % des salarié·es en France travaillaient à temps partiel, soit 4,2 millions de personnes [1] . Leur part a été multipliée par 2,5 depuis 1975 en raison du développement du secteur tertiaire, de la hausse de la participation des femmes au marché du travail ainsi que de politiques publiques spécifiques. Un abattement sur les cotisations sociales patronales des salariés à temps partiel en CDI a notamment été mis en place dans les années 1990.
Plus récemment, l’amélioration de la situation sur le marché du travail et la diminution des contrats aidés depuis 2017 ont abaissé de 3 points la part du temps partiel dans l’emploi total.
Le temps partiel subi : un phénomène qui ne peut être négligé
Malgré cette augmentation, le temps partiel en France est moins développé que dans d’autres pays de l’Union européenne (UE). Ainsi, la part du temps partiel dans l’emploi atteint 30,2 % en Allemagne et 43,7 % au Pays-Bas.
Cependant, comme le rappelle l’IGAS dans son récent rapport sur le sujet, le taux de temps partiel subi ou contraint en France est plus élevé que la moyenne de l’UE ou de la zone euro. 24,4 % des salarié·es à temps partiel sont à temps partiel contraint, soit plus d’1 million de personnes, un chiffre probablement sous-estimé. En effet, les personnes qui déclarent être à temps partiel pour s’occuper d’un enfant ou d’un proche ou en raison de difficultés de santé ou de handicap ne sont pas considérées comme étant en temps partiel contraint ou en sous-emploi, alors qu’elles aspirent à travailler davantage dans l’absolu.
Une forme de précarité de l’emploi
Le temps partiel touche prioritairement les femmes - 77,9 % des personnes à temps partiel sont des femmes et 26,6 % d’entre elles sont à temps partiel - les employé·es, les travailleur·ses immigré·es, rémunéré·es au SMIC et travaillant dans des petites entreprises.
Ils·elles sont plus souvent exposé·es à des conditions de travail précaires, à des horaires fragmentés et variables, à des rémunérations plus faibles et à un risque accru de pauvreté. En effet, le taux de pauvreté monétaire des salarié·es à temps partiel était trois fois supérieur à celui des salarié·es à temps complet : 15,7 % pour les premiers en 2021 contre 5,2% pour les seconds. Ils·elles ont également un moindre accès à la formation professionnelle. Les formations qu’ils·elles peuvent effectuer servent avant tout à l’adaptation au poste de travail et non à l’acquisition d’une qualification susceptible d’ouvrir des perspectives de promotion professionnelle et sociale (IGAS, 2024).
Le bilan des mesures de la loi de 2013
L’Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, repris dans la loi de sécurisation professionnelle de la même année, a notamment instauré des droits rechargeables pour les demandeur.ses d’emploi, une couverture santé pour tous.tes les salarié·es ainsi que la création du Compte personnel de formation (CPF) et du Conseil en évolution professionnelle (CEP).
Concernant le temps partiel, la loi de 2013 prévoit qu’en l’absence d’accord de branche étendu, la durée minimale pour un contrat à temps partiel est de 24 heures par semaine ainsi que la majoration de toute heure complémentaire [2] .
Au total, sur la période 2013-2023, ce sont 117 accords de branche étendus qui ont été conclus sur le temps partiel, dont 73 ont fixé une durée minimale conventionnelle inférieure à 24 h/semaine. 53 branches ont conclu un accord avec une durée plancher inférieure ou égale à 16 heures/semaine [3] .
Selon les auteurs du rapport de l’IGAS, s’agissant des heures complémentaires, les accords de branche sont parfois moins favorables que la loi, parfois plus, mais sont dans l’ensemble peu favorables aux salarié·es à temps partiel.
Sur la période 2013-2023, les mesures législatives de 2013 et conventionnelles qui ont suivi n’ont pas eu d’effet sur la réduction du temps partiel subi. La durée moyenne de temps partiel pour l’emploi principal, de 23 heures, n’a quasiment pas évolué depuis 2013. Par ailleurs, Il n’y a pas eu d’amélioration générale significative des conditions d’emploi et de travail sur la période pour les travailleur·ses à temps partiel.
Remettre la problématique du temps partiel subi à l’agenda
Si l’ANI et la loi de 2013 ont représenté une avancée dans le traitement du temps partiel subi, le problème n’a pas été résorbé pour autant. Pour l’UNSA, il convient donc de remettre rapidement ce sujet à l’ordre du jour législatif et des négociations paritaires, notamment conventionnelles.
L’UNSA revendique notamment des garanties et contreparties supplémentaires pour les travailleur·ses à temps partiel et en horaires fragmentées :
● Une bonification minimale de 10 % pour les compléments d’heures [4] ;
● Une majoration plus importante des heures complémentaires ;
● Une majoration salariale à partir d’une deuxième coupure journalière ;
● Une rémunération pour les temps de trajet entre plusieurs interventions.
Pour l’UNSA, il convient également d’interroger le rôle des donneur.euses d’ordre, publics et privés, concernant la sous-traitance, notamment dans les secteurs de la propreté et de l’entretien où le temps partiel subi et la fragmentation des horaires de travail sont importants.
Enfin, il importe de mobiliser davantage les politiques d’emploi et de formation professionnelle à destination des salarié·es à temps partiel, notamment contraint, et d’adapter l’offre de formation aux caractéristiques et aux contraintes de ces salarié·es.
Le temps partiel subi n’est pas une fatalité et nécessite une action résolue. La lutte contre la précarité de l’emploi reste un combat essentiel de l’UNSA.
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