Touche pas à ma rémunération ou modifie mon contrat !
La structure de la rémunération modifiée par accord collectif nécessite l’accord du salarié. Elle ne peut s’imposer à ce dernier sans son accord écrit.
Qui touche à la "structure" et à la composition des éléments d’une rémunération, touche au contrat...
JURISPRUDENCE SOCIALE
Cass. soc., 15 sept. 2021, n° 19-15.732 FS-B
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QUESTIONS DE DROITS
En l’espèce, un salarié avait été embauché en CDI, le 1er mai 2003, par une chaîne publique de télévision. Il percevait en contrepartie une rémunération forfaitaire sans prime ni indemnité.
Le 28 mai 2013, un accord collectif est conclu dont la transposition est rétroactive au 1er janvier 2013.
En vertu de cet accord, la rémunération du salarié est divisée en un salaire de base dont le taux est diminué pour y intégrer une prime d’ancienneté. Un avenant est transmis au salarié pour l’informer de ce changement.
Le salarié conteste l’avenant et saisit le conseil de prud’hommes en vue de constater que son employeur lui impose, sans son accord, une nouvelle structure pour sa rémunération. Il réclame des rappels de salaire et sa prime d’ancienneté prévue initialement.
Les juges du fond ainsi que la cour d’appel accèdent aux demandes du salarié.
L’employeur forme un pourvoi en cassation. L’entreprise conteste l’argument du salarié indiquant que la structure de la rémunération n’est pas fixée par le contrat de travail et qu’elle peut être modifiée sans l’accord du salarié.
Sur quel fondement juridique la structure de la rémunération du salarié prévue par accord nécessite l’accord de ce dernier ?
ÉCLAIRAGES
La Cour de cassation constate que le contrat de travail, ses avenants ainsi que des bulletins de salaires établis avant l’application de l’accord collectif déterminent une rémunération brute mensuelle du salarié (la rémunération de base fixée de façon forfaitaire hors primes ou indemnités). À compter de cet accord, cette rémunération a été scindée en un salaire de base dont le taux était diminué pour y ajouter et intégrer la prime d’ancienneté. Le mode de rémunération contractuelle de l’intéressé avait été ainsi modifié dans sa structure sans son accord.
Les juges de la Haute juridiction rejette le pourvoi et confirme que, sauf disposition légale contraire, un accord collectif ne peut permettre à un employeur de procéder à la modification du contrat de travail sans recueillir l’accord exprès du salarié.
FONDEMENT JURIDIQUE
Cette décision confirme la jurisprudence constante en matière de rémunération (Cass. soc., 10 févr. 2016, n° 14-26.147 ; Cass. soc., 14 sept. 2016, n°15-21.794).
Pour rappel, la rémunération est un élément essentiel du contrat de travail qui ne peut pas être modifié, ni dans son montant ni dans sa structure, sans l’accord du salarié, même si la modification est plus avantageuse pour lui. L’acceptation d’une modification de la rémunération ne peut résulter de la seule poursuite, par le salarié, de son travail (Cass. soc., 16 nov. 2005, n° 03-47.560) : son accord exprès est nécessaire.
DROITS EN ACTIONS
Toutes les mesures issues d’un accord collectif ne s’imposent pas toujours de plein droit aux salariés. Ceux-ci ont signés un contrat de travail individuel, qui a fixé l’étendue de leurs droits et leurs obligations. Ce qu’un engagement exprès a fixé dans le "marbre" seul un nouvel écrit peut le défaire. Cette décision l’illustre pour la structure de la rémunération, mais aussi, de manière générale pour l’ensemble des éléments de la composition ou des modalités de rémunération.
L’employeur le sait bien et n’ignore pas qu’en cas d’avenants, il peut se heurter à un ou plusieurs refus qui pourraient le faire reculer sur la mise en place de certaines réformes, même négociées collectivement.
Seul l’accord de performance collective s’impose au salarié puisque « les stipulations de l’accord se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail », y compris lorsque celles-ci sont moins favorables pour le salarié (art. L. 2254-2 du Code du travail).
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