Une enquête pour harcèlement morale "recommandée" mais facultative !?
Cette jurisprudence récente de la Cour de Cassation interroge...
JURISPRUDENCE SOCIALE DE L’ENQUÊTE "HARCÈLEMENT MORAL"
De mieux en pire ?
A propos de Cass. soc. 12 juin 2024, n° 23-13.975, B+L, ci-joint
° LES TEXTES DE LOI...
L’article L. 4121-1 du Code du travail prévoit une obligation générale de l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés.
De même, l’article L. 1152-4 du même code prévoit que l’employeur est tenu de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
L’article 4 de l’Accord National Interprofessionnel du 26 mars 2010 relatif au harcèlement et à la violence au travail préconise la mise en place d’une enquête interne.
Ainsi, l’enquête matérialise les faits dénoncés, ce qui permet à l’employeur, seul responsable, de prendre les mesures appropriées dans le but de faire cesser ces faits graves.
L’employeur peut tenter de démontrer qu’il a satisfait à son obligation de sécurité. Il peut s’agir pour lui d’un véritable moyen de preuve.
De fait les entreprises utilisent largement le pouvoir d’enquête, aussi parce que cette procédure, sous le motif d’un harcèlement permet de recueillir des éléments également à charge et parfois à des fins toutes autres que de faire cesser un harcèlement...
L’arrêt d’espèce...
Dans ces lignées, intervient cet arrêt de la Chambre sociale de la Cour de Cassation.
FAITS : une salariée en arrêt maladie et ayant repris son travail en temps partiel thérapeutique a fait l’objet d’un licenciement pour faute grave. Elle a saisi la justice en contestation de la rupture de son contrat et en vue de solliciter le paiement de diverses sommes salariales et indemnitaires.
Le licenciement a été déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse et elle avait également formulé une demande de dommages intérêts au titre du manquement à l’obligation de sécurité.
Cette salariée a donc fait appel au directeur général, auquel elle était hiérarchiquement rattachée directement, au sujet des différends l’opposant à une collègue du même niveau hiérarchique en dénonçant des agissements de harcèlement moral...
Les juges du fond ont considéré que l’employeur avait pris les mesures suffisantes de nature à préserver la santé et la sécurité de la salariée.
La Cour d’appel a pu en déduire, nonobstant l’absence d’enquête interne, que l’employeur n’avait pas manqué à son obligation de sécurité.
Et, la haute juridiction ?
La chambre sociale de la Cour de cassation a également confirmé qu’à la suite d’une dénonciation de harcèlement moral, dès lors que l’employeur a pris les mesures suffisantes de nature à préserver la santé et la sécurité de l’auteur de la dénonciation, l’absence d’enquête interne n’est pas synonyme de manquement à l’obligation de sécurité.
° Droit en actions...
Il convient de rappeler que cette jurisprudence ne s’applique pas à tous les cas, la mise en place d’une enquête demeure une obligation légale dans certains cas spécifiques (droit d’alerte du CSE) et reste tout de même plus que recommandée dans la plupart des situations (harcèlements, discriminations).
Ainsi, il convient d’analyser les situations individuellement notamment en recherchant les mesures mises en place par l’employeur dans le cadre du respect de son obligation de sécurité.
Il serait de surcroît maladroit de tirer trop de conclusions générales de cette décision adaptée aux faits visés. Les juges du fond avaient apprécié le comportement de l’employeur et la salariée ne les avait pas convaincue de la possibilité de constater ce harcèlement.
Cela reste une incrimination d’application relative et sujette à interprétation.
Enfin, dans ce cas, l’enquête n’avait pas eu lieu et n’était pas engagée. Il serait plus difficile à un employeur d’obtenir qu’une enquête débutée ne soit pas regardée et considérée dans le jugement à prendre.
Le point de vigilance est donc toujours le même : essayer pour la salariée de se constituer des éléments de preuves, recueillir des témoignages...
Imane OURIEMMI-LOURIMI, Juriste en Droit social, Pôle Service Juridique, Secteur Juridique National UNSA.
Comme toujours, pour vos questions : juridique@unsa.org et tpe@unsa.org