Validation du ’Paquet mobilité’ par la Cour de Justice de l’Union Européenne : le volet social du marché intérieur "renforcé"...


https://www.unsa.org/3706

Dans une affaire portée devant la Cour, la République de Lituanie, la République de Bulgarie, la Roumanie, la République de Chypre, la Hongrie, la République de Malte et la République de Pologne (et soutenu par le Royaume de Belgique, la République d’Estonie, et la République de Lettonie) demandent à la Cour de justice (pas moins de quinze recours... !) l’annulation du « paquet mobilité ».

Cet ensemble de texte était né en 2017 par l’adoption par la Commission Européenne d’une série de règlement destiné à régir les durées maximales de travail, soutenus dans sa démarche par le CESE. Les requérants s’étaient déjà opposés à l’adoption de ces règlements, en 2020... Revenons et décryptons ce dossier européen...

LE "PAQUET MOBILITÉ" AU CONTENTIEUX...

A propos de :
Cour de justice de l’Union européenne, Grande Chambre, Arrêt du 4 octobre 2024, Affaire nº C-541/20 à C-555/20

https://eur-lex.europa.eu/legal-con...

Sont visés par l’annulation les trois actes du Paquet : le Règlement (UE) 2020/1054 sur les temps de conduite et de repos des travailleurs routiers, le règlement (UE) 2020/1055 sur les conditions relatives à l’exigence d’établissement et, plus généralement, l’accès à la profession et la Directive (UE) 2020/1057 sur le détachement de conducteurs.

Griefs des États requérants...

Était reproché, l’impact économique conséquent de ces nouvelles dispositions, qui créent, sans délai ou phases transitoires, de nouvelles obligations pour les transporteurs pour assurer le repos des conducteurs d’une part, et un délai de carence de quatre jours pour les opérations de cabotage.

La Cour de Justice ?

La cour de justice a rejeté toutes les requêtes en annulation, exceptée la disposition obligeant pour un transporteur, pour l’activité de transport international, de faire retourner le véhicule au centre opérationnel toutes les huit semaines (article 1.3).

Globalement, les décisions de la Cour peuvent largement être considéré comme une victoire et une validation du paquet mobilité. Ont été retoqués, le manque de proportionnalité, la discrimination, l’insécurité juridique résultant d’une entrée en vigueur rapide.

Dans le même temps, les juges communautaires rappellent doctement que les dispositions du règlement, qui codifient une décision de la Cour de Justice Vaditrans ne peuvent pas être qualifiées d’abus du législateur, étant donné que les arrêts de la Cour ont un effet direct et s’applique aux États-membres.

Pour aller plus loin...

- Sur la méthode de production des actes législatifs et la marge de manœuvre du Parlement et du Conseil (règlement et directive principalement) :

La Cour rappelle que lorsqu’un acte législatif a déjà "coordonné" des législations des États membres dans un domaine donné d’action de l’Union, l’Union peut légiférer dans ce même domaine.

Cependant, à l’occasion d’un recours, c’est au corps législatif de prouver qu’elles ont fondé leur acte sur des éléments objectifs (et c’était tout le problème de l’article 1.3 du règlement 1055 car cette disposition a été inscrit tardivement, après l’étude d’impact, et qu’aucune autre pièce n’été suffisamment solide pour démontrer la proportionnalité de la disposition).

A également été produit comme argument une jurisprudence de la Cour : en cas de modification substantielle d’un Règlement en matière de transport, il y a réexamen du Parlement (arrêt du 16 juillet 1992, Parlement/Conseil (C 65/90).

Mais, l’Autorité au Luxembourg est venue préciser que le CESE et CdR ne sont pas re-consultés car non reconnus comme des instances de représentation "démocratique" impératives : un nouvel avis de leur part n’est pas requis.

La cour rappelle aussi la valeur de l’article 3§3 TUE, qui vise «  un marché hautement compétitif, mais aussi qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement ». Or, pour accomplir ces objectifs transversaux, l’UE doit pouvoir adapter ses actes législatifs.

Sur les autres moyens produits par les requérants...

  • Repos des chauffeurs : les arguments de compétitivité n’étaient pas suffisants pour la Cour pour supprimer l’obligation (exemple) de repos ; elle rappelle que les conducteurs sont la partie faible du contrat et, qu’on ne peut être sûr que leur renoncement à revenir sur le lieu de résidence ou centre opérationnel soit totalement libre...

Concernant la création d’une discrimination indirecte à l’égard des pays en périphérie de l’Union (la Belgique étant intervenue pour contrer l’impact économique de la règle des quatre jours de carence pendant les opérations de cabotage... ) :

La création d’un droit hétérogène selon la situation géographique et la qualité des infrastructures génère des difficultés supplémentaires pour les conducteurs en périphérie et donc une différence traitement qui leur nuit.

Pour la Cour, ces chauffeurs sont à protéger. Ils ne devraient pas être pénalisés selon la domiciliation du transporteur.

Cependant, la grande chambre reconnait que le Parlement et le Conseil n’ont pas apporté d’éléments suffisant pour démontrer qu’ils avaient mis en balance l’objectif social et l’impact économique de l’obligation pour un transporteur international de faire retourner le véhicule au centre opérationnel, toutes les huit semaines (cf. l’article 1 point 3 supprimé).

Sur le recours en annulation de la directive, il est intéressant de rappeler les définitions du travailleur détaché : les conducteurs sur des opérations de transit et des opérations bilatérales ne sont pas reconnus comme détaché dans le pays de passage.

Toutefois, pour les opérations de cabotage et les autres (transports combinés, transports tiers... ) le conducteur est reconnu comme un "détaché".

Par ailleurs, la cour rappelle qu’une directive n’est pas soumise à l’appréciation de sa légalité par rapport à une norme équivalente comme les règlements, les directives, les décisions, les recommandations et les avis.

Ce qu’il faut retenir en synthèse...

S’agissant du droit au repos notamment, les salariés ont le droit de prendre leur repos en dehors de leur véhicule. Mais aussi, un libre choix de revenir toutes les trois ou quatre semaines chez eux pour prendre ou entamer leur repos : l’appareil législatif peut aussi intervenir dans les règles européennes du marché intérieur pour y défendre une Union européenne plus sociale... Et, c’est tant mieux !

Adib MOUHOUB, Juriste, Pôle Service Juridique, Secteur Juridique National UNSA.

juridique@unsa.org

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