PSE : salariés recherchent désespérément un emploi dans une société du Groupe !


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Ou, qui cherche un emploi au reclassement dans des entreprises du groupe, n’est plus garanti de le trouver... C’est bien le constat du risque d’une dégradation des droits des salariés qui se fait jour dans la jurisprudence sociale du Conseil d’Etat.

Cette jurisprudence pose de nouvelles interrogations sur la position des juridictions administratives sur le contrôle "public" des homologations de plans de sauvegarde de l’emploi des entreprises du privé, dans la jurisprudence relative aux procédures de licenciements économiques...

JURISPRUDENCE SOCIALE DU CONSEIL D’ETAT :

A propos de la décision du Conseil d’Etat, du 1er juin 2022, n° 434225

DECISION DU JUGE : les entreprises d’un groupe de sociétés n’auraient plus impérativement à répondre à une demande de reclassement sollicitée préalablement à l’homologation d’un plan de sauvegarde de l’emploi...

Dans une entreprise en liquidation judiciaire, le liquidateur avait demandé aux autres entreprises du même groupe situées sur le territoire national la disponibilité des postes au reclassement. Il n’avait obtenu de réponse d’aucune entreprise. Pour le juge, cela ne fait pas obstacle à ce que le plan de reclassement soit homologué par l’administration, sous réserve de satisfaire aux obligations légales et d’être suffisant au regard des moyens de l’entreprise.

FAITS :

Une société a été placée en liquidation judiciaire par un jugement du 27 septembre 2018. Les liquidateurs élaborent un PSE sans possibilité de reclassement pour les 140 salariés concernés : l’entreprise était en cessation totale et définitive d’activité. Cependant, il y avait bien une autre entreprise dans le groupe, en France. Contactée par les liquidateurs par courrier, le même jour de la réception de celui-ci, la DIRECCTE a homologué le PSE établi unilatéralement par l’entreprise. Autrement dit, perte d’une chance de voir des salariés sortis du projet de Plan en cas de solutions préalables de reclassement...

PROCEDURE :

Une organisation syndicale et six salariés saisissent le Tribunal administratif de Paris pour dénoncer la décision d’homologation alors que le calendrier avait été mal géré, tant par le liquidateur que par la DIRECCTE. Le TA rejette la demande.

Les requérants ont alors saisi la Cour administrative d’appel de Paris, qui, quant à elle, a donné une suite favorable à leur demande. Elle annule à la fois le jugement et la décision d’homologation du PSE par la DIRECCTE pour insuffisance du plan.

Le principal axe de l’argumentation reposait sur le fait que le reclassement dans le groupe a été envisagé beaucoup trop tardivement ; le PSE ne pouvait être homologué en l’état. Et, pour rendre cette décision, la Cour administrative d’appel a jugé que la DIRECCTE aurait dû s’assurer que le plan de reclassement, intégré au PSE était de nature à faciliter le maintien d’emploi des salariés dont le licenciement ne pouvait être évité. Donc l’ensemble des possibilités de reclassement aurait dû être identifié par l’employeur dans l’entreprise ou le groupe.

Dans les faits, si le reclassement au sein de l’entreprise était effectivement impossible en raison de la cessation totale et définitive d’activité, la seule autre entreprise sollicitée, avait certes confirmé n’avoir pas de postes au reclassement disponibles, mais elle l’avait fait trois jours après la date d’homologation du plan par la DIRECCTE.

Pour la juridiction d’appel, l’employeur ne pouvait être regardé comme ayant procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles dans le groupe.

Les liquidateurs judiciaires et le ministère du travail ont alors saisi le Conseil d’état qui a rendu sa décision, "décision" défavorable aux salariés...

Est-il juridiquement acceptable que le simple fait d’effectuer une demande de postes au reclassement soit suffisant pour satisfaire à "l’obligation préalable de tenter le reclassement avant de licencier" prévue par la loi ?

ECLAIRAGES :

Les entreprises pourraient donc se contenter de solliciter un reclassement dans une entreprise du groupe sans le rechercher réellement !

Pourtant l’entreprise et les liquidateurs judiciaires avaient, à ce stade de la procédure, largement tardé à effectuer les démarches qui précèdent la mise en oeuvre du PSE (celui-ci se trouvant déjà homologué). Quelle application du droit et quelle sécurité juridique pour les salariés, qui peuvent désormais considérer n’avoir aucune chance d’être reclassés dans le groupe, dans la mesure ou plus rien n’obligerait un employeur d’y rechercher réellement un reclassement ?

° FONDEMENTS JURIDIQUES de la décision ?

Pour le Conseil d’état, l’employeur doit certes avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles (nombre, nature, localisation) ; mais, pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe, il est uniquement nécessaire de justifier avoir sollicité celles-ci sur les postes disponibles. Le fait de ne pas avoir de réponses ou d’être encore dans les délais d’une réponse qui pourrait être favorable n’est donc pas un obstacle à ce que le plan soit administrativement satisfaisant et homologué.

La Cour d’appel n’a-t’elle pas elle-même, malgré sa position favorable aux salariés, commis une erreur en ne contrôlant pas assez le caractère suffisant du PSE, en le jugeant "incomplet" et ce, alors même, là aussi, qu’une entreprise n’avait pas encore donné une réponse sur le reclassement avant la décision de l’administration sur le plan ? Sévère pour la Cour d’appel, mais critique pas injustifiée non plus... !

Le Conseil d’état en profite donc pour rappeler que lorsque l’administration est saisie d’une demande d’homologation, elle doit vérifier la conformité de ce document unilatéral et du PSE aux dispositions légales et conventionnelles, et notamment, si le plan de reclassement intégré au PSE est de nature à faciliter le maintien dans l’emploi, dans une entreprise du groupe, des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité.

Enfin, quant au caractère suffisant du PSE mis en place, deux poids, deux mesures, le Conseil d’Etat a ajouté que les liquidateurs avaient, contrairement à ce qui était soutenu, sollicité les entreprises du groupe pour abonder le plan de sauvegarde de l’emploi. Le document unilatéral comportait diverses mesures, correspondant à des dispositifs légaux ou, financés sur fonds publics, pour le reclassement externe des salariés. Par conséquent, il était inexact de dire que le PSE et le plan de reclassement étaient insuffisants au regard des moyens de l’entreprise.... Le PSE pourrait donc remédier aux manquements de recherches et démarches de reclassement préalables au plan et destinées à l’empêcher ?

° TEMPERAMENTS DE DROIT :

Le Conseil d’état aurait-il pris la même décision si l’entreprise concernée n’avait pas été en en cessation totale et définitive d’activité ? Également, dans son raisonnement, le Conseil d’état prend en considération la situation financière de l’autre entreprise du groupe, celle ayant été prévenue tardivement de la possibilité de reclassement...

DROIT EN ACTIONS :

Le Conseil d’état persiste dans la lignée d’une jurisprudence déjà bien établie, selon laquelle « la seule circonstance que, dans une entreprise en liquidation judiciaire, le liquidateur judiciaire, alors qu’il a utilement saisi les autres entreprises du groupe en vue d’une recherche des postes de reclassement disponibles sur le territoire national, n’ait pas obtenu les réponses de tout ou partie de ces entreprises, ne fait pas obstacle à ce que le plan de reclassement soit regardé comme satisfaisant » (cf. CE, 22 juillet 2015 n° 383481). Certes... Pourtant, en l’espèce le Conseil d’Etat a pu un peu forcé le trait... Le doute aurait dû profiter aux salariés compris dans le PSE. L’obligation de reclassement préalable vise bien à éviter le plan et non pas à articuler défauts de motifs du plan et mesures du plan...

Et, on ne pourra qu’attendre de l’administration qui homologue ou des juges, qu’ils soient davantage vigilants aux articulations entre mesures préalables au PSE, destinées à l’éviter et, mesures comprises dans le PSE... OU encore, vigilance sur les calendriers des procédures...

Auteur, pour le Service Juridique National UNSA, Louis BERVICK, juriste en droit social, Secteur Juridique National.

Pour tous commentaires ou questions, juridique@unsa.org.

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