Arrêt de travail, être protégé contre le licenciement ?
Par un arrêt en date du 11 septembre 2024, n° 22-18.409, la Chambre sociale de la Cour de cassation se prononce sur l’application de la protection contre le licenciement, pour un salarié ayant son contrat suspendu en raison d’un accident du travail.
JURISPRUDENCE DE LA COUR DE CASSATION, ACCIDENT DU TRAVAIL
A propos de Cass. soc. n° 22-18.409
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TEXTES FONDANT CETTE PROTECTION CONTRE LA RUPTURE
L’article L. 1226-9 du code du travail prévoit, qu’au cours des périodes de suspension du contrat de travail relatives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, l’employeur ne peut rompre le contrat que s’il justifie soit d’une faute grave du salarié, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie.
L’article L. 1226-13 du code du travail fixe que toute rupture du contrat de travail, prononcée en méconnaissance des dispositions de l’article L. 1226-9, est nulle.
° EN BREF
Dans cette décision, la Chambre sociale de la Cour de cassation estime qu’il est tout à fait possible de rompre le contrat d’un salarié en arrêt de travail pour accident du travail, lorsque la cessation d’activité de l’entreprise est réelle et qu’elle rend impossible la poursuite du contrat de travail.
° CONTEXTE DE LA SAISINE
Plusieurs salariés ont été licenciés par la société OFP Maintenance, en raison de sa cessation d’activité.
Parmi ces salariés, un salarié était en arrêt de travail du fait d’un accident du travail. Afin de contester son licenciement, il a saisi la juridiction prud’homale.
° L’ANALYSE DE LA COUR DE CASSATION
La Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule partiellement l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble du 7 avril 2022.
La cour d’appel de Grenoble a considéré que le licenciement du salarié était nul, en infirmant le jugement du conseil de prud’hommes de Grenoble.
La Chambre sociale rappelle tout d’abord, qu’au regard des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail : elle reconnaît qu’un employeur peut rompre un contrat de travail suspendu, si la cessation d’activité est réelle et qu’elle rend impossible la poursuite du contrat de travail.
Pourtant, l’arrêt de la cour d’appel a déclaré le licenciement nul parce que l’employeur n’a fourni aucune pièce, contribuant à démontrer l’impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif non lié à l’accident du travail.
La Chambre sociale relève que la cessation totale et définitive d’activité de la société OFP Maintenance n’était pas contestée. Dès lors, la cour d’appel aurait dû concevoir que cette situation rendait impossible le maintien du contrat du salarié pour l’employeur, sans que l’employeur n’ait à justifier cette impossibilité. Dans cette situation, le licenciement du salarié, en arrêt de travail du fait d’un accident du travail, est valable.
° ÉCLAIRAGES
La Chambre sociale de la Cour de cassation précise les conditions de l’article L. 1226-9 du code du travail. En effet, alors qu’elle interprète de manière très restrictive l’impossibilité de maintenir un contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie, elle admet qu’elle puisse découler de la cessation totale et définitive de l’activité de l’entreprise.
De ce fait, dès lors que la cessation d’activité est réelle et qu’elle rend impossible la poursuite du contrat de travail, l’employeur est autorisé à rompre le contrat d’un travailleur en arrêt de travail d’origine professionnelle.
Cependant, de jurisprudence constante, ni l’existence d’une cause économique de licenciement, ni l’application des critères de l’ordre des licenciements, ne suffit à constituer une impossibilité de maintenir le contrat pour un motif non lié à l’accident de travail (cass. soc., 21 nov. 2000, n°98-42.509).
L’employeur n’a pas à démontrer cette impossibilité de maintenir le contrat, lorsque la cessation totale et définitive d’activité est apparente et non contestée.
En même temps, la jurisprudence place le curseur sur la question du maintien dans l’emploi, rendu impossible, ce qui est moins bien choquant...
Cette solution de la Chambre sociale ramène à sa jurisprudence ancienne (cass. soc., 26 sept. 2007, n° 06-43.156), où elle avait aussi accordé à l’employeur de ne pas se justifier dans ce contexte.
Enfin, il convient de rappeler que l’appréciation de l’impossibilité de maintenir le contrat s’effectue à la date de la rupture (cass. soc., 25 mai 1993, n° 90-44.451).
En même temps, chaque fois que l’entreprise peut maintenir un emploi, elle devra redoubler d’effort...
° DROIT EN ACTIONS
Un travailleur en arrêt de travail peut se poser des questions sur sa protection face à son impossibilité d’un emploi dans l’entreprise et à la rupture de son contrat de travail.
Tout d’abord, le code du travail fixe un principe de non-discrimination en raison de l’état de santé (article L. 1132-1 du code du travail). Ainsi, un arrêt de travail ne peut pas fonder un licenciement. Un tel licenciement serait nul, car discriminatoire.
En revanche, un arrêt de travail n’accorde pas une protection absolue contre la rupture du contrat de travail.
Pour un arrêt de travail d’origine professionnelle, tel qu’en raison d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, comme évoqué dans cet article, l’employeur ne peut rompre le contrat que pour deux motifs (article L. 1226-9 du code du travail).
Il s’agit d’une protection relative, qui limite les motifs de licenciement. Si un salarié se fait licencier en dehors de ces cas, il pourra légitimement contester son licenciement devant la juridiction prud’homale, dans un délai de douze mois à compter de la notification de la rupture.
Néanmoins, cette protection relative ne s’applique pas aux accidents de trajet.
Pour un arrêt de travail d’origine non-professionnelle, tel que du fait d’une maladie non-professionnelle ou d’un accident non-professionnel, le code du travail ne conçoit pas de protection spécifique. Dès lors, le licenciement est réalisable, selon les dispositions de droit commun.
Si un salarié subit un licenciement violant ces dispositions, il pourra aussi contester son licenciement devant la juridiction prud’homale, dans le même délai.
Jade EL MARBOUH, Pôle Service Juridique, Secteur Juridique National UNSA.
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