Éclairages de la Cour de cassation sur la renonciation au mandat de délégué syndical...


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Renoncer à un mandat de délégué syndical n’est pas un acte définitif : un candidat peut revenir sur sa renonciation lors du cycle électoral. Par ailleurs, un candidat qui n’a pas payé sa cotisation syndicale depuis plus de deux ans renonce de fait au mandat de délégué syndical...

JURISPRUDENCE

A propos de :
Cass. soc., 19 avr. 2023, n° 21-23.348
Cass. soc., 19 avr. 2023 , n° 21-60.127

L’article L. 2143-3 du code du travail fait obligation au syndicat représentatif, qui désigne un délégué syndical, de le choisir parmi les candidats aux élections professionnelles, qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique.

Aux termes du deuxième alinéa de ce texte :

  • si aucun des candidats présentés par l’organisation syndicale aux élections professionnelles ne remplit les conditions ,
  • ou, s’il ne reste, dans l’entreprise ou l’établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit ces conditions,
  • ou, si l’ensemble des élus qui remplissent les conditions mentionnées audit premier alinéa renoncent par écrit à leur droit d’être désigné délégué syndical,...

... le syndicat peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l’entreprise ou de l’établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d’exercice du mandat au comité social et économique fixée au deuxième alinéa de l’article L. 2314-33.

Par cet article, issu de la loi du 29 mars 2018, le législateur a entendu éviter l’absence de délégué syndical dans les entreprises.

Par deux arrêts du 19 avril 2023, la Cour de cassation répond à deux questions portant les conséquences de la renonciation :

La renonciation d’un candidat ayant obtenu au moins 10% des voix aux dernières élections à être désigné délégué syndical vaut-elle pour tout le cycle électoral ? Une organisation syndicale était-elle tenue de désigner un candidat alors que celui-ci n’était pas à jour de ses cotisations syndicales, mais n’avait pas formellement renoncé à être délégué syndical ?

- CONTEXTE DE LA SAISINE

° Dans la première affaire (n° 21-23.348), suite aux élections professionnelles des sociétés du groupe Sodexo, une salariée, qui avait obtenu plus de 10 % des voix et avait été élue, a été désignée déléguée syndicale régionale par le syndicat CFE-CGC. Puis elle a renoncé par écrit à ce mandat, ce qui avait permis la désignation, par le syndicat, d’une autre déléguée syndicale régionale pour la remplacer.

Quelques mois plus tard, l’organisation syndicale a informé la direction de l’entreprise qu’elle désignait à nouveau la première salariée comme déléguée syndicale régionale.

Les sociétés du groupe Sodexo ont saisi le tribunal judiciaire, le 13 juillet 2021, pour contester cette désignation...

Par jugement du 5 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Versailles a rejeté la demande d’annulation de la désignation de la salariée en qualité de déléguée syndicale régionale.

Les sociétés du groupe forment un pourvoi pour contester la décision.

° Dans la deuxième affaire (n°21-60.127), lors des dernières élections professionnelles au sein d’une SCP employant plus de 70 salariés, en janvier 2018, la CGT a présenté 4 candidats :

  • 2 candidats ont ensuite quitté l’entreprise ;
  • la 3ème a démissionné de son mandat de délégué syndical en juillet 2020, et a renoncé par écrit à son droit d’être désigné comme DS le 5 août ;
  • le 4ème n’est pas à jour de ses cotisations syndicales.

Le 6 août 2020, le syndicat désigne un adhérent comme délégué syndical. L’employeur conteste cette désignation, le syndicat n’ayant pas de renonciation écrite du 4e candidat. Il estime que le paiement des cotisations syndicales n’est pas une condition légale à retenir pour exonérer le syndicat de cette renonciation.

Par jugement du 5 mars 2021, le tribunal judiciaire annule la désignation du 4ème candidat, considérant qu’un des quatre candidats initiaux pouvait prétendre à être désigné. Le fait, qu’il ne soit pas à jour de sa cotisation syndicale comme le soutient l’union locale, n’est pas une condition légale à retenir. La CGT forme un pourvoi pour contester la décision.

- L’ANALYSE DE LA COUR DE CASSATION

  • Dans la première affaire (n° 21-23.348), la Cour de cassation précise que «  la renonciation par l’élu ou le candidat, ayant recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au CSE, au droit d’être désigné délégué syndical, qui permet au syndicat représentatif de désigner un adhérent ou un ancien élu en application de l’alinéa 2 de l’article L. 2143-3 précité, n’a pas pour conséquence de priver l’organisation syndicale de la possibilité de désigner ultérieurement, au cours du même cycle électoral, l’auteur de la renonciation en qualité de délégué syndical ».

La renonciation au mandat de délégué syndical n’est pas définitive, le salarié peut revenir sur sa renonciation au cours du même cycle électoral.

  • Dans la deuxième affaire (n°21-60.127, elle rappelle que le législateur a entendu éviter, par la loi 29 mars 2018, l’absence de délégué syndical dans les entreprises.
    Reprenant sa jurisprudence antérieure (Cass. soc., 26 mars 2014, n° 13-20.398), exige du tribunal de rechercher, comme il était soutenu, si le 4e candidat présenté par le syndicat et ayant obtenu 10 % à titre personnel, « avait renoncé à l’activité syndicale et ne cotisait plus depuis plus de deux ans à l’union locale ».

Ainsi, dès lors que le syndicat peut démontrer que le salarié, candidat à l’élection et ayant obtenu 10 % des voix, n’est plus membre du syndicat, l’organisation syndicale représentative n’est pas tenue de le désigner. La renonciation résultant de l’absence de cotisations depuis plus deux ans est valable.

- ECLAIRAGES

Ces deux décisions, aux faits bien différents, garantissent la liberté syndicale et facilitent la continuité de l’exercice du droit syndical en entreprise en évitant tout blocage liée au formalisme de la renonciation.

Comme indiqué par l’avocate générale dans son avis, les syndicats peuvent rencontrer des difficultés pratiques à rassembler les renonciations afin de pouvoir désigner un adhérent. Admettre qu’une renonciation n’exclut pas la possibilité pour une organisation syndicale de désigner ultérieurement un salarié, ayant renoncé à exercer un mandat, contribue à la continuité de l’exercice syndical. Enfin, dès lors que le syndicat peut démontrer que le salarié, candidat à l’élection et ayant obtenu 10 % des voix, n’est plus membre du syndicat, l’organisation syndicale représentative n’est pas tenue de le désigner.

Cette décision conforte le principe selon lequel l’affiliation confédérale reste l’élément essentiel du vote des électeurs (rapport de l’avocate générale).

Elle s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence issue de l’arrêt du 8 juillet 2020 qui permet aux organisations syndicales de ne pas désigner des candidats qui seraient membres d’une autre organisation.

https://www.legifrance.gouv.fr/juri...

https://www.courdecassation.fr/deci...

Auteure, Sophie RIOLLET, juriste, Pôle Service Juridique, Secteur Juridique National de l’UNSA.

Pour tous commentaires ou question, juridique@unsa.org

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