Être ou ne pas être une discrimination fondée sur le handicap !


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Il a été reconnu que demeurer en situation de handicap accroît les risques d’être exposé à diverses formes de discrimination.

Selon la DRESS, en 2023, plus d’un Français sur dix serait en situation de handicap, ce qui équivaut à 14,1 % de la population française de plus de 15 ans, soit 7,7 millions de personnes en situation de handicap.

DISCRIMINATIONS : L’ACTUALITÉ DE LA JURISPRUDENCE

Selon le Défenseur des droits, le handicap reste, et ce depuis plusieurs années, le premier motif de discrimination, et reste en tête des saisines en matière de discrimination, suivi par les saisines relatives à l’origine et à l’état de santé.
Le Défenseur des droits a en effet recueilli en 2023 pour les discriminations liées au handicap 137894 réclamations, informations et orientations, soit une hausse de 10 % par rapport à l’année 2022.

Alors que les discriminations liées au handicap sont malheureusement fréquentes, il est primordial de savoir les repérer, puisque la qualité de travailleur handicapé n’est pas à elle seule susceptible de caractériser une discrimination.

° EN BREF

Par un arrêt en date du 15 mai 2024, pourvoi n° 22-11.652, la Chambre sociale de la Cour de cassation précise la méthode que doit suivre le juge afin de déterminer si une discrimination relative au handicap est constituée. Le juge doit, en premier lieu, rechercher si le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une telle discrimination, et en deuxième lieu, rechercher si l’employeur démontre que son refus de prendre des mesures appropriées est justifié ou non par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison du handicap.

° CONTEXTE DE LA SAISINE

Une salariée, engagée en tant qu’agent d’entretien, a été déclarée inapte pour ce poste. Elle pouvait cependant occuper un autre porte à temps partiel en télétravail. L’employeur finira par la licencier pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Cependant, parallèlement, la salariée a été reconnue en qualité de travailleur handicapé, par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH).

La salariée a saisi la juridiction prud’homale, d’une action contestant son licenciement au titre d’une discrimination en raison du handicap.

° L’ANALYSE DE LA COUR DE CASSATION

La Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule partiellement l’arrêt de la cour d’appel de Paris, notamment en ce qu’il déclare le licenciement de la salariée nul en raison d’une discrimination liée au handicap.

D’une part, la Chambre sociale rappelle que selon l’article L. 5213-6 du code du travail, l’employeur doit prendre des mesures appropriées pour que les travailleurs en situation de handicap puissent accéder à un emploi, le conserver et y progresser. En revanche, il ne faut pas que les charges consécutives à la mise en œuvre des mesures soient disproportionnées.

Dès lors que ces mesures sont refusées sans justification recevable, une discrimination peut être constituée.

Toutefois, l’article L. 1133-3 du code du travail envisage que les différences de traitement fondées sur l’inaptitude constatée par le médecin du travail en raison de l’état de santé ou du handicap ne caractérisent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectives, nécessaires et appropriées.

De plus, l’article L. 1133-4 du même code déclare que les mesures prises en faveur des personnes en situation de handicap et celles visant à favoriser l’égalité de traitement ne constituent pas non plus une discrimination.

Par ailleurs, la Chambre sociale indique que la Convention relative aux droits des personnes handicapées, signée à New York le 30 mars 2007, établit que la discrimination fondée sur le handicap comprend le refus d’aménagement raisonnable, soit des modifications et ajustements nécessaires et appropriés qui n’imposent pas de charge disproportionnée. Ainsi, cette convention pousse les Etats à garantir et à favoriser l’exercice du droit au travail des personnes en situation de handicap ainsi qu’à permettre que des aménagements raisonnables puissent être apportés.

La Convention note également que les mesures spécifiques, qui sont nécessaires pour accélérer ou assurer l’égalité de facto des personnes handicapées, ne sont pas constitutives de discrimination.

Enfin, la Chambre sociale évoque l’article 5 de la directive du Conseil 2000/78/CE du 27 novembre 2000, qui prône les aménagements raisonnables afin de garantir le respect du principe de l’égalité de traitement à l’égard des personnes en situation de handicap.

D’autre part, la Chambre sociale rappelle l’article L. 1134-1 du code du travail qui prévoit lors d’un contentieux autour d’une discrimination, le candidat ou le salarié doit ramener des éléments de fait laissant supposer cette discrimination et qu’il incombe à la partie défenderesse, généralement l’employeur, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge peut ordonner toutes mesures d’instruction, afin de former sa conviction.

De plus, la Chambre sociale mentionne l’obligation de recherche de reclassement renforcée, lorsque le travailleur est déclaré inapte.
L’employeur doit alors prendre les mesures appropriées, afin de permettre au travailleur en situation de handicap de conserver son emploi, à défaut, le licenciement sera considéré comme nul, puisqu’il sera fondé sur une discrimination en raison du handicap (Soc., 3 juin 2020, pourvoi n° 18-21.993).

Ainsi, la Chambre sociale estime que le juge, saisi d’une action au titre de la discrimination en raison du handicap, doit, en premier lieu, rechercher si le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une telle discrimination, comme par exemple le refus, même implicite, de l’employeur de prendre des mesures concrètes et appropriées d’aménagements raisonnables ou le refus d’accéder à la demande du salarié de saisir un organisme d’aide à l’emploi des travailleurs handicapés, pour la recherche de telles mesures.

Ensuite, la Chambre sociale énonce que le juge doit, en deuxième lieu, rechercher si l’employeur démontre que son refus de prendre ces mesures est justifié ou non par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison du handicap, tels qu’une impossibilité matérielle ou des charges disproportionnées pour mettre en œuvre les mesures.

Dès lors, puisque la cour d’appel n’a pas suivi cette méthode, avant de juger le licenciement nul en raison d’une discrimination en raison du handicap, la Chambre sociale déclare que le licenciement ne peut pas être déclaré nul. L’affaire est alors renvoyée devant la cour d’appel de Paris, autrement composée, afin qu’elle reprenne son analyse.

° ÉCLAIRAGES

Tout d’abord, la Chambre sociale de la Cour de cassation a lourdement insisté sur les fondements textuels, nationaux et internationaux, et jurisprudentiel, qui encadrent aujourd’hui l’action au titre de la discrimination en raison du handicap. Elle invite alors les praticiens, notamment les magistrats, à se référer à ces fondements lors d’un tel contentieux.

Par ailleurs, la Chambre sociale éclaire sur la méthode à suivre pour les juges saisis de cette action au titre de la discrimination en raison du handicap. Elle approfondit l’office du juge par cette double recherche, qui permet d’établir l’existence ou non de la discrimination.

° DROIT EN ACTIONS

Dès lors, lorsqu’un salarié estime qu’il est victime d’une discrimination en raison du handicap, il devra présenter au juge des éléments de fait, qui laissent supposer l’existence d’une telle discrimination.

Le juge recherchera ensuite si l’employeur peut démontrer que son refus de prendre des mesures appropriées est fondé ou non.
S’il s’avère que le refus de l’employeur n’est pas fondé, la discrimination en raison du handicap sera elle fondée.

Afin d’éviter l’apparition de discriminations en raison du handicap, l’UNSA conseille vivement aux CSE de se saisir des questions relatives aux mesures concrètes et appropriées d’aménagement raisonnables.

Auteure, Jade EL MARBOUH, Pôle Service Juridique, Secteur Juridique National UNSA.

Pour toute remarque, juridique@unsa.org.

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