Indemnisation du salarié auteur d’une faute grave !?
Le licenciement pour faute grave prive-t-il le salarié de toute réparation ?
Un salarié licencié pour faute grave avérée n’exonère pas, de son côté, l’employeur de réparer un préjudice occasionné parallèlement au salarié du fait de manquements à des obligations contractuelles d’entreprise.
FOCUS :
° FAITS :
Dans l’affaire, une directrice d’association a été plusieurs fois rappelée à l’ordre par l’employeur et l’inspecteur du travail concernant des faits de harcèlement et de dégradation des conditions de travail signalés par les salariés de l’association.
Le Conseil d’administration décide finalement, après une mise à pied conservatoire et une convocation a un entretien préalable, de la licencier pour faute grave, pour une douzaine de motifs, dont l’insuffisance de gestion du personnel et d’agissements de harcèlement moral mettant en danger les salariés.
Elle conteste son licenciement et fait valoir une exécution fautive du contrat pour demander des dommages-intérêts.
Ayant obtenu gain de cause devant les prud’hommes, elle est finalement déboutée de ses prétentions devant la Cour d’appel, au motif que la cour ayant déjà retenu que le licenciement pour faute grave était justifié, il convenait de la débouter de sa demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.
Elle forme un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation se prononce en faveur du salarié, et casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel, rappelant le principe inscrit dans la loi que « le contrat de travail est exécuté de bonne foi. ». Dès lors l’employeur qui manque à ses obligations contractuelles cause un préjudice qui doit être réparé, lorsqu’aucun motif ne permet d’exonérer l’employeur de remplir lesdites obligations.
° DROIT :
Le contrat doit s’exécuter de bonne foi. Ce principe n’est pas conditionnel, c’est-à-dire que lorsque l’une des parties au contrat (le salarié ou l’employeur) ne remplit pas ses obligations contractuelles ne permet pas l’autre partie de s’exonérer d’accomplir son obligation.
Assez classiquement en droit des contrats, l’inexécution des obligations contractuelles n’est pas une cause d’exonération de ses propres obligations ; il fonde seulement le droit à la réparation .
Pour le représentant du personnel : lorsqu’un représentant constate une faute grave s’avère pour un licenciement disciplinaire, rechercher l’indemnisation de la rupture du contrat en proposant de contester le licenciement a des chances de ne pas aboutir. A la place, il pourra rechercher si l’employeur a aussi commis des fautes dans l’exécution du contrat. Car dans ce cas, le salarié fautif peut quand même obtenir des dommages-intérêts pour réparation le préjudice issu des manquements.
Il s’agit aussi d’une alternative intéressante quand on considère que le point de départ de la prescription de l’action en responsabilité contractuelle se fixe généralement plus tard qu’une demande en requalification du contrat ou une action en réparation du préjudice de discrimination.
Plutôt qu’exclure ou effacer d’autorité le préjudice de la salariée, le juge aurait pu peut-être faire état d’une prise en compte de ce dommage et affirmer une "compensation". Et n’oublions pas qu’en matière de faute lourde, de niveau supérieur, le salarié doit indemniser lui aussi le dommage commis volontairement et avec une intention ou une abstention coupable. Le devra-t-il aussi en matière de faute grave au-delà des seules conséquences de la qualification d’une faute grave motif d’un licenciement ?
TEXTES DE RÉFÉRENCE ET JURISPRUDENCE ci-joint.
Auteur, Adib MOUHOUB, Juriste, Pôle Service Juridique, Secteur Juridique National UNSA.
Pour aller plus loin, juridique@unsa.org