L’effet interruptif de la prescription en cas de demandes additionnelles...


https://www.unsa.org/3559

Par cet arrêt en date du 10 juillet 2024, la Cour de cassation se prononce sur "l’effet interruptif de la prescription" lorsque plusieurs demandes ont lieu devant le juge prud’homal.

JURISPRUDENCE SOCIALE DE LA COUR DE CASSATION

A propos de l’arrêt de la Cour de cassation du 10 juillet 2024, n° 23-14.372
https://www.legifrance.gouv.fr/juri...

° DECISION DU JUGE

La Haute Juridiction pose que de ces constatations et énonciations dont il ressortait que les deux demandes, quoi qu’ayant des causes distinctes tendaient à un seul et même but : la "réparation des conséquences de la rupture du contrat de travail que le salarié estimait imputable à l’employeur, en sorte que la seconde était virtuellement comprise dans la première, la Cour d’appel a exactement déduit que la prescription de la demande additionnelle avait été interrompue par la demande originaire ».

° FAITS

Le salariée concerné a été engagé par une entreprise avant que son contrat de travail ne soit transféré à une autre quelques années après.

Alors qu’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail avait été déposée par le salarié devant le Conseil de Prud’hommes, suite à des difficultés économiques, son contrat a été rompu par l’entreprise à l’issue du délai de réflexion dont ce salarié disposait en vertu de son adhésion à une convention de sécurisation professionnelle, alternative France Travail au licenciement de droit commun, dès lors que la cause du licenciement est économique.

Un an et demi plus tard, le salarié a donc ajouté à ses demandes initiales de résiliation pour une série de motifs antérieurs liés à la vie de son contrat de travail préalables au licenciement économique, la contestation de ce licenciement et la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

° PROCEDURE

Le Conseil de prud’hommes, puis la Cour d’appel de Toulouse ont donné raison au salarié. Le licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse et l’employeur condamné à diverses sommes comme les dommages-intérêts, une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et au remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage.

L’employeur considère lui que l’effet interruptif de prescription attaché à la saisine du conseil de prud’hommes ne s’étend pas à une demande additionnelle qui ne poursuit pas la même fin et n’est pas comprise virtuellement dans la demande initiale, contrairement à ce qu’a jugé la Cour d’appel. Il a donc saisi la Cour de cassation.

La question qui se pose avant tout dans ce cas est de savoir s’il y a effet interruptif de la prescription résultant de la saisine du conseil de prud’hommes sur la demande additionnelle ?

° ECLAIRAGES

Pour la Cour de cassation, la Cour d’appel a retenu que le conseil de prud’hommes était déjà saisi, dès le 10 mai 2017, d’une demande tendant à la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur.

Cette demande emportait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sorte que la contestation par le salarié du bien-fondé de son licenciement emportait des prétentions de même nature, donc le salarié pouvait, au cours de la procédure, contester le licenciement économique ayant donné lieu à l’adhésion au CSP comme il l’a fait.

Ainsi, même si les causes sont distinctes, les demandes avaient un même but, la réparation des conséquences de la rupture du contrat de travail que le salarié estimait imputable à l’employeur. Pour cela, la seconde était virtuellement comprise dans la première.

Pour cette raison la Cour d’appel a pris la bonne décision, et le pourvoi est rejeté.

° FONDEMENTS JURIDIQUES DE LA DECISION ?

Pour rendre cet arrêt, la Cour de cassation a surtout invoqué :

  • l’article L. 1233-67 du code du travail selon lequel «  toute contestation portant sur la rupture du contrat de travail ou son motif se prescrit par douze mois à compter de l’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle » ainsi que l’article 2241 du code civil, selon lequel « la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu’elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure ».

° DROIT EN ACTIONS

Cet arrêt s’inscrit dans une lignée jurisprudentielle récente de la chambre sociale de la Cour de cassation pour qui l’interruption de la prescription s’étend d’une action à l’autre lorsque les deux actions procèdent de la même contestation (Cass. Soc, 14 décembre 2004 n° 03-46.836).

Ou encore, par la règle de l’unicité de l’instance, que toutes les demandes concernant l’exécution du même contrat de travail formées à l’occasion d’une même instance jusqu’au dénouement définitif de celle-ci, sont recevables, peu important le lien susceptible de les unir ou non aux demandes initiales et ce sans que puisse leur être utilement opposée la prescription dont le cours avait été interrompu par la saisine du conseil de prud’hommes (Cass. Soc, 26 mars 2014 n°12-10.202 ; Cass. Soc, 3 mai 2016 n°14-16.633 ; Cass. Soc, 2 décembre 2020 n°19-21.178 ; Cass. Soc, 09 mars 2022 n°20-18.551).

Louis BERVICK, Juriste en Droit social, Pôle Service Juridique, Secteur Juridique National UNSA.

juridique@unsa.org

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