L’enquête, mode de preuve licite d’un harcèlement


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Comment révéler des faits de harcèlement ?

JURISPRUDENCE SOCIALE

En matière de harcèlement, l’audit ne constitue pas un moyen de preuve illicite

Cass. soc., 17 mars 2021, n° 18-25.597

° QUESTIONS DE DROITS

En l’espèce, une salariée est mise à pied à titre conservatoire et convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Elle est licenciée pour faute grave. L’employeur motive son licenciement en lui reprochant d’avoir "proféré des insultes à caractère racial et discriminatoire et causé des perturbations graves de l’organisation et l’efficacité collective".

Ces insultes avaient été révélées par un audit confié, avec l’accord des délégués du personnel, à une entreprise extérieure spécialisée en risques psycho-sociaux.

La salariée saisit le conseil de prud’hommes. Pour la cour d’appel un tel licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. L’enquête diligentée par l’employeur constituait un mode de preuve illicite, faute pour la salariée d’en avoir été préalablement informée ou, à tout le moins, d’avoir été entendue, rappelant que selon l’article L. 1222-4 du code du travail, « aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance".

L’employeur forme un pourvoi devant la Cour de cassation, au motif que l’enquête réalisée dans l’entreprise par un tiers en vue de recueillir des témoignages après que des faits de harcèlement ont été dénoncés ne constitue pas un mode de preuve illicite, même si le salarié auquel les faits de harcèlement sont imputés n’en a pas été préalablement informé, ni n’a été entendu dans ce cadre.
Dans quelles mesures l’audit est-il un mode de preuve valable pour constituer la preuve du harcèlement ?

° ÉCLAIRAGES

Pour la Cour de cassation, une enquête effectuée au sein d’une entreprise à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral n’est pas soumise aux dispositions de l’article L. 1222-4 du code du travail et ne constitue pas une preuve déloyale comme issue d’un procédé clandestin de surveillance de l’activité du salarié.
FONDEMENTS JURIDIQUES : les juges de la Haute juridiction fondent leur raisonnement autour de l’article L. 1222-4 du code du travail qui dispose qu’aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance ;
et que si l’employeur a le pouvoir de contrôler et de surveiller l’activité de son personnel pendant le temps de travail, il ne peut mettre en oeuvre un dispositif de contrôle clandestin et à ce titre déloyal.
En l’espèce, l’enquête réalisée dans l’entreprise par un tiers en vue de recueillir des témoignages après que des faits de harcèlement aient été dénoncés ne constitue pas un mode de preuve illicite, même si le salarié auquel les faits de harcèlement sont imputés n’en a pas été préalablement informé, ni n’a été entendu dans ce cadre. Le cabinet d’audit avait été missionné avec l’accord des délégués du personnel, aux fins d’entendre et d’accompagner psychologiquement les salariés après que des agissements de harcèlement imputés à la salariée avaient été dénoncés.

° DROITS EN ACTIONS

Une enquête portant sur des faits de harcèlement ne relève pas des règles régissant le contrôle de l’activité du salarié. En effet, elle n’a pas pour objet de surveiller l’activité du salarié. Le principe du contradictoire ne s’applique pas.
Concrètement, en cas de suspicion de harcèlement moral, l’employeur peut diligenter une enquête sur le salarié auteur présumé du harcèlement, sans l’en informer au préalable et sans qu’il doive être entendu. Cette enquête peut donc être réalisée à l’insu du salarié et se dérouler sans lui donner. Cela peut être utilisé comme mode de preuve contre le salarié, sans que ce dernier puisse invoquer une preuve déloyale.
Cette décision élargit les modes de preuve de l’employeur en matière de contestation du harcèlement moral dans l’entreprise. Les salariés auditionnés doivent redoubler de vigilance dans la mesure où leur témoignage peut-être utilisé en justice sans leur accord.

Cass. soc., 17 mars 2021, n° 18-25.597

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Service Juridique - SECTEUR JURIDIQUE NATIONAL UNSA, BAGNOLET

Auteure, Sophie RIOLLET-COGEZ, Juriste Senior, Service Juridique

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