L’inspection du travail juge de la loyauté dans les négociations collectives du protocole d’accord préélectoral...


https://www.unsa.org/2383

La Cour de cassation décide qu’en l’absence de loyauté dans les négociations du protocole, l’inspection du travail n’est pas fondée à procéder à la répartition des sièges et du personnel entre les collèges électoraux.

A propos de la décision de la Cour de cassation du 12 juillet 2022...

JURISPRUDENCE SOCIALE

Cass., soc., 12 juillet 2022, n°21-11.420

https://www.courdecassation.fr/en/decision/62ce611a9a20ce9fcf1266d3

CONTEXTE DE LA SAISINE ET FAITS DE L’AFFAIRE A L’ORIGINE DE LA DECISION...

A l’origine de cette affaire, l’échec des négociations d’un protocole d’accord préélectoral au sein d’une UES. Par suite, l’inspection du travail a été saisie aux fins de procéder à la répartition des sièges et du personnel entre les collèges électoraux. Sauf qu’elle refuse d’exécuter son office au motif que les organisations syndicales n’ont eu communication des effectifs par site que de façon tardive et partielle.

La direction n’a en effet transmis les éléments relatifs aux effectifs demandés par les syndicats que l’avant-veille de la dernière réunion de négociation. Elle n’a par ailleurs autorisé la consultation des registres uniques du personnel qu’en présentiel sur chaque site.
Considérant qu’il y a eu déloyauté dans les négociations, l’administration du travail s’est estimée incompétente pour statuer comme cela lui était demandé.
Les sociétés de l’UES ont alors saisi les tribunaux afin que l’inspection du travail soit contrainte de procéder à cette répartition dans les conditions prévues par l’article L. 2314-13 du Code du travail.

ANALYSE DE LA COUR DE CASSATION

Les juges ayant constaté en première instance les manœuvres et rétentions d’information de la partie employeur sur la question des effectifs au sein de l’UES, la Cour de cassation aboutit assez logiquement au même constat de déloyauté dans les négociations.
Forte de ce constat, elle va faire une interprétation extensive de l’article L 2314-3 du Code du travail en considérant qu’au terme d’une tentative loyale de négociation et en l’absence de conclusion du protocole, l’autorité administrative peut décider de la répartition des sièges et du personnel entre les collèges électoraux...
Il en résulte qu’en cas de déloyauté, l’administration est incompétente et le protocole devra à nouveau être négocié.

ECLAIRAGES

Jusqu’ici, la Cour de cassation ne s’était prononcée qu’en cas de négociation déloyale par l’employeur ayant abouti à la conclusion d’un protocole d’accord préélectoral. Il est jugé dans le contexte de cette affaire que « le manquement à l’obligation de négociation loyale constitue une cause de nullité de l’accord » - cf. Cass. soc. 9 oct., 2019, n° 19-10.780.

Par cette décision, la Cour de cassation vient dire que si l’employeur a agi pour empêcher la conclusion du protocole, alors il ne peut valablement saisir l’administration du travail et espérer que celle-ci procède valablement à la répartition du personnel et des sièges entre les collèges.

Le fait d’empêcher l’employeur de procéder de la sorte est à saluer, mais ce qui est plus discutable tient au fait que l’administration exerce l’office du juge.
S’agissant d’une question de déloyauté c’est aux parties de décider s’il revient ou non de saisir le tribunal afin de contester la régularité du processus de négociation. Et, jusqu’à présent, seul le juge était compétent pour constater et sanctionner un manquement à l’obligation de loyauté.
Cette décision est d’autant plus surprenante qu’il s’agit d’un contentieux sur le protocole d’accord préélectoral. Rappelons que nous sommes dans le cadre des élections professionnelles et que le juge judiciaire s’est vu reconnaître seul la compétence de trancher le contentieux électoral « à l’exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux ».

L’élargissement des compétences de l’inspection du travail a le mérite de simplifier et fluidifier le contentieux électoral. Encore ne faut-il pas que ces substitutions ne viennent se substituer à l’autorité judiciaire.

Ne sous-estimons pas toutefois la force du message de l’administration renvoyant aux responsabilités des parties à la négociation du protocole d’accord préélectoral à partir d’informations et de données transparentes et fiables, celles-là même permettant à l’Inspection d’exercer sa mission de contrôle et de répartition des effectifs de personnels entre les collèges...

Auteur, Michel PEPIN, Juriste, Pôle Service Juridique, Secteur Juridique National UNSA.

Pour toute question : juridique@unsa.org

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