Recruter pour remplacer un salarié en poste n’est pas licencier irrégulièrement...


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Par un arrêt en date du 26 mars 2025, n° 23-23.625, la Chambre sociale de la Cour de cassation examine la possibilité de qualifier de « licenciement verbal », le fait de recruter pour remplacer un salarié encore en poste.

JURISPRUDENCE DU LICENCIEMENT VERBAL : POINT DE VUES...

À propos de Cass. soc. 26 mars 2025, n° 23-23.625

https://www.courdecassation.fr/deci...

LE « LICENCIEMENT VERBAL » : INTERDIT !

L’article L. 1232-6 du Code du travail prévoit que : « lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.

Cette lettre comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur.
Elle ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l’entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué ».

Ainsi, lorsque l’employeur envisage de procéder à un licenciement pour motif personnel, il doit respecter une procédure légale. Un employeur qui souhaite licencier un salarié doit notifier cette décision par écrit. Un « licenciement verbal » est interdit et pourra être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse voire en licenciement nul.

- EN BREF

Dans cette décision, la Chambre sociale de la Cour de cassation déclare que le fait pour un employeur de demander à la responsable des ressources humaines d’établir une promesse d’embauche pour remplacer un salarié en poste, ne constitue pas un « licenciement verbal » condamnable.

° CONTEXTE DE LA SAISINE

Un salarié, engagé en qualité de directeur général, a été licencié pour faute grave.
Afin de contester son licenciement, il a saisi la juridiction prud’homale.
Des points de vue inconciliables…

- L’ANALYSE DE LA COUR DE CASSATION

La Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule partiellement l’arrêt de la cour d’appel de Besançon, du 26 septembre 2023, n° 22/00186, qui avait jugé le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

Tout d’abord, la Chambre sociale énonce que « sans lettre de licenciement, la rupture du contrat ne peut découler que d’un acte de l’employeur qui exprime au salarié ou publiquement sa volonté de mettre fin au contrat de travail ».

En l’espèce, l’employeur a demandé à la responsable des ressources humaines d’établir une promesse d’embauche sur un poste de directeur général, alors que le seul poste de l’entreprise est occupé par le salarié. Cette formalisation s’est faite avant même la convocation du salarié à un entretien préalable. La cour d’appel estime que cet acte manifestait une décision irrévocable de rompre le contrat de travail du salarié.

En outre, la cour ajoute que l’existence de la décision est démontrée puisqu’au moins un des salariés, soit la responsable des ressources humaines, a eu connaissance de ce recrutement sur ce poste. Dès lors, puisque l’employeur a manifesté auprès d’un salarié sa volonté non équivoque de rompre le contrat de travail du salarié, il s’agit pour la cour d’appel d’un « licenciement verbal », requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Toutefois, la Chambre sociale de la Cour de cassation s’oppose à ce raisonnement.

Elle estime que l’intention de l’employeur de recruter un nouveau directeur général s’est manifestée uniquement par un échange entre lui et la responsable des ressources humaines afin d’établir une promesse d’embauche. Cette intention n’a été communiquée ni au salarié, ni publiquement. L’employeur avait encore la faculté de ne pas procéder au licenciement du salarié. Ainsi, la Chambre sociale déclare que l’employeur n’a pas manifesté sa volonté de mettre fin au contrat du salarié.

° ÉCLAIRAGES

La Chambre sociale de la Cour de cassation précise sa jurisprudence relative au « licenciement verbal », soit en l’absence de notification écrite du licenciement.

La Chambre sociale rappelle bien que l’absence de notification du licenciement n’empêche pas la rupture du contrat si l’employeur a manifesté au salarié ou publiquement sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Dans cette configuration, le « licenciement verbal » pourra être retenu.

Cependant, elle estime que cette volonté n’est pas « claire et non équivoque », lorsque l’employeur demande à la responsable des ressources humaines d’établir une promesse d’embauche. Cette demande ne permet pas de déduire l’intention « ferme et définitive » de l’employeur (notre analyse) de mettre fin au contrat de travail du salarié. L’employeur a encore la possibilité de ne pas licencier le salarié. Ainsi, dans ce contexte, le « licenciement verbal » ne peut pas être retenu.

Afin de caractériser le « licenciement verbal », il aurait fallu que l’employeur manifeste expressément au salarié ou à d’autres salariés de l’entreprise sa volonté de mettre fin au contrat du salarié, par exemple en annonçant au salarié ou à d’autres salariés le remplacement du salarié suite à un recrutement.

In fine, la volonté de rompre le contrat de travail doit être clairement extériorisée (la répétition et la publicité de l’annonce d’un remplacement ainsi que le feu vert pour l’engagement d’un recrutement pourraient-ils être interprétées comme un signe clair de la volonté de se séparer du directeur général en poste et comme une indication de l’irréversibilité du remplacement, sous-entendant le licenciement du salarié ?).

Cette décision de la Chambre sociale va plus loin qu’une autre solution du 2 avril 1992 ((*), ci-après), puisqu’elle insiste sur la diffusion réelle de la prise décision.

Dans tous les cas, il est permis de s’interroger sur l’influence qu’un projet de remplacement, annoncé en amont, pourrait avoir sur le bon déroulement et l’impartialité d’une procédure disciplinaire à venir. Il devient alors difficile pour l’intéressé de se défendre face à une décision qui paraît déjà arrêtée.

° DROIT EN ACTIONS

Dans une situation similaire, si un salarié, qui est le seul à son poste, soupçonne qu’un recrutement est effectué sur le même poste que le sien, il lui est conseillé de se renseigner, notamment si aucun acte de l’employeur ne manifeste au salarié ou à d’autres salariés sa volonté de mettre fin au contrat de travail. En effet, il reste envisageable que l’employeur, du fait de son pouvoir de direction, ouvre un poste similaire et ce, y compris en doublon ou en parallèle du poste existant.

En revanche, si le salarié apprend par un autre salarié, informé par l’employeur, de l’intention de l’employeur de mettre fin à son contrat de travail, cela peut être qualifié de « licenciement verbal » et le salarié pourra le contester devant le juge prud’homal.

Secteur Juridique National UNSA.
Pour toute remarque, juridique@unsa.org

Crédits photo : Freepik

* Cass. soc., 2 avril 1992, n° 90-42.030 : le fait pour un employeur de rechercher un nouveau salarié pour le poste du salarié convoqué à un entretien préalable est licite. En effet, ce fait n’est pas de nature à rendre la procédure irrégulière. Il convient toutefois de souligner qu’il s’agit là d’un arrêt d’espèce, rendu en considération du poste occupé par le salarié (chef de service) et en raison de la nature de la faute qui lui était reprochée.
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