Vote électronique sous condition d’égal accès et de connexion à l’application informatique…


https://www.unsa.org/2265

La Cour de cassation, après le tribunal judiciaire contrôle et garantit l’égal accès aux moyens du vote... A propos de Cass. soc. 1er juin 2022, pourvoi n° 20-22.860.

JURISPRUDENCE ELECTORALE : ELECTIONS PROFESSIONNELLES CSE

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L’utilisation du vote électronique et d’un logiciel pour les élections professionnelles au comité social et économique (CSE), qui ne s’embarrasse plus des accès à un lieu de vote, aux isoloirs et aux urnes, semblait devoir mieux garantir l’égalité des électeurs dans le processus de scrutin.

La Cour de cassation nous rappelle que le diable reste dans les détails et qu’il faut regarder au plus près l’organisation matérielle des opérations électorales…

Rappel : pour le vote électronique, il faut un accord collectif d’entreprise ou de groupe, ou, à défaut, l’employeur le décide unilatéralement (art. L. 2314-26 et R. 2314-5).

Faits : Dans les faits de l’espèce, l’employeur avait privilégié l’impératif de confidentialité et de sécurité au détriment du principe d’égalité.

Lors des deux tours du scrutin, l’employeur est informé par les organisations syndicales des difficultés rencontrées par certains pour se connecter à la plateforme de vote durant la période de scrutin.

De fait, les employés en charge de la distribution d’imprimés ne disposaient d’aucun bureau ni poste informatique aménagé dans l’entreprise, contrairement aux agents de maîtrise et aux cadres.

Mais, pour des raisons de confidentialité et de sincérité du scrutin, l’entreprise avait décidé d’interdire toute utilisation par les salariés des ordinateurs appartenant aux agents de maîtrise ou aux cadres ou toute utilisation d’un ordinateur personnel apporté sur site.
Comme souvent, elle considérait aussi (un peu vite) que tous les salariés disposaient d’un équipement et d’une connexion internet.

Question posée : le vote électronique via un logiciel certifié doit-il perpétuer un principe d’égalité dans l’exercice du droit de vote au regard de règles de confidentialité et de sécurité (toujours sous peine d’annulation des élections) ?

Le contentieux : des syndicats saisissent le tribunal judiciaire en annulation des élections, l’employeur ayant porté atteinte à l’égalité des salariés dans l’exercice du droit de vote.

Face aux juges l’employeur multiplie les arguments  : la confidentialité (R. 2314-6 du code, notamment relatif à l’authentification et l’émargement), la sécurité et la sincérité du scrutin, qui l’autorisaient à interdire aux employés d’utiliser les ordinateurs professionnels de leurs collègues de travail. Il ne pouvait lui être fait grief d’un état de fait lié aux modalités différentes d’exercice de l’activité par les employés, qui n’étaient pas placés dans une situation identique à celles des salariés des autres collèges ; dépositaires d’ordinateurs dans leur travail, les cadres et agents de maîtrise avaient effectivement une facilité pour voter, pour autant, l’entreprise devait-elle fournir un ordinateur à tous ? En outre, les électeurs - employés avaient bénéficié d’un délai suffisant de 8 jours pour trouver un accès, par leurs propres moyens, à une connexion internet leur permettant de voter.

Pour le tribunal judiciaire, le non-respect du principe d’égalité des salariés électeurs peut être invoqué hors tous impératifs de sécurité et de confidentialité. L’entreprise aurait pu mettre en place dans ses établissements des terminaux dédiés au vote électronique avec un protocole garantissant la sécurité et la confidentialité.

L’entreprise n’avait pas davantage l’assurance que l’ensemble de ses salariés pouvaient accéder à un matériel permettant d’exercer leur droit de vote (et par extension, on pourrait ajouter, que cette question nécessitait de vérifier si cela n’avait pas effectivement affecté les résultats du vote).

En 2018, selon l’INSEE, 95,4 % des Français disposaient d’un téléphone portable, et non d’un smartphone et 82,3 % des Français disposaient d’un ordinateur portable ; en 2020, date des faits, 90 % avaient un accès à internet (et des zones "blanches" restaient non desservies... ).

Il y avait donc bien, selon les juges, une atteinte à l’égalité des salariés face à l’exercice du droit de vote entrainant l’annulation des élections (déjà, dans le Public, Conseil d’État, 3.10.2018, n° 417312).

La Cour de cassation confirme la position du tribunal judiciaire.

Droits en actions : les employeurs devront veiller particulièrement à respecter une identité des conditions d’accès et moyens très concrets du vote électronique. Si cela parait légitime, dans les faits, cela reste d’être difficile, notamment de placer le curseur, entre ce qui est acceptable ou pas : le protocole d’accord préélectoral devra-t-il être accompagné d’une annexe complétée d’un audit préalable des écarts sur l’opérationnalité pour chacune des catégories de travailleurs de voter, en termes d’organisation des temps, de matériels informatiques, d’identification des zones « blanches » (nombre de salariés concernés, dispositifs à mettre en place, etc.) ? Quid si les différences ne concernent qu’un seul et même collège ? Si l’audit des conditions de vote fait apparaître que le nombre de votants potentiels concernés ne peut impacter les résultats ? S’il n’y a aucun moyen d’assurer matériellement et techniquement une pleine égalité de traitement et que dans tous les cas le résultat aux élections est impacté ? Ne sera-t-il pas temps de permettre dans ce cas au législateur d’ouvrir des dérogations possibles aux dispositions d’ordre public du code électoral pour garantir, en tout état de cause et d’incident, un résultat électoral ?

On ne pourra en tous cas que saluer l’analyse approfondie du tribunal judiciaire sur les conditions réelles du vote…

Auteur, Christian HERGES, Responsable Juridique, Service Juridique UNSA, Secteur Juridique National.

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