Suspension des indemnités journalières de sécurité sociale : attention au fondement juridique !
" Laissez passer les p’tits papiers " ou de l’illégalité de la décision administrative de restreindre la liberté de circulation d’un assuré de la C.P.A.M. fondée sur un règlement provisoire...
UNE JURISPRUDENCE QUI " RECADRE "... ENFIN !
Les 5 et 6 juin dernier la Seconde Chambre Civile de la Cour de Cassation (compétente pour les litiges touchant à la protection sociale), a rendu 2 décisions importantes venant confirmer une position assez claire depuis 2008 (cf. Civ 2ème., 10 avril 2008, pourvoi n° 7-12.982, publié au Bulletin), en matière d’octroi des indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) et déplacements des assurés hors le territoire national.
Dans ces 2 affaires, les assurés, le premier en mi-temps thérapeutique et la seconde en arrêt maladie avaient sollicité l’autorisation de leur CPAM respective de pouvoir se déplacer à l’étranger pour divers motifs (l’un pour des raisons professionnelles et l’autre pour un motif familial impérieux). Tels Sœur Anne, ne voyant rien venir, les assurés, appliquant certainement l’adage selon lequel « qui ne dit mot consent », ont quitté le territoire.
L’apprenant, les CPAM ont suspendu, avec effet immédiat, le versement des indemnités journalières de sécurité sociale, au motif que les assurés ne respectaient pas les dispositions d’un « règlement intérieur provisoire » de 1947 et toujours en vigueur (du « provisoire » qui dure en somme…) réglementant l’activité des organismes de sécurité sociale.
La Deuxième Chambre Civile qui avait déjà eu à se prononcer, en 2008, sur la question et voyant certainement là une opportunité d’asseoir sa position jurisprudentiel, saisit le Conseil d’Etat d’une question préjudicielle quant à la légalité de ce texte (cf. Civ. 2ème, 6 juin 2024, n° 21-22.162).
Le Conseil d’État a déclaré ce règlement entaché d’illégalité, au motif que si l’article L. 323-6 du code de la sécurité sociale (celui-ci définit de façon limitative les obligations du bénéficiaire des IJ) impose, qu’un déplacement du malade autre qu’une sortie de son domicile (le conduisant donc à résider momentanément à une autre adresse…) soit opéré dans des conditions lui permettant de continuer à satisfaire à l’ensemble de ces obligations dont celle de se soumettre aux vérifications du service du contrôle médical, il ne permet pas que le déplacement du malade, hors de la circonscription à laquelle il est rattaché, soit soumis à une autorisation de la caisse (cf. CE, 28 novembre 2024, n° 495040).
C’est donc tout naturellement que la Haute Juridiction juge que le tribunal ne pouvait valider la suspension du versement des indemnités journalières sur le seul fondement d’un texte illégal et casse, en conséquence, le jugement.
La décision d’autant plus justifiée que même si la CPAM avait fondé son action en suspension des IJSS sur les dispositions de l’article L. 323-6 du CSS, ces dernières ne constituent pas un blanc-seing donné aux organismes débiteurs des prestations sociales pour suspendre, comme bon leur semble, leurs prestations.
Une telle décision aux conséquences financières parfois dramatiques pour les assurés sociaux doit respecter des conditions de fond légales comme l’autorisation donnée par le médecin prescripteur. Mais aussi et surtout, comme c’est le cas ici, des garanties constitutionnelles comme la liberté de circulation (encore) garantie par les articles 2 et 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789…
TEXTES DES DÉCISIONS :
Cass 2ème chambre civile 6 juin 2025 n°21-22.162
https://www.legifrance.gouv.fr/juri...
Cass 2ème chambre civile 5 juin 2025 n°22-22.834
https://www.courdecassation.fr/deci...
Secteur Juridique National UNSA