République démocratique du Congo : paix durable ou nouveau conflit ?
Le décryptage de l’UNSA
Certains conflits font la une, d’autres se déroulent dans l’ombre, tuant et affamant des populations loin des caméras et du tumulte géopolitique mondial. L’UNSA propose un éclairage sur ces zones délaissées, rappelant que derrière chaque conflit se trouvent des femmes, des hommes et des enfants qui souffrent et meurent chaque jour, tandis que ces crises fragilisent la paix et la stabilité internationales.
La convoitise des ressources au cœur du conflit
Depuis janvier 2024, l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) connaît une nouvelle flambée de violences. L’armée congolaise (FARDC) affronte les rebelles du M23 (Mouvement du 23 mars en référence à l’accord de paix du 23 mars 2009), aujourd’hui intégrés à l’Alliance Fleuve Congo (AFC-M23). Selon Kinshasa, ce mouvement bénéficie d’un soutien militaire direct du Rwanda, qui aurait déployé entre 3 000 et 4 000 soldats sur le territoire congolais pour appuyer ses conquêtes territoriales. Cette ingérence a été récemment condamnée par les Etats-Unis et l’ONU.
En sommeil pendant près d’une décennie, le M23 a repris les armes pour contrôler une région aux sous-sols exceptionnellement riches : cobalt, coltan, cuivre, diamants. La coalition AFC-M23 y a instauré une administration parallèle contrôlant activités minières, commerce, transport et taxation des ressources. Selon un rapport des Nations Unies, au moins 150 tonnes de minerais seraient exportées illégalement chaque année, alimentant une économie clandestine profitable au Rwanda et finançant un conflit sans fin.
La RDC concentre 60 à 80 % des réserves mondiales de cobalt et près de 80 % du coltan, dont sont extraits le niobium et le tantale — des métaux essentiels à l’électronique, aux technologies numériques et à la transition énergétique, notamment pour la fabrication de batteries, smartphones ou alliages utilisés dans l’aéronautique. Mais ces ressources stratégiques ne profitent ni à la population ni au développement du pays.
Face à ces richesses convoitées, des officiels corrompus, des entreprises étrangères et divers groupes armés se disputent le contrôle des gisements. La Chine demeure le principal partenaire commercial et investisseur, contrôlant une large part du marché des minerais congolais, tandis que les États-Unis et l’Union européenne (UE) cherchent à sécuriser leurs approvisionnements, accentuant la pression géopolitique et la dépendance congolaise.
Une crise humanitaire d’ampleur historique
Les conséquences humaines sont dramatiques et alarmantes.
Selon l’ONU, plus de 7 millions de personnes sont aujourd’hui déplacées à l’intérieur du pays — un record — et des centaines de milliers fuient vers les pays voisins, dans des camps surpeuplés et insalubres où sévissent choléra, malnutrition et manque d’eau potable.
L’aide internationale recule. Les États-Unis sont passés de près d’un milliard de dollars d’aide humanitaire par an, sous l’administration Biden, à 65 millions, alors que les besoins pour 2025 sont évalués à 2,5 milliards (hôpitaux débordés, stocks alimentaires au plus bas...).
Les violences sexuelles, utilisées comme armes de guerre, atteignent des niveaux terrifiants : une agression toutes les quatre minutes, selon l’ONU. La qualification de « capitale mondiale du viol » donnée par Margot Wallström, envoyée spéciale des Nations Unies, reste tragiquement d’actualité.
Enrôlement d’enfants, travail forcé, répression des libertés fondamentales : les violations massives des droits humains se multiplient. La CSI alerte régulièrement sur la situation des travailleurs et travailleuses.
Des initiatives de paix fragiles et insuffisantes
Un accord de paix a été signé en juin 2025 entre la RDC et le Rwanda, suivi d’un cessez-le-feu à Doha en juillet. Mais les combats continuent et la situation humanitaire se détériore. L’envoyé spécial de l’UE pour les Grands Lacs juge la situation sécuritaire « très préoccupante ».
Les négociations menées au Qatar et la conférence organisée à Paris à l’automne 2025 sous l’impulsion du président Macron témoignent d’une volonté internationale de stabiliser la région. Mais leurs effets demeurent limités et influencés par la quête d’approvisionnements sécurisés en minerais stratégiques.
Malgré une aide européenne de 20 millions d’euros, les Forces armées congolaises peinent à reprendre le contrôle du territoire. Ingérences régionales, emprise des groupes armés et faiblesse de l’État freinent toute progression durable. Quant à la mission de maintien de la paix de l’ONU (MONUSCO), présente depuis plus de vingt ans avec près de 16 000 casques bleus, elle apparaît impuissante face aux violences.
Une paix encore lointaine
La RDC est prisonnière d’un enchevêtrement d’intérêts politiques, économiques et militaires où ses immenses richesses deviennent sources de conflits plutôt que leviers de développement.
L’UNSA appelle à une véritable stratégie internationale fondée sur la transparence des chaînes d’approvisionnement, la lutte contre la corruption, la protection des civils et un partage équitable des bénéfices issus des ressources.
Ces conflits, trop souvent abordés sous l’angle géostratégique, rappellent que sans respect des droits humains, sans gouvernance démocratique des ressources et sans justice sociale, aucune paix durable n’est possible.
La voix des travailleurs, des travailleuses, des syndicats et de l’ensemble de la société civile doit être au cœur des solutions pour bâtir un avenir stable et juste.
Communication de la Confédération européenne des syndicats
Illustration : Mine de coltan de Luwowo vers Rubaya, Nord Kivu, République démocratique du Congo
Crédit : MONUSCO Photos, CC BY-SA 2.0 <https://creativecommons.org/license...>
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