Retour sur le « droit de se taire » du fonctionnaire devant une commission disciplinaire !


https://www.unsa.org/3686

Conseil Constitutionnel, décision n° 490357 du 2 octobre 2024 du Conseil d’État statuant au contentieux, relative au « droit de se taire » lors des procédures disciplinaires.

Article mis à jour le 19 octobre 2024.

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ (QPC) :

https://www.conseil-constitutionnel...

Requérants :

La QPC était posée pour l’union fédérale des syndicats de l’Etat - CGT, Avenir secours et Sud SDIS national et la société La Poste est intervenue (n° 2024-1105 QPC).

Elle était relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du troisième alinéa de l’article 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de l’article L. 532-4 du code général de la fonction publique, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général de la fonction publique.

° TEXTE EN ‘QUESTION’ :

« Le fonctionnaire à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l’intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l’assistance de défenseurs de son choix. L’administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l’État, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d’un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté » .

L’article L. 532-4 du code général de la fonction publique, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 24 novembre 2021 mentionnée ci-dessus, prévoit : « le fonctionnaire à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l’intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes. L’administration doit l’informer de son droit à communication du dossier. Le fonctionnaire à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à l’assistance de défenseurs de son choix ».

  • GRIEFS : il a été reproché à ces dispositions de ne pas prévoir que le fonctionnaire mis en cause est informé du droit qu’il a de se taire, alors que ses déclarations sont susceptibles d’être utilisées à son encontre dans le cadre d’une procédure disciplinaire.

Ce droit constituant, une « garantie fondamentale pour les fonctionnaires, il en résulterait une méconnaissance des exigences résultant de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (…) Faute d’imposer à l’autorité administrative, d’une part, le respect du principe du contradictoire tout au long de la procédure et, d’autre part, la notification au fonctionnaire poursuivi des griefs qui lui sont reprochés dès l’engagement de cette procédure, ces dispositions seraient contraires aux droits de la défense ».

° CONSEIL CONSTITUTIONNEL :

Dans le texte actuel, l’administration est tenue d’informer des droits. En revanche, ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative ne prévoient que le fonctionnaire poursuivi disciplinairement est informé de son droit de se taire.

Les déclarations ou les réponses du fonctionnaire devant les instances disciplinaires sont susceptibles d’être portées à la connaissance de l’autorité investie du pouvoir de sanction.

« Dès lors, en ne prévoyant pas que le fonctionnaire à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée doit être informé de son droit de se taire, les dispositions contestées méconnaissent les exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789. Par conséquent, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs, elles doivent être déclarées contraires à la Constitution ».

° CONSÉQUENCES :

L’abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles de l’article L. 532-4 du code général de la fonction publique aurait pour effet de supprimer l’obligation pour l’administration d’informer le fonctionnaire poursuivi disciplinairement de son droit à communication du dossier. Elle entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives.

Par suite, il y a lieu de reporter au 1er octobre 2025 la date de l’abrogation de ces dispositions.

En revanche, afin de faire cesser l’inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la présente décision, il y a lieu de juger que, jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou jusqu’à la date de l’abrogation de ces dispositions, le fonctionnaire à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée doit être informé de son droit de se taire devant le conseil de discipline.

La déclaration d’inconstitutionnalité pourra être invoquée dans les instances introduites à la date de publication de la présente décision et non jugées définitivement.

° DROIT EN ACTIONS

Cette évolution de la "jurisprudence" du Conseil constitutionnel avait été anticipée et largement commentée par l’UNSA Juridique.

https://www.unsa.org/Quoi-de-neuf-a...

https://www.unsa.org/Du-droit-de-se...

Elle trouverait d’autres champs d’intervention dans les procédures disciplinaires des entreprises de droit privé au titre des droits de la défense et du principe du contradictoire.
Elle devrait pouvoir être utilisée dans les multiples modalités d’enquêtes, réglementées (suite à une alerte du CSE, d’un travailleur dans une entreprise (lanceur d’alerte) ou non (enquêtes spontanées organisées par les entreprises dès lors qu’une alerte salariée est susceptible de mettre en cause l’obligation de santé - sécurité du chef d’entreprise. Mais, en la matière, le chemin risque d’être compliqué et long, au regard de l’état du droit...

Christian HERGES, Responsable Juridique, Secteur Juridique National UNSA.

Pour tout commentaire, juridique@unsa.org

Suivi : pour une nouvelle application de ce principe par le Conseil Constitutionnel : Décision n° 2024-1108 QPC du 18 octobre 2024 :
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf...

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