Action syndicale contre un projet de PSE : ne vous adressez pas au juge judiciaire...


https://www.unsa.org/2037

La contestation des licenciements économiques collectifs, des plans de sauvegarde et des litiges relatifs à la reprise d’entreprise en difficultés et des salariés ne manque pas de dérouter les justiciables et désormais les juristes. Juge judiciaire, tribunal administratif... On cherche, on tente de comprendre, on décrypte...

La chambre sociale de la cour de cassation poursuit le travail d’analyse...

JURISPRUDENCE SOCIALE

Cass soc, 29 septembre 2021, n°19-23248

L’essentiel :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri...

Avant une notification de licenciements économiques, le juge judiciaire ne peut ni constater l’absence de cause économique ni mettre fin aux projets de fermeture du site et de licenciement économique soumis à consultation.

Question de droits :

Faits : la Société Ford-Aquitaine Industries met en œuvre une procédure d’information-consultation du comité d’entreprise sur un projet de cessation complète et définitive de son activité avec, en même temps, un plan de sauvegarde de l’entreprise (PSE).

Une société (Punch Motive international) transmet trois offres de reprise que la Société Ford-Aquitaine Industries refuse.
Ford signe ensuite un PSE prévoyant la suppression de 872 emplois.

Avant que ne soient notifiés les licenciements économiques, un syndicat de la Société Ford-Aquitaine Industries saisit le juge judiciaire.
Il demande à celui-ci de reconnaître que le refus de la Société est abusif, mais aussi, d’ordonner ainsi de régulariser un acte notarié permettant la cession du site, dans les conditions du projet de reprise. Est sollicité également, de constater l’absence de motif économique et, en conséquence, d’interdire la fermeture du site de même que la suppression des emplois.

Plusieurs questions de droit étaient posées

- Un syndicat peut-il contester le motif économique d’un projet de PSE devant le juge judiciaire alors même que les licenciements n’ont pas encore été prononcés. Le juge judiciaire est-il compétent pour se prononcer sur l’obligation de l’employeur de rechercher un repreneur ?

Quelques éclairages à la lumière diaphane...

La Cour d’appel décide que le juge judiciaire est incompétent pour statuer : cela aboutirait à se prononcer avant même les décisions de licenciement et à paralyser la procédure soumise au seul contrôle de la juridiction administrative..

Le syndicat forme un pourvoi en cassation. Selon lui, en retenant que le contentieux de la pertinence du motif économique ne peut s’exercer qu’après la notification des licenciements, le syndicat est privé d’action. De même, il reproche aux juges du fond de ne pas avoir jugé inexistante la procédure de licenciement économique faute de justification de l’employeur.

La Cour de cassation rejette les arguments du syndicat. Elle pose que le motif du licenciement économique peut être contesté devant le conseil des prudhommes, à l’occasion du contentieux individuel de la rupture du contrat de travail.

La régularité de la procédure du licenciement économique ne s’apprécie pas en fonction de la cause économique. Le syndicat ne peut prévenir l’opportunité de la décision de licencier.

Le juge judiciaire, saisi, avant la notification des licenciements pour motif économique, ne peut constater l’absence de cause économique. Il ne peut pas davantage contraindre l’employeur de mettre fin au projet de fermeture du site et au projet de licenciement soumis à la consultation des instances représentatives du personnel.

La Cour de cassation rappelle que le juge judiciaire ne dispose que d’une compétence résiduelle dans le contentieux de la procédure de licenciement économique et du PSE.

Enfin, les hauts magistrats estiment que le juge judiciaire est incompétent pour se prononcer sur l’obligation de l’employeur de rechercher un repreneur. C’est ainsi à l’autorité administrative de vérifier que l’employeur a bien respecté l’obligation de recherche d’un repreneur.

Quels fondements juridiques ?

Cette décision confirme la jurisprudence constante sur l’incompétence du juge judiciaire pour connaître du motif économique au stade du projet de PSE.

La chambre sociale rappelle que le contentieux des PSE connaît toujours deux juges : le juge administratif et le juge prud’homal, ce dernier étant chargé de se prononcer sur la cause réelle et sérieuse du motif économique, une fois les licenciements prononcés.

Cette position est conforme à l’article L. 1235-7-1 du code du travail (*)

DROITS EN ACTIONS

Si le syndicat n’a pas le pouvoir d’empêcher un licenciement économique par une action judiciaire, l’action syndicale reste possible par la voie administrative.

Enfin, si cette action judiciaire au stade du projet du PSE n’est pas reconnue aujourd’hui, il n’est pas certain que cela le sera encore demain. L’action en justice doit se poursuivre pour que ce droit de contestation du projet soit reconnu avant même que les licenciements économiques ne soient prononcés.

Pour qu’un droit devienne une liberté, il faudrait pouvoir s’en saisir, le syndicat en est ici le premier acteur, un acteur qui finira par trouver sa voie...

Auteure, Sophie Riollet - Service Juridique - Secteur Juridique National UNSA, BAGNOLET

Une question, une précision ou un avis : juridique@unsa.org

Vos questions alimenteront la FAQ UNSA du site internet UNSA

(*) https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000027560841/

L'Unsa à votre service

UNSA
Actualités Céfu
TPE Retraités
Abo UNSA-Info
Les parutions de l'UNSA Voir-Écouter
Contact Transition écologique
UNSA-Boutique CES
UNSA-Conseils Vos Droits