L’obligation de "santé-sécurité", une responsabilité partagée ?
La Cour de Cassation aborde et "confronte" les obligations de l’entreprise et celle des salariés pour garantir aux travailleurs leur santé et sécurité dans l’entreprise...
ÉTUDE DE CAS : QU’EN EST-IL DES VIOLENCES PSYCHIQUES D’UN SALARIÉ AU TRAVAIL ET DES OBLIGATIONS DANS L’ENTREPRISE…
Point de départ de cette actualité juridique : Cour de cassation, en date du 5 novembre 2025, n° 24-11.048
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° Principes :
L’obligation de santé et de sécurité au travail est souvent analysée exclusivement à travers la responsabilité de l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité à l’égard de ses salariés.
Toutefois, le Code du travail prévoit également, à la charge de l’employé, une obligation propre en matière de prévention des risques.
Longtemps considérée comme secondaire, cette obligation connaît un intérêt renouvelé grâce à une décision de la Cour de cassation, en date du 5 novembre 2025, n° 24-11.048, venue préciser la responsabilité du salarié dans la préservation de sa santé et de celle des autres au travail.
° Une obligation fondée sur l’article L. 4122-1 du Code du travail
« Conformément aux instructions qui lui sont données par l’employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d’en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail (1) ».
Cette disposition met en évidence une obligation personnelle du salarié qui n’est pas absolue. Elle dépend en effet, des connaissances, des compétences et des moyens mis à la disposition de ce dernier.
De ce fait, l’obligation du salarié prévu par l’alinéa 1er de l’article L. 4122-1 du Code du travail n’est pas de même nature que celle pesant sur l’employeur (2) :
- Obligations de l’employeur : obligation de santé et de sécurité (il s’agit d’une obligation de résultat ), mise en œuvre les moyens de prévention, formation, évaluation des risques, responsable de l’organisation du travail...
- Obligation du salarié : obligation de prudence et de coopération, respecter les consignes, procédures, sécurité, formation, être responsable et maître de son comportement au sein de l’organisation...
Ainsi, la mise en œuvre de l’obligation de l’employé implique :
- Une adaptation de l’obligation à son profil (qualification, ancienneté, expérience).
- Une nécessité pour l’employeur de fournir une information et une formation claires en matière de sécurité et de prévention des risques.
- L’impossibilité de reprocher au salarié un manquement lorsqu’il n’a ni reçu les moyens ni les instructions nécessaires.
Le salarié ne peut être tenu responsable d’un risque dont il n’a ni la maîtrise ni la connaissance technique. Sa responsabilité ne peut donc être engagée qu’à la mesure de ce qui est raisonnablement exigible compte tenu de ses compétences, de son niveau de formation et de ses possibilités.
° Le manquement à cette obligation peut justifier le licenciement pour faute grave...
L’arrêt du 5 novembre 2025 ne crée pas une nouvelle obligation, mais clarifie la portée de celle qui existe. Le salarié est responsable de sa santé et de sa sécurité au travail et surtout aussi de celle de ses collègues.
Il ne doit donc pas par son comportement au sein de l’entreprise porter atteinte à leur dignité et à leur santé psychique.
Ainsi, est justifié pour faute grave, le licenciement d’un salarié, qui a tenu à l’égard de certains de ses collaborateurs, « alors qu’il occupait les fonctions de directeur commercial, des propos à connotation sexuelle, sexiste, raciste et stigmatisants en raison de leur orientation sexuelle (3) ».
Les juges de cassation mettent l’accent sur le fait que peu importe le caractère « humoristique » ou « d’ambiance interne » des propos. Dès lors qu’ils portent atteinte à la dignité des autres en raison de leur caractère dégradant, ils constituent un manquement à l’obligation de sécurité qui pèse sur le salarié, rendant impossible son maintien au sein de l’entreprise.
Pour sanctionner le salarié sur ce fondement, l’employeur n’a pas besoin de recueillir plusieurs plaintes. Des témoignages révélant un climat de travail malaisant en raison de ces propos suffisent.
L’un des points essentiels à retenir est que par cet arrêt, la Cour rejette toute logique de transfert implicite de responsabilité : la charge de la sécurité ne se déplace pas vers le salarié.
La responsabilité de ce dernier ne peut donc être engagée qu’en cas de négligence patente ou comportement délibéré, et non en raison de simples difficultés inhérentes à l’exécution du travail (charge, rythme, contraintes du poste, etc.).
La Cour confirme ainsi, une vision équilibrée.
Pour conclure, la prévention des risques psychosociaux ne dépend pas seulement de politiques des ressources humaines. Elle commence par la responsabilité individuelle de chaque salarié vis-à-vis de lui-même mais aussi, à l’égard des personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail...
Veillons aux autres...
TEXTES :
(1) - Alinéa 1er article L. 4122-1 du Code du travail
(2) - Articles L. 4121-1 à L. 4121-5 du code du travail
(3) - Cour de cassation, 5 novembre 2025, Pourvoi n° 24-11.048
Pour le Secteur Juridique National,
Marie-Noëlle KOSSA, Juriste en droit social, votre premier contact UNSA PLEASE
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