Pas le droit de se taire et de garder le silence lors d’un entretien préalable disciplinaire ?

La question prioritaire de constitutionnalité portait sur les mots, dans le cadre d’un entretien préalable d’une procédure disciplinaire, « recueille les explications du salarié » figurant à l’article L. 1232-3 du code du travail et à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 1332-2 du même code et le droit qu’aurait tout salarié d’être informé au préalable du droit de se taire et de garder le silence en « réponse » de griefs formulés par l’employeur lors de l’entretien...
CONSEIL CONSTITUTIONNEL
Décision n° 2025-1160/1161/1162 QPC du 19 septembre 2025 : de l’information préalable du droit de se taire lors d’un entretien préalable ?
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf...
° CONTEXTE : la question prioritaire de constitutionnalité portait sur les mots « et recueille les explications du salarié » figurant à l’article L. 1232-3 du code du travail et à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 1332-2 du même code et le droit qu’aurait tout salarié d’être informé au préalable du droit de se taire et de garder le silence en « réponse » de griefs formulés par l’employeur lors de l’entretien.
° QUESTION : les requérantes, rejointes par les parties intervenantes, reprochaient à ces dispositions (comme l’UNSA Juridique l’avait faite elle-même – cf. https://www.unsa.org/Retour-sur-le-...) de ne pas prévoir que le salarié est informé par l’employeur de son droit de se taire lors de l’entretien préalable à un licenciement pour motif personnel ou à une sanction disciplinaire, alors que ses déclarations sont susceptibles d’être utilisées à son encontre. Il en résulterait, selon elles, une méconnaissance des exigences découlant de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
° FONDEMENTS juridiques de la discussion : aux termes de l’article 9 de la Déclaration de 1789 : « tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable ». Il en résulte le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser (en substance, ni de « déclarer (sans savoir) des choses qui pourraient ensuite se retourner contre lui), dont découle le droit de se taire. »
° DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL : après qu’il ait été rappelé que ces exigences ne s’appliquent qu’aux peines et aux sanctions ayant le caractère d’une punition. Elles ne s’appliqueraient pas davantage aux mesures qui, prises dans le cadre d’une relation de droit privé, ne traduisent pas l’exercice de prérogatives de puissance publique.
L’employeur qui envisage de licencier pour un motif personnel un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable, sur les fondements des textes du code du travail, n’applique pas une punition : « ni le licenciement pour motif personnel d’un salarié ni la sanction prise par un employeur dans le cadre d’un contrat de travail ne constituent une sanction ayant le caractère d’une punition au sens des exigences constitutionnelles précitées.
Dès lors, le grief tiré de ce que les dispositions contestées méconnaîtraient les exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789, faute de prévoir que le salarié doit être informé de son droit de se taire lors de l’entretien préalable à un licenciement pour motif personnel ou à une sanction, ne peut qu’être écarté. Par conséquent, ces dispositions, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution ».
° DROIT EN ACTIONS :
Cette « réponse » prioritaire du Conseil Constitutionnel, de « non-inconstitutionnalité » de l’actuelle procédure disciplinaire de sanction, exclut donc de l’exercice de la « puissance », de l’autorité et de prérogatives « privées » (*) de l’employeur, l’obligation d’informer le salarié mis en cause, au moment de la convocation ou au plus tard, à l’instant où l’entretien préalable à une mesure disciplinaire débute, d’un droit de garder le silence, de se taire, de ne pas trop en dire ou de ne pas tout dire…
((*) au titre du code civil et des textes du code du travail (précités))
Cette décision ne doit pas empêcher et ne s’oppose pas pour autant à ce que les délégués syndicaux ou les représentants élus du CSE, chaque fois qu’ils sont amenés à négocier ou à être consultés pour un règlement intérieur de l’entreprise, les procédures disciplinaires, puissent proposer, si possible, de renforcer les garanties et droits de la défense des salariés convoqués en vue d’une sanction, en rappelant le droit aussi du salarié de se « taire », de garder le silence, de ne pas être contraint à l’aveu, de ne pas se sentir obliger de trop en dire ou de donner des éléments qui pourraient être mal interprétés voire de nature à aggraver la sanction. Le droit au contradictoire lors de l’entretien préalable à une mesure disciplinaire, n’est pas « plaidoirie » ni l’occasion de demandes reconventionnelles ou d’autres contestations…
Texte de la décision, ci-joint, illustration : crédit FREEPIK
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Secteur Juridique National
juridique@unsa.org
TEXTES EN « QUESTIONS » :
- L’article L. 1232-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 12 mars 2007 prévoit que « L’employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable : la « convocation (…) indique l’objet de la convocation (…)."
- L’article L. 1232-3 , dans la même rédaction, établit qu’« au cours de l’entretien préalable, l’employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié ». l’article L. 1232-4, dans la même rédaction énonce que « Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise (…) lorsqu’il n’y a pas d’institutions représentatives du personnel dans l’entreprise, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative (…)".
- L’article L. 1332-2 , dans sa rédaction résultant de la loi du 22 mars 2012, il est précisé que « Lorsque l’employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l’objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié » (…), « lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise (…) l’employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié ».